Récemment, Nintendo s'est mis en tête de faire découvrir la saga en dehors de l'archipel nippon, en traduisant notamment Fire Emblem 7 et 8 sur Game Boy Advance. La série commença à accrocher de nombreux joueurs, et c'est donc tout naturel que l'opus Gamecube soit prévu pour une sortie en Novembre. Faut-il l'attendre impatiemment pour autant? Interrogeons donc la version japonaise...
Ce soir, Minus, nous allons sauver le monde!
Si vous avez joué à l'unique Fire Emblem sorti en Europe actuellement, le style du scénario ne devrait pas vous être étranger. Il s'agit, tradition oblige, toujours d'une bande de combattants destinés à sauver le monde de façon noble et courageuse.Plus précisément, FE 9 narre les aventures de Ike, membre d'un groupe de mercenaires menés par son père, Grail. Et du travail, ils vont beaucoup en avoir! En effet, le monde est dans une situation critique, due aux nombreuses tensions raciales entre les humains et les Ragz, des créatures mi-humaines mi-animales.. Certains royaumes voient d'ailleurs d'un mauvais oeil les tentatives de réconciliation entre les deux peuples, et iront jusqu'à la guerre pour 'expliquer' leur point de vue.
Evidemment, le scénario contient son lot de révélations, de trahisons et de conseils de guerre, se dirigeant peu à peu vers une quête pour sauver le monde entier d'un danger incommensurable. Rien que du classique quoi! FE 9 se distingue néanmoins de ses prédécesseurs par l'inclusion de la thématique du racisme, les Ragz étant une espèce unique à cet opus. Ca change, et ça apporte une dimension nouvelle à une trame assez classique dans le fond.
Notons que l'univers dans lequel se déroule le jeu est séparé de tous ceux décrits dans les précédents Fire Emblem. Inutile donc de rechercher des personnages d'autres épisodes de la série car ils n'existent tout simplement pas!
The Dreamcast touch
Une 3d impeccable, des personnages stylisés par un léger cell shading et une mise en scène remarquable sont les éléments que vous retrouverez dans Fire Emblem sur Gamecube… mais seulement lors des cinématiques. En effet, ces dernières sont très jolies, mais elles sont distribuées au compte-gouttes. Ne vous fiez donc pas aux trailers, car ils ne sont constitués que de ces FMV qui ne sont pas représentatives de la qualité réelle de la réalisation du jeu.En dehors des cinématiques, les graphismes oscillent entre le “sympa” et le “bof”. Le “sympa” se trouve lors des phases de scénario, illustrées par de jolis artworks finement dessinés et reproduits tel quel par la Gamecube. Les capacités de la console sont ici pas vraiment mises à contribution, car ces séquences sont des vignettes immobiles dans lesquelles des personnages se parlent via du pur texte, évoquant des souvenirs de Rival Schools sur PSX. La qualité des dessins est néanmoins appréciable, ce qui rend ces phases scénaristiques agréables à regarder.
Par contre, dès qu’on arrive sur le champ de bataille (soit 90% du temps), les choses se gâtent: les maps sont pauvres, et très simples. Les personnages sont modélisés grossièrement, et ne disposent pas du cell shading entrevu lors des cinématiques. En plus, ils sont animés assez bizarrement, style “syndrome du balai dans l’arrière-train des héros de jeux sur PSX”.
Lors des attaques, le résultat n’est guère mieux: Il n’y a rien de plus triste que de voir une de nos unités donner pitoyablement un coup de hache sur un garde ennemi dans une séquence de combat qui aurait pu être impressionnante y’a 10 ans. Même les sorts magiques sont simples et manquent de punch!
Bon, le jeu est pas moche, car les graphismes sont quand même propres et professionnels, mais on dirait un jeu Dreamcast adapté rapidement sur la Gamecube (et encore, ce serait insulter Skies of Arcadia). Bref, les amateurs de prouesses techniques devront passer leur chemin, car ce Fire Emblem n’est pas du tout au point à ce niveau.
La bonne nouvelle, c’est que le jeu reste toujours clair et lisible. Vu que c’est assez important de pouvoir facilement savoir qui est où sur la map dans un TPRG, on peut se dire que le jeu a au moins cette qualité. On peut même utiliser le stick C pour bouger la caméra, ce qui est bien le seul apport que la 3d amène au jeu.
La musique, elle, est sympathique sans être remarquable. Les thèmes musicaux des anciens Fire Emblem sont notablement absents, mais les mélodies du jeu n’en sont pas moins agréables. Le seul élément énervant de la bande son est le jingle entendu lors du tour de l’ennemi: super fort et dramatique, il devient un peu lassant et ridicule, surtout quand par exemple il intervient alors qu’il ne reste que quelques ennemis super faibles sur la carte. Enfin bref.
C’est dans les vieux pots…
Pour ceux qui prendraient le train en marche, rappelons d’abord que les Fire Emblem ont toujours été des TRPG pure souche. Rien à voir donc avec un Tales of Symphonia, ici l’accent est mis sur les affrontements entre la bande des héros du joueur et l’armée ennemie. Il n’y a donc pas d’exploration, pas de village à visiter ni de donjons à compléter: le jeu est structuré autour de maps, qui comportent toutes un objectif à remplir (généralement annihiler l’armée ennemie, ou prendre possession d’une case gardée par un boss) avant de pouvoir passer à la prochaine.Ces affrontements se déroulent sur un terrain quadrillé, où chaque case à ses propres propriétés qui influent sur les personnages s’y trouvant. Les unités sont aussi toutes distinctes, et certaines ont même des capacités spéciales dont il faudra tenir compte. Par exemple, les unités volantes peuvent passer en dessus d’obstacles du terrain, mais sont faibles faces aux archers. Si vous avez déjà joué a Final Fantasy Tactics Advance, le genre ne devrait pas vous être inconnu.
Les Fire Emblem se distinguent des autres TRPG grâce à deux éléments: premièrement, le principe du “triangle d’armes”. Inspiré du feuille-caillou-ciseau, ce principe donne des avantages à certaines armes par rapport à d’autres. Ainsi, les épées battent les haches, ces dernières battent les lances, et les lances battent les épées. Les personnages pouvant équiper un ou plusieurs types d’armes selon leur type, il faudra donc bien équiper et positionner ses troupes de manière à désavantager les unités ennemies. Il faut aussi penser à ménager ses armes, car elles ont toutes un nombre limité d’utilisations.
Autre particularité: dans Fire Emblem, quand un personnage meurt, il meurt pour toujours. Pas d’items de résurrection, pas de sort analogue, rien. De plus, on ne peut pas sauvegarder lors d’une map, donc on ne peut revenir en arrière si un mauvais choix tactique aboutit sur la mort d’un compagnon. La seule solution possible est d’appuyer sur reset et de refaire la mission en entier! Il est aussi possible de continuer, mais cela veut dire que l’armée des héros sera affaiblie pour les prochaines missions…
Les Fire Emblem sont donc à réserver aux gens patients: voir un personnage mourir juste avant la fin d’une mission longue et ardue est frustrant au possible, et il n’est pas rare de devoir refaire trois ou quatre fois une map pour pouvoir enfin la terminer de façon satisfaisante. Heureusement que je suis de nature calme, car sinon ma manette Gamecube aurait fini dans le poste de télévision à plus d’une reprise au cours du test.
Dans les méandres du Gameplay
Ce que j’ai décrit plus haut est vrai pour tous les jeux de la série, et FE9 n’y fait pas exception. En effet, la série est très consistante et les épisodes varient plutôt sur les détails que sur le principe. L’opus Gamecube se joue donc de façon quasiment identique à ses prédécesseurs, mis à part quelques innovations. Voyons tout cela de plus près.Même si ce n’est pas vraiment une nouveauté, il faut signaler que FE9 fait table rase de tous les éléments RPG présents dans son prédécesseur direct. En effet, dans FE8, on pouvait se déplacer sur une carte du monde, faire des combats aléatoires, entrer dans des donjons optionnels ou combattre dans une arène. Rien de tout cela ne reste dans le jeu Gamecube, et la progression reprend celle des autres opus de la série, soit linéaire au possible. Petite conséquence: on ne peut plus gagner de l’expérience en dehors du scénario, et il faudra donc bien choisir quelles unités envoyer au casse-pipe histoire de ne pas se retrouver avec une armée faiblarde à la fin du jeu.
Un élément bien sympa que le jeu a quand même conservé de FE8 est le fameux choix de la difficulté. Il est dès le début du jeu possible de jouer en Normal, Hard ou Mania. Le Normal est adapté aux débutants et contient même quelques tutorials, et permet de s’en sortir plus ou moins bien en bourrinant. Le Hard est plus en phase avec la difficulté des jeux précédents, et le Mania est capable de faire des crises de rage chez un moine bouddhiste. C’est une bonne idée qui permet de rendre le jeu accessible aux novices tout en ne dégoûtant pas le vétéran (comme par exemple FE7 et son célèbre tutorial de 10 missions).
Mais passons maintenant aux vraies innovations! La première nouveauté est directement liée au thème scénaristique de cet opus: les Ragz, ces êtres mi-animaux, sont des unités à part entière et opèrent de façon très originale. En temps normal, ils ne peuvent rien faire à part se déplacer. Ils disposent néanmoins d’une barre de transformation qui se remplit au fil des tours. Une fois celle-ci pleine, ils se transforment en bêtes féroces quasi invincibles pour qui ne possède pas certaines armes spéciales. Très intéressantes à jouer, ces unités sont alternativement des boulets à protéger et des bourrins à envoyer détruire tout sur leur passage, et confèrent un certain rythme auquel le joueur doit s’adapter. D’ailleurs, il faudra bien s’en souvenir, car il n’est pas impossible de voir quelques Ragz venir grossir les rangs des armées ennemies…
FE9 se démarque aussi de ses prédécesseurs par un système de EXP bonus bien pratique. Selon sa performance, le jeu attribue au joueur un pactole d’EXP qu’il peut ensuite dépenser sur les persos de son choix entre deux missions. Ce système est super pratique dans la mesure où il compense légèrement l’un des grands problèmes de la série, qui est la répartition de l’expérience. Il est donc possible de faire progresser certaines unités faibles sans pour autant risquer leur vie à chaque combat, ce qui est très appréciable. Evidemment, ce n’est qu’une petite aide, et l’on reste autant le bec dans l’eau à la fin du jeu si l’on utilise trop souvent ses unités puissantes, privant le reste de l’armée de progression statistique.
Path of Radiance propose aussi un système de skills que l’on peut attribuer aux personnages en leur adjoignant des recueils de techniques. Cela apporte un degré de customisation bien sympathique, et, le nombre de place pour les skills étant limité pour chaque personnage, pousse à faire des choix tactiques sur l’organisation générale de l’armée des héros. De plus, chaque unité dispose d’un “biorythme”, qui donne alternativement des bonus ou des malus de 5% sur les stats. Assez anodin, ce système ne devient important que si l’on équipe des items permettant de jouer avec, et autrement n’a pas tellement d’influence sur le déroulement du jeu.
FE9 voit aussi l’inclusion d’une commande permettant à un personnage puissant de repousser un autre plus faible d’une case. C’est sympa, mais son application reste limitée à une poignée de situations spécifiques, comme par exemple pour pousser un personnage neutre hors d’un passage important sans avoir à recourir aux armes.
Le dernier changement notable se situe au niveau des promotions des perso. Alors que les anciens FE reposaient sur un système lourdingue d’items spécifiques pour changer la classe d’un personnage donné, FE9 opère une promotion automatique dès le niveau 21. Les items existent toujours, mais c’est très agréable de savoir que tous les persos ont quand même la capacité de prendre une classe plus puissante même si l’on a une carence d’objets de promotion.
Notons au passage que le système de “choix” de classe supérieure de FE8 a disparu: chaque personnage qui peut évoluer ne peut évoluer que dans un sens. A mon avis, ce n’est pas une perte car ce système était un peu déséquilibré à la base, certaines classes valant bien mieux que d’autres.
En revanche, il y a une “innovation” qui aurait mieux fait de rester dans les cartons d’Intelligent Systems. S’il y a bien un truc que l’on adooooooore tous dans un jeu, c’est les NPC “alliés” qui tentent d’aider et qu’il faut protéger. Ah oui! C’était génial dans Daikatana, merveilleux dans Silent Hill 4, superbe dans RE4, inoubliable à la fin de MGS3 et SURPRISE il y en a aussi dans FE9! Dans un élan que personne ne comprendra, les développeurs ont eu la bonne idée de créer quelques personnages “partner”, qui sont alliés à l’armée du héros mais ne sont pas directement contrôlés par le joueur. Et comme la tradition l’exige, ils ont l’AI d’un veau mort. Ils foncent droit dans un tas d’ennemis trop puissants pour eux (et attirent lesdits ennemis vers le reste de la bande), attaquent n’importe qui, et préfèrent mourir plutôt que de battre en retraite. Le pauvre Ike ne peut les influencer qu’on leur donnant des ordres très vagues (“attaque!!”), ou en leur fixant un waypoint, auquel cas ils s’y rendront sans même prêter la moindre attention aux unités ennemies (!). De quoi faire rager même le plus patient des tacticiens. Paradoxalement, les unités ennemies ont une AI intelligente et savent s’organiser pour punir chaque erreur du joueur. C’est bon pour la durée de vie, mais niveau équité euh…
Toujours au rayon des trucs qui fâchent, le jeu semble avoir été béta testé avec les pieds. La preuve, c’est qu’il est possible d’abuser d’un trou dans la programmation pour se créer une épée avec 255% de chances de faire un coup critique. C’est un peu décevant de constater qu’il y aie des bugs qui peuvent aisément détruire l’intérêt du jeu. On ose espérer que ce sera corrigé pour la version américaine?
Ces deux gros défauts sont heureusement compensés par la qualité générale des maps. Elles sont toutes bien pensées, et ont des objectifs variés, ce qui donne l’impression de toujours faire quelque chose de nouveau. Il faudra par exemple battre des boss, ou défendre un endroit pour un certain nombre de tours. D’ailleurs, FE9 marque le retour d’un type de map introduit par FE5, qui demande aux héros de “s’enfuir” par une case spécifique (généralement à l’autre bout de l’emplacement des héros). Si Ike y va, la mission est finie et les unités encore sur le terrain sont perdues. Il faut donc faire passer tout le monde avant lui, ce qui est assez stressant (la partie se terminant direct à la mort de Ike). Du tout bon quoi.
Niveau durée de vie, FE9 s’en tire admirablement avec environ 25 missions, dont la majorité a 1 map chacune (certaines en ont plusieurs). Il y en outre des cartes secrètes, ainsi que des perso accessibles qu’après certaines manipulations. En outre, les trois niveaux de difficultés assurent que l’on s’y remettra après l’avoir fini, et le jeu dispose de petits bonus déverrouillés dès le jeu complété (par exemple, un autre système de progression de stats pour les personnages).
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