Dossier Game France
Game : au revoir et merci
En milieu de semaine dernière, le lancement de soldes monstrueuses chez Game ne laissait que peu de doute sur l'avenir de la 2e chaîne de boutiques de jeux Vidéo de France…
DossierUne liquidation déguisée en soldes monstres
Mardi 8 janvier au soir, les magasins Game reçoivent un mail de la Direction : les Soldes se concrétiseront chez Game par une remise de 30% sur les consoles neuves, de 60% sur les jeux neufs, les accessoires et toutes les occasions… Dans le secteur, de telles remises sont impossibles sans pertes énormes, même en période de solde, et l'opération semblait donc plus désespérée qu'autre chose.Le tiers des magasins sont en Ile de France : 55 magasins sur 157.
Game, c'est un réseau de 157 magasins - 35 boutiques avaient déjà fermé l'année dernière comme nous nous en émouvions déjà dans cette info. 157 magasins, ce sont donc encore 750 salariés (557 CDI et environ 200 CDD) qui, depuis quelques jours, ne savent pas à quelle sauce ils vont être mangés, ni par qui… Revenons sur une semaine très difficile pour les salariés de Game, conséquence de plusieurs mois d'incertitudes depuis le placement en redressement judiciaire, en septembre dernier.Quel avenir pour les magasins ?
Plusieurs offres ont été faites au Tribunal de Commerce de Bobigny, qui gère le placement en redressement judiciaire de Game depuis le mois de septembre. Cette procédure doit aboutir le 25 janvier avec une décision du Juge sur le sort à donner à un groupe qui n'a pas gagné d'argent depuis 3 ans (4,5 millions d'Euros de pertes en 2011, 2,3 millions en 2010), et dont la santé s'est largement fragilisée en 2012 avec la faillite de sa maison-mère et actionnaire majoritaire, Game LLC, dont on a largement parlé sur PN début 2012.Parmi les offres connues, outre Free au sujet duquel on ne dispose d'aucune information pertinente (la société ne serait intéressée que par des baux commerciaux de magasins Game pour y installer ses propres boutiques), on compte d'une part celle de Micromania, qui serait intéressé par la reprise de 44 magasins, pour un million d'Euros. Une somme dérisoire (25 000 € par boutique… située en centre-ville !) mais qui pourrait, en raison du manque cruel de cash chez Game, séduire le Tribunal de commerce. Micromania n'a pas confirmé l'information et il aura fallu attendre la réunion du Comité d'Entreprise pour savoir quels sont les 44 magasins concernés. On imagine que ce sont des magasins bien situés, où Micromania n'est lui-même pas implanté.
Vendredi, c'est Game Cash qui officialisait une offre de reprise. Une offre intéressante qui pourrait permettre à certains de continuer l'aventure, comme revendeur indépendant sous contrat de franchise. Game Cash compte aujourd'hui 50 magasins, et souhaiterait ainsi étendre son réseau de boutiques, sur un créneau sensiblement différent de Game puisque la société s'intéresse également au rétro-gaming, en plus du jeu vidéo neuf et du jeu vidéo d'occasion.
Une liquidation qui ne dit pas son nom
Du côté des magasins, c'est l'incompréhension. Mercredi, dans notre article Game France : bientôt le dépôt de bilan ?, nous expliquions que plusieurs décisions semblaient confirmer que l'aventure Game touchait bientôt à sa fin. Peu avant Noël, l'enseigne organise une démarque de 25% sur le prix normal. Ces chiffres ne sont pas un hasard : avec cette promotion, Game sacrifie ses marges, et ne gagne donc plus d'argent sur une vente, la marge qui permet de payer son loyer, rémunérer son personnel et régler tous les frais inhérents au fonctionnement d'une entreprise, à son marketing, etc.Cette opération ne suffit pas pour dégager le cash nécessaire au fonctionnement de l'entreprise. Légalement, l'entreprise ne peut pas faire ce qu'elle veut pour organiser une liquidation : un délai de plusieurs semaines est nécessaire pour obtenir les autorisations préfectorales obligatoires, et le comportement est également conditionné par le Tribunal de Commerce de Bobigny qui gère le redressement judiciaire de Game depuis le mois de septembre 2012. Le début des soldes d'hiver, le 9 janvier, est donc une belle opportunité de se débarrasser du stock, sans attendre une quelconque autorisation préfectorale exceptionnelle.
Le mercredi 9 janvier, avec le début des soldes, Game frappe fort et met en place des rabais incroyables : 30% sur toutes les consoles neuves, 60% sur tous les jeux neufs, les jeux d'occasion, les accessoires et les consoles d'occasion. Les clients de l'enseigne sont informés de l'opération par mail, tandis que dès le mercredi matin, le bouche-à-oreille fait le reste. Les clients sont donc très nombreux et profitent de ces "soldes" incroyables, tandis qu'on commence à comprendre qu'il ne s'agit pas vraiment de soldes, mais d'une liquidation totale : tout doit disparaître ! Et... tout va disparaître, comme le montre cette photo d'un magasin Game à Strasbourg disponible sur Wikipedia :
Et maintenant ?
L'opération est une manoeuvre de la dernière chance pour les responsable de Game, à cours de trésorerie. En liquidant son stock de la sorte, Game crée certes un déséquilibre dont on mesurera les conséquences pendant plusieurs mois sur le marché notamment de l'occasion, mais Game reconstitue ainsi sa trésorerie. La raison invoquée ? Payer les salaires de janvier… et ne pas céder son stock à un prix plus que symbolique à un concurrent.Le lundi 13 janvier, Game réunissait à Paris un Comité d'Entreprise au cours duquel les offres déposées par les repreneurs potentiels ont été communiquées. Deux sociétés sont notamment sur les rangs : Micromania et Game Cash. Pour le premier, ce sont 44 boutiques et 88 salariés qui seraient repris, sous marque Game puis probablement en boutique Score Game, un autre réseau appartenant à Micromania, en fonction des conclusions de l'Autorité de la Concurrence.
Pour le second, Game Cash, c'est une liste de 22 magasins pour 58 salariés repris qui a été proposée. Nous avions également évoqué Free, mais la société ne serait intéressée que par la reprise de baux commerciaux, pour certaines boutiques. Priorité sera donnée aux repreneurs de magasins Micromania et Game Cash.
Faisons donc les comptes : 66 magasins sur 157 sont sauvés de cette faillite, et 146 employés sur les 557 CDI que compte la société aujourd'hui.
[Ajout du 16 janvier 2013]
Nous apprenions postérieurement à la mise en ligne de ce dossier que le samedi 19 janvier 2013, tous les magasins Game baisseront le rideau. Définitivement pour certains qui n'auront pas fait l'objet d'une offre de reprise de la part de Micromania ou Game Cash.
C'est à la Justice de trancher
C'est désormais à l'administrateur judiciaire, devenu responsable légal de Game, qui va s'occuper de la suite des opérations. Maintenant que les offres sont connues, chaque repreneur peut améliorer son offre d'ici le 23 janvier 2013, des offres qui seront ensuite validées par le tribunal.Une fois la décision du tribunal rendue, le 25 janvier, la direction de Game proposera un PSE, ou Plan de Sauvegarde de l'Emploi, destiné à tous les salariés de Game qui ne feraient pas l'objet d'une reprise par Micromania ou Game Cash. A noter que les salariés repris conserveront leur ancienneté, un scénario que Game avait lui-même dû mettre en pratique lors de la reprise des magasins Maxi-Livres, en 2008. Malheureusement, 411 employés ne sont pas concernés par les plans de reprises de Micromania ou de Game Cash, et feront dont l'objet d'une proposition de la part de la direction de Game le 25 janvier 2013.
Pour les salariés de Game, la question est de savoir qui sera ou ne sera pas repris : Micromania souhaiterait conserver 2 employés par magasin (88 salariés pour 2 boutiques) ce qui veut dire qu'il y aura de la perte d'emploi dans les magasins qui comptaient plus de masse salariale que ces 2 salariés. Des critères tels que l'ancienneté, l'intitulé de poste (il n'y a par exemple qu'un seul assistant-manager repris par Micromania sur l'ensemble des 44 magasins), etc. Les convention collectives permettront de définir qui reste au cas par cas, magasin par magasin, et chaque magasin sait désormais qui est invité à rester et qui est malheureusement licencié.
Micromania et Game Cash : progrès ou régression ?
Le sentiment des salariés de Game n'est évidemment pas à la fête : hormis le fait que 411 salariés ne seront pas repris, la perspective de travailler pour le leader français ou pour une chaîne encore modeste de magasins franchisés n'est pas de plus attrayantes. Mais dans un contexte de crise, le choix est dur à faire entre la possibilité de préserver son emploi et la perspective de travailler pour une société contre laquelle on a été en concurrence pendant tant d'années.Le positionnement de Game Cash, qui mise sur le rétro-gaming et sur l'occasion, est intéressant. Mais c'est un petit réseau, qui souhaite développer ses boutiques par un système de franchise, dans des conditions que l'on ignore encore pour le moment : les responsables de boutiques reprises par Game Cash seront-ils invités à devenir des franchisés, donc des patrons ? Game Cash va-t-il catapulter des managers-invetisseurs dans ces boutiques ? On l'ignore. On peut par ailleurs s'interroger sur la raison pour laquelle un groupe comme Innelec Multimedia n'a pas fait d'offre pour développer son propre réseau de boutiques Jeux Vidéo and Co, qui regroupe les enseignes Ultima, Je Console, Difintel et Virtua et compte pas moins de 150 magasins en France, avec une centrale d'achat puissante dans la mesure où Innelec est aussi le leader des grossistes français du jeu vidéo.
Changer de métier ? Après la difficile semaine passée par les salariés de Game, l'idée de quitter le commerce peut séduire à plus d'un titre : dans le climat actuel, il sera difficile de trouver un emploi dans le commerce - n'oublions pas que Virgin va licencier ses 1000 salariés et que la FNAC dégraisse le mammouth de son côté depuis plusieurs mois déjà, alors que les consommateurs plébiscitent les petits prix pratiqués par le Net ou le dumping pratiqué par la grande distribution pour résister à l'assaut du Net. Ces choix sont lourds de conséquences pour les sociétés spécialisées, qui ne peuvent compenser une éventuelle baisse de prix sur une catégorie de produits qui constitue l'essentiel de son gagne-pain.
A Puissance Nintendo, on a une pensée toute particulière aux équipes des magasins Game : fans de jeux vidéo, nous fréquentions régulièrement ces boutiques, pour y découvrir les nouveautés, les accessoires, les produits dérivés, dans un environnement accueillant. Il conviendra de revenir sur les causes d'un tel échec : fragilité financière, perte de l'actionnaire majoritaire en 2012, des erreurs stratégiques, un marché en mutation… Les facteurs sont nombreux mais pour l'heure, nous remercierons simplement les équipes de Game pour leur accueil pendant toutes ces années, et nous les verrons partir ou se transformer avec une pointe de tristesse, alors que 2013 s'annonce très riche en sorties voire même en nouvelles consoles. On nous promet d'excellentes années 2014-2015, dommage qu'il soit alors trop tard pour Game France, qui devrait alors avoir disparu des centres commerciaux de France.
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Il semblerait qu'on commence à vraiment rentrer dans l'ère du "dématérialiser" au détriment des emplois..
Internet n'est pas forcément synonyme de dematerialisé.
Les prix Micromania et game ont toujours été abusés.
Pour avoir bossé dans un magasin indépendant il y a pas mal d'années, il a toujours été bien moins cher que les 2 autres tout en se faisant quand même un peu d'argent.
Les détracteurs d'Amazon indiquent qu'apparemment ils auraient parfois déjà vendu à perte ce qui est interdit en France, mais Amazon n'est pas situé en France et profite de législations particulières afin de ne pas payer de taxes notamment. Je me dispenserais de commenter leur pratiques mais ils ont énormément d'avantages leur permettant de mettre un coup dur aux magasins.
Après en ce qui concerne les grands magasins et leur fermeture, j'ai envie de dire qu'on récolte ce qu'on a semé ...
Perso j'ai jamais compris comment des joueurs pouvaient acheter ou vendre leur jeux d'occasions à ces boutiques. Je préfère mettre 5€ de plus pour avoir un jeu neuf (parfois même 3€ suffisent !), et si je veux revendre un jeu je le fais sur le net, je gagne plus sans vendre mes jeux à des prix excessifs.
Sinon j'étais client GAME (j'ai la carte de fidélité) mais je n'ai jamais reçu d'e-mail m'annonçant leurs soldes...
le mien est pas repris par escromania mais par Game cash
ça fait suer quand même, ils avaient des offres de malade à GAME...
J'ai surtout une pensée pour les salariés qui vont devoir retrouver du travail, c'est jamais facile surtout en cette période.
Apparemment la boutique où j'allais va être racheté par Game Cash. Je connais absolument pas ces magasins, mais je suppose que ça vaut toujours mieux que Micromania où j'ai eu d'assez mauvaises expériences.