Qui a gagné l'E3 2015 : une analyse intéressante de Thomas Bidaux
Devant la multitude d'articles rédigés durant cette période intense qu'est l'E3, il n'est pas toujours facile de se faire une idée toujours très précise et objective des jeux qui ont marqué lors de cet événement. Voici une proposition assez convaincante.
DossierSes méthodes sont simples, les chiffres tiennent compte de la quantité d’articles écrits sur un même sujet, ne prenant pas en compte les sites consacrés à un jeu ou à une plateforme unique ni les portails ne faisant que rediffuser le contenu de divers sites. Ces chiffres permettent d'illustrer les tendances ayant émergé lors de la semaine de l'E3 car l’auteur n’a pris en compte que les articles écrits durant cette période.
Cela laisse comme il en convient lui-même une petite marge d’erreur (Thomas Bidaux évoque d’ailleurs que le jeu Just Cause 3 a posé problème dans sa méthode d’analyse et qu’il a dû l’écarter) et de plus, son principe ne peut s’appliquer au marché PC, trop complexe à suivre de cette manière. Mais la synthèse de ce travail donne des résultats intéressants. Attardons nous sur cette cuvée 2015.
1. Les résultats par plateforme
En termes de nombre d'articles, nous pouvons voir une baisse à la fois pour Sony et Nintendo, tandis que Microsoft a vu sa couverture médiatique augmenter significativement. Cela peut provenir d'un fort line-up de la part de la société de Redmond, ou de moindre performance de ses concurrents. Nous verrons plus tard, mais cela pourrait également être lié à une sélection plus intelligente des titres multi-plateformes mis en vedette lors des conférences respectives (entre Sony et Microsoft bien sûr, car Nintendo avec ses jeux exclusifs ne peut être comparée de la même manière).Le graphique suivant nécessite quelques explications pour mieux l’appréhender. Afin de mesurer l'ampleur d'un article, on crée à partir d’une formule basée sur les sites d’Alexa un classement qui attribue à chaque article un «poids» différent (ndlr : Alexa Internet est une entreprise basée à San Francisco, fondée en avril 1996, devenue filiale d’Amazon ; son site Web est principalement connu pour fournir des statistiques sur le trafic du Web mondial, l’Alexa Ranking).
Les paramètres sont notamment liés à la popularité d’un site, laquelle lui donnera un poids plus important pour son article. Il y a donc une échelle allant de 0,1 à 10. Par exemple, Eurogamer.net a une graduation de 10, Gamasutra.com atteint une portée de 9 et MondesPersistants.com une portée de 2. Nous n’avons pas l’indication pour Puissance Nintendo malheureusement (et nous ne savons pas si nous sommes pris dans l’échantillon puisque la plupart du temps, lorsque les blogs retranscrivent les nouvelles, ils ne sont pas conservés dans les calculs). Par ailleurs, avec l’évolution des médias et des popularités, l’échelle de graduation apportée à chaque site évolue en permanence.
Le second graphique montre une tendance intéressante. Il montre que la couverture médiatique aurait réduit en volume, mais que les médias couvrant l'événement ont augmenté. Cela pourrait être lié au fait que les médias d’intérêt général (donc non spécifiquement liés au monde du jeu vidéo) ont eu tendance à relayer plus de nouvelles ou à porter plus d’intérêt pour l’actualité du jeux vidéo.
Cette année 2015 n’a pas été une bonne année pour Nintendo, qui peine à maintenir son audience tandis que ses deux concurrents Microsoft et Sony l’ont élargie. Si l’on regarde plus en détails les plates-formes spécifiques, on obtient ceci :
En tête du peloton, la PlayStation 4, qui possède à peu près le même volume d'articles que l'année dernière. La Xbox One a vu une augmentation de 25 % du nombre d'articles la mentionnant. La Wii U, la PS3 et la Xbox 360 sont toutes trois en baisse, ce qui est compréhensible pour les deux « anciennes consoles » de Microsoft et Sony qui commencent à accuser leur âge, mais en revanche c’est plus inquiétant pour Nintendo.
Au rayon des nouvelles technologies, Oculus Rift (qui avait sa propre conférence de presse la semaine précédente), Morpheus et Hololens se maintiennent tous dans la même représentation. Le petit dernier des casques virtuels, le StarVR, réalise une bonne performance, assez encourageante pour un nouveau venu.
2. Les jeux
Les éditeurs se sont davantage lancés cette année dans l’exercice périlleux de leur propre conférence de presse. Jusqu’à présent nous étions habitués à voir Electronic Arts et Ubisoft, mais Bethesda et Square Enix les ont rejoints. En extrayant tous les jeux présentés, voici le top 15 des jeux les plus mentionnés dans la presse lors de cet E3 :D’abord, tous les jeux faisant parti du top 15 ont été présentés au cours d'une ou plusieurs conférences de presse. Puis, le grand gagnant est Fallout 4, qui a été le jeu le plus couvert, ceci de manière très large. Pourtant, on aurait pu penser spontanément que cela serait les titres de Sony ayant fait un énorme Buzz comme Final Fantasy 7, The Last Guardian ou Shenmue 3. Bethesda a donc été très brillant sur cet E3, car outre son titre Fallout 4, Doom et Dishonored 2 sont très présents également dans les résultats. Sony s’est bien débrouillé au niveau communication mais l’exercice de l’année prochaine ne sera pas facile à renouveler après avoir apporté autant d’émotions et de rêves à de nombreux joueurs. À moins que la firme japonaise arrive à convaincre Ubisoft de sortir enfin un Beyond Good and Evil 2…
Si l’on se penche un moment sur les éditeurs, la conférence d’Electronic Arts a été globalement décevante car la couverture médiatique de ses titres est en baisse. Malgré son incroyable Battlefront mettant en scène l’univers Star Wars d’une manière visuellement superbe, l’accueil n’a pas été aussi important qu’espéré. Même son de cloche pour Mirror’s Edge, attendu, mais qui n’a pas donné suffisamment de matière pour mériter un succès d’audience. Enfin son FIFA 16 est en baisse de 20% en audience par rapport à FIFA 15, signe peut-être d’un essoufflement de la série qui peine à se renouveler suffisamment, même si on peut penser que la contre-performance de l’ex-star de foot Pelé n’a pas aidé.
Bethesda est le «gagnant» de cette année. S’appuyant sur Fallout et DOOM qui sont des franchises solides et bien établies qui n'avaient pas été vues depuis un moment, son titre Dishonored 2, deuxième titre d'une nouvelle IP, a reçu 50% de plus de couverture que le nouvel Assassin's Creed de cette année. Bethesda enfonce le clou avec Fallout Shelter, premier titre mobile de l’entreprise, qui a été très largement couvert, ce qui est rare pour un jeu mobile. Bethesda a donc eu une stratégie gagnante : de gros titres de qualité, un bon timing puisque les jeux étaient attendus par les fans, et enfin pour leur jeu mobile, le fait que le titre était disponible dès à présent.
Ubisoft rencontre une situation un peu particulière et a un peu déçu, non pas que les titres n’étaient pas de qualité, mais la formule de présentation était un peu convenue. The Division a rencontré un franc succès, supérieur à sa première présentation de l’année précédente, et Rainbow 6 Siege est sur la même ligne. En revanche, la grosse déception est Assassin’s Creed Syndicate, la franchise ayant reçu beaucoup moins d’articles alors que Ubisoft était habitué à truster les premières places les années précédentes.
Enfin, Square Enix pour son premier exercice de communication de ce genre s’en tire assez bien même s’il y a eu plusieurs loupés, le premier étant leur report de conférence après avoir réalisé qu’ils allaient parler au même moment que Nintendo. Mais ils ont présenté plusieurs titres très bien accueillis par la presse : Hitman, Deus Ex Mankind Divided, Tomb Raider et Final Fantasy VII. On constate donc que les deux petits nouveaux, Square et Bethesda, s’en sortent bien mieux que les habitués de l’exercice.
Les deux graphiques suivants présentent les résultats pour les titres mobiles et les titres non-considérés comme triple A.
Alors, après toutes ses analyses, que dire de Nintendo ?
Les titres de la firme sont bien faiblement représentés malgré un Star Fox très attendu. En revanche, nombreux sont les articles à avoir évoqué la déception des utilisateurs face au line-up présenté, et la pétition à l’encontre de Metroid n’a pas vraiment honoré la firme. Alors que l’année 2014 saluait une très belle prestation, l’année 2015 est une année d’attente mais pas une mauvaise année. Les titres présentés étaient généralement connus à l’avance, l’E3 ne les mettant plus vraiment en lumière puisque tout était déjà plus ou moins présenté lors des Nintendo Direct.Les nouveautés ont dérouté mais personne ne peut dire encore pour le moment si cela sera des échecs commerciaux. Le problème était probablement que tous les sujets qui pouvaient potentiellement intéresser la presse avait été évacués par des annonces avant le salon : pas d’info NX, pas de présentation de jeux mobiles liés à l’accord DeNA, pas de Zelda, pas de Quality of Life, pas de jeu devant sortir après l’exercice 2015/2016. Pas de buzz possible, pas de rêve, et des concepts méritant plus d’explications avant leur présentation rapide, Animal Crossing pour Wii U et Metroid en tête.
Aujourd’hui, si on s’attarde sur le nombre d’articles concernant Nintendo après l’E3, il est globalement en hausse, mais c’est surtout un déferlement d’interviews comme si on cherchait à se rattraper après être passé complètement à côté de l’attente des joueurs. Aucun jeu présenté ne doit être classé dès à présent dans la catégorie des jeux mauvais ou trahissant telle franchise, avant d’avoir en mains la version finale. Mais il aurait tellement été plus judicieux pour la firme d’expliquer les stratégies au préalable, au lieu de tenter aujourd’hui d’éteindre les divers incendies, comme vient de le faire Reggie pour Zelda et Metroid.
L’analyse confirme la singularité de Nintendo vis-à-vis du marché actuel : elle ne fait rien comme les autres, c’est ce qui intéresse régulièrement. Mais l’attente est ailleurs désormais. Les éditeurs phares qui ont percé lors de ce salon E3 ne développent pas sur les consoles Nintendo, les anciens éditeurs tiers qui ont peu à peu tourné le dos à la firme japonaise rencontrent moins de succès sur leurs énièmes suites.
En ne donnant pas suffisamment de concret, du neuf, Nintendo reçoit un accueil au mieux poli mais peu enthousiaste. Est-ce vital pour la firme ? Nintendo pourrait-elle se passer de l’E3 ? Pourquoi pas, après tout elle ne fait pas réellement de différence entre un Nintendo Direct et sa conférence, et est donc déjà ouverte à une audience mondiale via les réseaux plus que sur une seule performance de plateau. C’est ce réseau qui pourtant ne lui pardonne plus de ne pas bouger suffisamment vite. Espérons que le désamour ne s’installe pas.
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