Comment Star Wars a aidé Nintendo à contrer l'un des brevets les plus ridicules de Sega
Retour sur un excellent livre, Untold History of Japanese Game Developers, de John Szczepaniak, qui narre les grands moments épiques où Sega et Nintendo s’opposaient sur le marché du jeu vidéo. Un épisode méconnu qui aurait pu changer beaucoup de choses.
NewsMais l’entreprise a connu une période nettement plus critiquable lorsqu’elle avait tendance à chercher les moyens de contrer les adversaires en s’adjugeant des brevets questionnables. Eh oui, Sega a pratiqué le Patent Troll (que l’on traduira en français en « chasseur de brevets », ce qui veut dire que Sega a utilisé la concession de licence et le litige de brevets comme principale activité économique) pendant un certain temps.
Ce n’est pas la seule entreprise à procéder ainsi, l’actualité montre régulièrement les conflits entre les fabricants et notamment les procès dans lesquels se débat régulièrement Nintendo. Sega a été très en avance technologiquement et révolutionnaire sur de nombreux domaines du jeu en lui-même, mais elle s’est montrée parfois très agressive pour défendre certaines idées de gameplay, ce qui aurait pu avoir des conséquences fâcheuses sur l’industrie du jeu vidéo dans le cas abordé ci-dessous. Nintendo a bien failli en faire les frais et n’a dû son salut qu’à Star Wars. Nous allons expliquer en quoi la Force est venue aider l’entreprise nippone face à son adversaire.
En 1992, Sega a déposé un brevet relatif à son titre d’arcade Virtua Racing, un très bon jeu de course à cette époque. Le brevet portait sur une possibilité de changer de point de vue. Dans le jeu, le joueur pouvait appuyer sur un bouton sur sa manette et basculer ainsi de perspective (dans le cas du jeu, on avait le choix entre une vue depuis l’intérieur du cockpit et une vue depuis l’arrière du véhicule). C’est aujourd’hui une fonction assez courante que l’on retrouve dans nombre de jeux vidéo. Aussi étonnant que cela puisse paraître aujourd’hui, cette demande de brevet a été approuvée et Sega a commencé alors à s’en servir pour empêcher les autres éditeurs d'utiliser cette faculté.
Sony et Nintendo tout particulièrement ont été visées par des procédures judiciaires et l’affaire semblait mal engagée. Cependant Nintendo a riposté en indiquant que le brevet de Sega était invalide car un jeu avait été commercialisé avant Virtua Racing et utilisait déjà cette option. Ce jeu, c’était Star Wars: Attack on the Death Star, un titre sorti en 1991 sur Sharp X68000 et développé par MNM Software – plus tard connu comme Mindware – et sous la direction de M. Mikito Ichikawa.
Alors que Sega venait de faire plier Atari qui avait accepté un accord pour pouvoir utiliser ce changement de vue dans ses jeux Atari Jaguar, Nintendo et Sony se sont regroupés pour refuser de payer face à ce brevet jugé déloyal. M. Mikito Ichikawa a accepté de venir durant le procès et son témoignage a permis de sauver Nintendo d'une possible condamnation.
Le récit de cette histoire se retrouve dans le livre de John Szczepaniak : Untold History of Japanese Game Developers.
Mon entreprise a lancé un jeu appelé Star Wars: Attack on the Death Star, et ce fut le premier jeu au Japon incluant une fonction de changement de point de vue. Sega a acquis un brevet sur le changement de point de vue, mais il a été invalidé dans un litige déposé par Nintendo et Sony. Quand Sega a obtenu le brevet, ils l'ont utilisé pour émettre des injonctions contre la vente de certains jeux Nintendo. Mais Nintendo a riposté en soutenant que le brevet de Sega était invalide. Le jeu de mon entreprise a bien été le premier à utiliser cette technologie, de sorte que j’ai coopéré avec Nintendo, et j’ai témoigné pour indiquer que le brevet Sega n’était pas valable.
Je n’ai reçu aucune indemnité de la part de Nintendo, ni les excuses de Sega. Si je n’avais pas coopéré, Sega aurait pu réussir à empêcher Nintendo de sortir certains jeux et aurait écrit sa propre version de l'histoire du jeu vidéo.Il termine par divers commentaires sur la façon de procéder des entreprises qui entravent la création de jeux. Aujourd’hui, il n’y a plus guère d’originalité dans le milieu. Malheureusement ces manœuvres ne semblent pas totalement finies lorsqu’on voit que Level-5 a encore eu récemment des démêlés avec Sega concernant un brevet sur une fonctionnalité d’écran tactile. Et nous ne parlerons pas des guerres quotidiennes entre Samsung et Apple.
Un éclairage bienvenu car on n’ose imaginer ce qui serait arrivé si Sega avait obtenu gain de cause contre Nintendo puis Sony. M. Ichikawa méritait de sortir de l’ombre pour son intervention capitale. Il mérite une reconnaissance. Mais on peut comprendre aussi que Nintendo n’ait pas donné d’indemnité pour ne pas se faire reprocher après-coup d’avoir acheté un témoignage. Heureusement cette page entre Nintendo et Sega est terminée, les deux entreprises collaborant aujourd'hui.
Satoru Iwata et le producteur de chez Sega Toshihiro Nagoshi en 2013. Dans les années 90, c'était inconcevable !
Source : GoNintendo
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