Nintendo hésite face au difficile marché chinois
La Chine est désormais le plus grand marché mondial du jeu vidéo, devançant les États-Unis. Mais c’est un marché très difficile et cela reste coûteux de s’y implanter. DeNA tente d’y faire sa place et Nintendo hésite : nous allons tenter de voir pourquoi.
DossierComme nous allons le voir, l'attrait du marché chinois a des répercussions importantes sur les stratégies des différents groupes. Elle a également aidé aux rapprochements entre Nintendo et DeNA. Intéressons-nous à cette belle opportunité de développement non seulement pour le secteur du jeu vidéo dans son ensemble, mais aussi pour Nintendo, qui ne sera pas contre certains relais de croissance tel que celui-ci !
Un Eldorado inaccessible ?
C'est un constat : les grands acteurs japonais et occidentaux du secteur, qui dominent les marchés sur le reste de la planète, ont toutes les peines pour s’implanter sur ce marché chinois très verrouillé dans les faits. Difficile pour elles de vendre leurs consoles et leurs applications.La Chine est un marché extrêmement dur, soupirait durant le Tokyo Game Show, Keiji Honda, le vice-président de Square Enix, l’éditeur de la franchise Final Fantasy, introduite sur le marché chinois avec l’aide de Shanda Games. Les ventes sont décevantes.Alors que le pays a commencé à rouvrir son marché en 2014 et a autorisé depuis août 2015 la vente sans condition de consoles étrangères (PS4 et Xbox One en tête ainsi que la Wii U), le pouvoir censure certains jeux. Les comptes sont donc loin d’être bons, pas le moindre blockbuster chez nous n’a réussi là-bas. Le marché PC se taille la part du lion, les consoles ne récupèrent que les miettes.
Comme le rappelle l’International Business Times, les règles sont strictes :
Les fabricants vont maintenant pouvoir vendre dans un marché estimé à 22,2 milliards de dollars en 2015, l'équivalent de 20,1 milliards d’euros, avec en prime une hausse attendue du marché de 23 % en 2015, par rapport à 2014. ll y a toutefois des mises en garde. Les entrepreneurs doivent obtenir une licence du gouvernement, respecter une réglementation stricte et s’assurer que les consoles ne fassent la promotion de rien qui puisse nuire à l’unité nationale. Le marché noir des jeux va exploser dès que les consoles seront disponibles.Même sur le marché des jeux sur portable, les studios étrangers n’y arrivent pas. Sur le reste de la planète, les studios peuvent s’appuyer sur la plate-forme Google Play et sur l’App Store d’Apple, mais pas en Chine.
Nous devons revoir notre approche habituelle, constate Ren Yi, le PDG du groupe japonais DeNA en Chine. Google Play représente à peine 3 % du marché. En tant qu’éditeur, il faut pouvoir s’adresser à des dizaines de plates-formes Android concurrentes.Même son de cloche de Tunghai Chien, le PDG du géant chinois du jeu Shanda Games, bien conscient des difficultés internes de son pays qu’il faut juguler pour s’installer.
Il faut développer des dizaines de versions de son jeu à chaque fois. C’est très coûteux.Les studios japonais se sentent dépourvus et doivent repartir de zéro.
On a essayé de décliner des jeux qui marchaient bien au Japon, mais ça ne fonctionnait pas, reconnaît Keiji Honda de Square Enix
Un constat qui permet une autocritique du processus de localisation des studios japonais
Nous avons longtemps pesté sur l’absence d’arrivée de titres japonais en Occident (Dragon Quest X par exemple). Mais c’est le fonctionnement même des studios japonais qui pose problème également, ce point ayant déjà été dénoncé face aux délais interminables pour obtenir certaines localisations de leurs produits en Occident. Les studios japonais sont trop lents à localiser leurs contenus !Un exemple récent : Project Zero : La Prêtresse des Eaux Noires sortant le 30 octobre 2015 chez nous alors qu'il a été commercialisé un an avant au Japon. Pourtant le volume de traduction n'était pas aussi important que le dernier Fire Emblem ! Cette lenteur, déjà contre-productive vis-à-vis de l'Europe et du marche nord-américain, devient un obstacle majeur sur le marché chinois.
Sharry Sun, du développeur chinois Perfect World, résume bien la situation :
Ils suivent, dans leurs entreprises, un long processus de validation et de confirmation avec plusieurs échelons hiérarchiques. Si bien que, quand ils prennent enfin une décision, des versions pirates de leur jeu sont déjà en place en Chine.
DeNA et Nintendo face à un important dilemme
Employant déjà 500 personnes en Chine, DeNA s’appuie désormais sur des jeux développés localement avec des stratégies de monétisation originales. L’entreprise ne baisse pas les bras et joue sur la durée pour finir par s’implanter. Après de nombreux efforts, cela finit par payer car en 2012, DeNA conclue un accord très important avec les trois plus grands opérateurs dans ce pays qui sont China Unicom, China Mobile et China Telecom.DeNA a annoncé qu’il se pourrait que sa plateforme de jeu figure sur le système d’exploitation mobile d’Aliyun d’Alibaba. Alibaba est le géant du commerce en ligne (le super Amazon) et a enregistré, sur les trois mois courant jusqu’au 30 septembre 2015, un chiffre d’affaires en progression de 32 %, pour atteindre 22,17 milliards de yuans (3,16 milliards d’euros). Il revendique désormais 386 millions d’usagers, soit 26 % de plus qu’un an auparavant (source Le monde)
Pour Nintendo, la situation est quelque peu différente et la société semble toujours hésiter à s’investir. Alors qu’elle se lance sur la bataille du marché mobile et qu’elle doit convaincre le marché mondial avec ses propositions NX, se lancer dans un nouveau combat pour faire sa place sur le premier marché mondial n’est pour le moment pas sa priorité première. Elle ne peut disperser ses forces pour le moment.
L’accord qui la lie avec DeNA est donc un ballon d’essai intéressant pour elle, car avec DeNA qui s’implante tant bien que mal sur le marché chinois, elle pourra avoir une première visibilité de ses jeux mobiles en limitant les frais. On peut se poser la question si les succès récents depuis 2012 de DeNA en Chine n'ont pas accéléré les négociations entre Nintendo et DeNA. Avoir un partenaire qualifié sur le marché mobile qui semble réussir avec succès son intégration au marché chinois, c'est un joker très important pour la suite de sa réflexion concernant le marché chinois.
Nintendo et la Chine, une vieille histoire d'amour non récompensée.
Un ballon d'essai nommé iQue Player
Si l’on se souvient, Nintendo avait déjà fait une tentative pour s’installer en Chine, dans les débuts de la présidence de Satoru Iwata. En 2003 Nintendo avait lancé une console exclusive pour la Chine, l'iQue Player, basée sur le processeur de la Nintendo 64. Très compact et ressemblant à une grosse manette que l’on branchait directement sur le téléviseur, elle pouvait techniquement faire fonctionner tous les jeux Nintendo 64 et Super Nintendo.
Pour lutter contre le piratage très présent sur le marché chinois, la console se devait être bon marché : un tarif ultra agressif de 598 yuans, soit à peu près 57 euros, avec des jeux vendus à 48 yuans, représentant un peu plus de 4,5 euros. Elle utilisait des cartes mémoires flash contenant des jeux qu'il fallait "débloquer" avec des code-barres vendus en magasin.
Voici à quoi ressemblent des iQue boutiques pour s'approvisionner en jeux
(image en provenance du site Kotaku)
Ce fut un succès limité mais un premier pas important qui aura des répercutions importantes pour la suite des projets de Nintendo. Iwata et Genyo Takeda était persuadé que pour s'installer durablement, en Chine comme dans le reste du monde, il fallait concevoir un produit compact, fiable et abordable pour les familles.
La grande saga de la DS et de la Wii
La recherche de prix bas tout en gardant une grande qualité a été ensuite l’essence même des propositions de Nintendo : c’est par ce biais que l'entreprise pourrait s’installer auprès des consommateurs dans le monde entier. Des consoles de petites tailles, trouvant facilement leurs places dans tous les logements. L’usage de composants peut-être pas toujours de toutes dernières générations mais fiables et relativement puissants. Ce fut l’avènement de la Wii et de la DS, avec le carton monumental des ventes que l’on connaît.Ce choix stratégique a été salué en 2007 par une consécration pour Iwata : il est considéré en 2007 et en 2008, comme l'un des meilleurs dirigeants d'entreprise au monde par The New York Times Magazine et par le magazine spécialisé dans la finance Barron's Magazine. Outre sa réussite stratégique, c’est aussi sa façon de diriger très proche de ses employés et sa constante sympathie qui faisaient merveille.
Un marché qui se ferme et des contrefaçons qui tuent les efforts de Nintendo.
Le lancement de la Wii est prévu sur le marché chinois, l’année 2008 est évoquée car il y a une demande, la DSi sera lancée en 2009 mais c’est le début des difficultés en Chine avec un marché qui finira par se fermer totalement aux entreprises étrangères en 2000. Sur place, ce sera le règne des contrefaçons.La Wii U fut elle-même très vite copiée, comme le prouve cet article de l'entreprise chinoise Jin Xing qui proposait une console portable nommée JXD S5100. Au premier regard, on voit tout de suite la filiation avec le fameux GamePad de la Wii U. Mêmes possibilités tactiles, même résolution ! Cette console était vendue localement pour 89 € et fonctionnait sous Android.
Pas facile pour Nintendo, avec autant d’obstacles, de se lancer sur le marché chinois. Même si ses personnages comme Mario sont populaires, la route risque d'être longue avant de pouvoir en tirer les bénéfices espérés.
Sources : Pour réaliser cette synthèse, nous avons eu recours à des informations publiées par les journaux les Echos, le Monde, l’International Business Times ainsi que Kotaku pour certaines images.
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