Elle n’était pas contente Hellena Taylor de sa proposition financière reçue pour doubler le troisième opus et encore moins qu’une autre personne ait accepté de prendre sa place. Des critiques très dures envers le studio PlatinumGames, publiées sur les réseaux sociaux afin de faire le plus gros bruit possible à l’approche du lancement commercial du titre. Des critiques également visant sa remplaçante, lui interdisant de signer quoi que ce soit du nom de Bayonetta car elle n’était pas la « vraie » Bayonetta d’origine : Bayonetta, c’est Hellena Taylor depuis 2009 et c’est ainsi ! Jennifer Hale a fait dans un premier temps le dos rond car ne voulant pas se lancer dans une polémique alors qu’elle était sous accord de non-divulgation. Mais depuis son compte twitter, elle avait liké une remarque d’un utilisateur : « Elle n'est qu'un VA engagé comme vous... ».
Mais finalement Jennifer Hale a fait une
déclaration pour répondre à la controverse. Son message, que l'on peut voir ci-dessous, ne donne pas trop de détails sur les problèmes en cours, mais il aborde certaines des principales revendications actuellement discutées.
En voici sa traduction :
En ce qui concerne Bayonetta 3,
En tant que membre de longue date de la communauté des acteurs vocaux, je soutiens le droit de chaque acteur à être bien payé et je le défends sans relâche depuis des années.
Tous ceux qui me connaissent ou qui ont suivi ma carrière savent que j'ai un grand respect pour mes pairs et que je suis un défenseur de tous les membres de la communauté.
Je suis sous un accord de confidentialité et je n'ai pas la liberté de parler de cette situation. Ma réputation parle d'elle-même.
Je demande sincèrement à chacun de garder à l'esprit que ce jeu a été créé par une équipe entière de personnes dévouées et travailleuses et j'espère que chacun gardera l'esprit ouvert sur ce qu'ils ont créé.
Enfin, j'espère que toutes les personnes concernées pourront résoudre leurs différends de manière amicale et respectueuse.
Avec amour et respect pour vous tous,
Connue de la communauté des joueurs pour avoir été la voix du commandant Sheppard dans la série Mass Effect et de Samus dans la série Metroid Prime, Mme Hale a un nombre impressionnant de rôles à son actif - 471 selon l'Internet Movie Database - depuis 1988. Rien que cette année, elle a incarné Ashe dans Overwatch 2, la reine Odina dans Return to Monkey Island, le juge rouge dans Metal : Hellsinger et le personnage féminin Sylvari dans Guild Wars 2 : End of Dragons, entre autres.
Un CV déjà bien impressionnant qui soulève donc une question. Si Mme Taylor a refusé d’empocher 4000 $ pour reprendre son personnage culte, combien a donc pu être payée Mme Hale pour doubler la sorcière dans le troisième opus ? On se doute qu’en étant engagée pour jouer un personnage emblématique, et en ayant signé un accord de non-divulgation, on ne devrait pas avoir le détail de sa rémunération.
Quand le salaire des doubleurs revient sur le devant de la scène
Posons-nous la question : est-ce que 4000 $ est une grosse somme au regard des contrats communément appliqué dans le milieu du jeu vidéo ? Un élément de réponse nous vient d’un autre acteur du monde du doublage, Benjamin Diskin, qui donne les grandes lignes de rémunérations pratiquées dans l’industrie du doublage. Pour les acteurs syndiqués, c’est environ 1000 $ pour une session qui peut durer jusqu'à 4 heures. Le tarif non syndiqué est de 250 $/h avec une garantie minimale de 2 heures. Il n'y a pas de royalties basées sur les ventes de jeux ou autre chose.
4000 $ est donc une fourchette haute, qui s’explique aisément par la notoriété du personnage doublé. Mais là où l’histoire se complique, c’est que selon Jason Schreier de Blomberg, en citant comme source Business Wire, les 4000 $ mis en avant dans cette histoire correspondent bien à une session, mais que Mme Taylor s’était vu proposer plusieurs sessions pour couvrir ce travail.
Dans le cas de Bayonetta 3, le développeur semblait déterminé à réembaucher Taylor, selon deux personnes au fait des négociations et des documents examinés par Bloomberg. Voici en quoi leurs versions diffèrent : Platinum Games a cherché à engager Taylor pour au moins cinq sessions, chacune étant rémunérée entre 3 000 et 4 000 dollars pour quatre heures de studio, ont déclaré les personnes, qui ont demandé à ne pas être identifiées car elles ne sont pas autorisées à discuter des négociations de contrats privés. Le total pour le jeu s'élèverait donc à au moins 15 000 dollars. En réponse, ils ont dit, Taylor a demandé une somme à six chiffres ainsi que des pourcentages sur le jeu. Platinum a refusé et, après de longues négociations, a passé des auditions pour trouver un nouvel acteur. Platinum a ensuite offert à Taylor un caméo dans le jeu pour le prix d'une session, ce qu'elle a refusé, selon les personnes interrogées.
Dans un courriel, Taylor a décrit ce récit comme "un mensonge absolu" et a déclaré que Platinum "essayait de sauver son cul et le jeu". Elle a dit qu'elle s'en tenait à tout ce qu'elle a dit dans la vidéo. "Je voudrais mettre toute cette foutue franchise derrière moi, très franchement, continuer ma vie au théâtre", a-t-elle écrit. Les représentants de Platinum Games et de Nintendo n'ont pas répondu aux demandes de commentaires. Hideki Kamiya, le directeur exécutif de Bayonetta 3, a qualifié les allégations de Taylor de "tristes et déplorables" dans un message sur Twitter, puis avait évoqué un peu plus sa pensée avant qu ce dernier tweet ne soit effacé.
Je suis incroyablement déçu. L’équipe de Bayonetta n’a pas mérité ce qui leur est arrivé aujourd’hui. Je ne crois pas que ce soit toute l’histoire. Du tout. Et je déteste le fait qu’internet ne sache faire que retweeter. J’adore Hellena. J’adore l’équipe. Mais ce qui est arrivé aujourd’hui est une honte.
Qui a donc raison ?
Si les critiques de Mme Taylor sont devenues virales, enregistrant plus de 9,5 millions de vues sur Twitter, c’est que ces accusations renvoyaient à des heures sombres du métier. En effet, en 2016, une grève dure de près d’une année avaient ébranlé l’industrie. Les acteurs vocaux sont très appréciés des fans, mais leur salaire n'atteint pas celui d'un acteur d'Hollywood. Les acteurs de jeux vidéo se plaignent depuis longtemps d'être sous-payés et sous-estimés. Certains ont déclaré qu'ils recevaient peu d'informations sur leur rôle avant de se présenter dans la cabine d'enregistrement. Le secteur fonctionne de manière tellement clandestine que les acteurs ne savent parfois même pas pour quel jeu ils enregistrent des répliques avant sa sortie.
Lors des négociations contractuelles en 2016 par le syndicat représentant de nombreux acteurs, la Screen Actors Guild - American Federation of Television and Radio Artists, un gros point de blocage concernait les droits résiduels, c'est-à-dire la rémunération des acteurs lorsque les ventes d'un jeu dépassent les attentes. Les doubleurs avaient renoncé à ce combat en échange de primes calculées en fonction du nombre de sessions de travail.
Ce conflit salarial entre le créateur d'une série de jeux vidéo acclamée par la critique et son doubleur vedette a relancé ainsi le débat de longue haleine sur les salaires dans le secteur. Comme c'est souvent le cas dans ce genre de désaccords, les détails entourant les négociations et le casting du prochain jeu, Bayonetta 3, sont plus compliqués que ce qui a été dépeint publiquement.
Mme Taylor n’a pas hésité à entrer en conflit en publiant une série de vidéos samedi sur Twitter, accusant Nintendo Co. et le développeur du jeu, PlatinumGames, de lui avoir proposé un total de 4 000 dollars pour reprendre son rôle. Elle a dit qu'elle a rejeté l'offre basse et a demandé aux fans de s'abstenir d'acheter le jeu. "Si vous êtes quelqu'un qui se soucie des gens, qui se soucie du monde qui vous entoure, qui se soucie de ceux qui sont blessés par ces décisions financières, alors je vous invite à boycotter ce jeu", a déclaré Taylor dans l'une des vidéos.
Plusieurs des pairs de Taylor se sont exprimés après ses vidéos. Bryan Dechart, qui a joué dans Cyberpunk 2077 et Red Dead Redemption II, a déclaré qu'on lui avait proposé 4 000 dollars pour travailler sur un projet non syndiqué pour un jeu à gros budget. Sean Chiplock, qui a fait la voix de trois personnages dans le blockbuster de Nintendo, The Legend of Zelda : Breath of the Wild, a déclaré avoir été payé environ 3 000 dollars pour ce travail.
Concernant la série Bayonetta, c’est plus compliqué. En effet, si la franchise est adorée par de nombreux fans et a toujours bénéficié d’excellentes critiques, elle n’a jamais été un grand succès commercial. La version Nintendo Switch de Bayonetta 2, sortie en 2018, s'est vendue à un peu plus d'un million d'exemplaires, soit très loin des scores de nombreuses autres franchises détenues par Nintendo. Tout ce que l’on sait, c’est que Bayonetta 3, les coûts d'interprétation étaient plus élevés que pour d'autres projets parce que le studio s'est appuyé sur des interprètes syndiqués, ont déclaré trois personnes familières avec la production du jeu, ce qui signifiait un minimum d'environ 900 $ pour une session vocale de quatre heures, plus les bonus. Les acteurs de renom ou les stars de la franchise comme Taylor gagnent généralement plus.
Difficile de prendre position mais Mme Hale a retweeté le fil d’un autre acteur vocal disant ceci : "Si vous n'entendez qu'un côté (ou une partie d'un côté) d'une histoire, vous n'avez pas entendu toute l'histoire."
La sortie de Bayonetta 3 est prévue pour le 28 octobre 2022, exclusivement sur la Nintendo Switch et ce serait bien passée de cette mauvaise publicité. Espérons du moins que le jeu et son gameplay mettent tout le monde d’accord pour dire que c’est un très grand hit de la console Switch.
Sources :
Blomberg,
Dualshockers,
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