Dossier
Satoru Iwata a participé à la Convention entourant le Tokyo Game Show, et a à cet effet préparé un discours qui a duré environ une heure dans lequel il a parlé de l'évolution du secteur du jeu vidéo depuis l'ère Famicom, lancée au Japon en 1983/1984.
Au début, tout était si simple !
Inutile de préciser que les choses ont beaucoup changé depuis la Famicom, notamment en matière de développement de jeux : à cette époque, il ne fallait que deux ou trois personnes pour développer un jeu, et vendre 100.000 exemplaires n'avait rien de honteux : personne n'aurait alors espéré vendre des millions de jeux comme c'est le cas aujourd'hui.Avec la Super NES (Super Famicom au Japon), les équipes de développement ont gonflé jusqu'à contenir jusqu'à 50 personnes, tandis que les délais de développement explosaient à deux ans parfois. On saisit soudain le poids des suites en matière de jeux vidéo : les sagas devinrent légion, mais cela ne voulait pas dire qu'on avait à chaque fois un best-seller absolu, comme quoi finalement ce qui est vrai aujourd'hui l'était déjà il y a dix ans !
Avec la 3D, tout a changé !
C'est aussi il y a dix ans que la 3D est entrée dans nos vies. Un changement radical en fait, parce que désormais, on n'allait plus concevoir un jeu de la même façon. L'arrivée de la 3D, explique Iwata, a donné le sentiment aux gens que le jeu vidéo se renouvelait : tout ce qui n'était pas en 3D était tout simplement à reléguer au rang d'antiquité.Autant dire que la 3D n'a pas aidé à réduire les délais de développement, bien au contraire : les graphismes plus jolis donc plus complexes, les jouabilités à revoir dans le cadre de cette 3D, sans oublier tous les autres aspects du développement qui se sont compliqués avec les années ont fait que les temps de développement ont encore doublé... Cela justifie l'ambigue ligne de jeux pas chers, destinés à combler les déficits fréquents enregistrés sur les titres produits. Combien d'échecs commerciaux pour un mega-hit ?
Des machines qui peuvent tout faire.
Cela nous amène à la génération actuelle de machine, comme quoi il ne faut pas beaucoup de temps pour parler de 20 ans de jeux vidéo, finalement ! Iwata a parlé de la PS2 en ces termes : "Bien que la PS2 ait été un succès parce qu'elle avait la fonctionnalité de lecture de DVD, elle m'a troublé par le fait qu'elle nous a amenés vers un type de hardware dont la fonction n'était pas seulement de jouer". On le comprend, mais ce n'est pas la première fois que Nintendo est pris de court par les initiatives des autres : lorsque la Nintendo 64, seul Big N n'a pas compris l'erreur du port cartouche ! Avec le GameCube, seul Big N n'a pas compris l'erreur de ne pas faire comme tout le monde en proposant la lecture de DVD. Y aura-t-il une prochaine erreur ? Surtout, les joueurs permettront-ils longtemps à Nintendo de faire de telles erreurs ?Iwata ne semble pas croire qu'ajouter des fonctionnalités soit ce qu'en fait ce que les joueurs recherchent. Il ne fait aucun doute que la lecture de DVD est arrivée au bon moment sur PS2, quand les gens n'étaient pas encore équipés de lecteurs DVD. Qu'en sera-t-il demain ? Que faudra-t-il de plus ? "Il faut absolument qu'une console de jeux soit facile à utiliser par tout le monde. Je ne pense pas que le hardware multi-fonctions soit la seule réponse", a-t-il indiqué dans son discours.
Mais quelle est la réponse de Nintendo, alors ? Il risque de falloir attendre la N5 pour le savoir, malheureusement, même si Nintendo multiplie les expériences. Pour Iwata, le secteur du jeu vidéo est sur la même voie que les jeux de tir et de combat, qu'on a vu se multiplier. Forts populaires à une époque, ils le sont beaucoup moins aujourd'hui, et il faut des jeux de la classe de Soul Calibur 2 pour que le public s'adonne à nouveau à de tels jeux. Ce n'est pas tous les jours que sort un SC (jeu de combat) ou un Perfect Dark (FPS)... Pour un jeu culte, combien de jeux moyens qui dégoûtent les joueurs ?
les goûts des joueurs ont changé.
Qui sont les joueurs ? Iwata s'est posé cette question : les joueurs sont plus vieux qu'avant, leurs goûts ont aussi changé, et on ne consomme pas les mêmes jeux aux USA qu'au Japon. Cependant, tous en veulent pour leur argent, en achetant des jeux auxquels ils joueront plus souvent, ce qui implique qu'ils dépenseront moins car achèteront moins de jeux...Il a aussi noté, surtout au Japon, qu'un jeu reste rarement plus de deux ou trois semaines en tête des classements : ratez votre lancement et votre jeu sera un échec. On l'a vu pour Super Mario Sunshine qui n'a pas explosé les précédents records de jeux Mario au Japon... Il y a une exception : Pokémon, qui marche partout. Du Japon aux USA, en Europe, Pikachu et ses centaines d'amis cartonnent. Le secteur du jeu vidéo, a indiqué Iwata, a besoin de plus de jeux aussi populaires qui reposent sur autre chose que des graphismes en 3D fabuleux ou des franchises populaires !
Le futur proche de Nintendo.
En parlant des Pokémon, Iwata a alors parlé des nouveaux jeux Pokémon à paraître au Japon en 2004, avec un adaptateur sans fil conçu par Motorola et dont nous avons parlé sur Puissance Advance. Cet adaptateur remplacera le câble de connection pas si pratique, et ouvre de nouvelles perspectives puisque les gens n'ont pas forcément besoin d'être côte à côte pour jouer !Iwata a alors poursuivi en parlant de l'iQue, la console que Nintendo a conçu exclusivement pour le marché chinois. Une machine basée sur la Nintendo 64 qui fonctionne sur le principe de cartes Flash de 64Mb que les joueurs rechargeront sur des bornes en magasin pour moins de 6 dollars. Nintendo veut ainsi lutter contre le piratage, mais voilà une solution un peu complexe pour les joueurs qui ne pourront jouer qu'à un titre à la fois, dans la mesure où chaque console ne pourra avoir qu'une carte Flash...
Aucun mot néanmoins sur la N5, dont on ne devrait pas entendre parler avant le printemps prochain, voire l'E3. Tout dépendra en fait des performances du GameCube à Noël. Quand on voit les querelles entre Nintendo et Microsoft aujourd'hui, on se dit qu'il va y avoir de l'action sur le ring d'ici décembre, et admirer cette rivalité va largement nous distraire entre deux parties de Mario Kart ou de F-Zero !!!
En une heure, Satoru Iwata a résumé l'histoire de Nintendo, une histoire toujours parallèle à celle d'un secteur auquel Nintendo a redonné vie au début des années 1980. De la Famicom au GameCube, bien des jeux sont apparus, et beaucoup ont été oubliés. Mais une chose est sûre : les jeux Nintendo sont pour leur part inoubliables, et c'est sans doute pour ça qu'on les aime tant !
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