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EA croque Ubi Soft: analyse et enjeux

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Electronic Arts n’en finit plus de grossir, et ces derniers temps, les achats de développeurs par le géant américain ont été nombreux. Mais l’opération de rachat d’une partie de Ubi Soft est une opération sans commune mesure, qui marque un tournant dans la stratégie d’expansion d’Electronic Arts, et qui annonce peut-être une modification sensible du paysage vidéoludique mondial. Analyse complète dans ce dossier.

Ubi Soft, un champion français alléchant

Ubi Soft est clairement le fleuron de l'industrie française du jeu vidéo. Certes, Atari (alias Infogrames) ou Vivendi Universal Games sont eux aussi français, mais leurs activités ont déjà été en grande partie délocalisées aux USA. Ubi Soft, eux, restent très présents en France et emploient 40% des salariés du secteur dans l'Hexagone. L’éditeur a certes ouvert des bureaux en Chine et au Canada, mais ne s’est jamais détourné de l’Hexagone.



Situé dans le top 10 des plus grands éditeurs mondiaux (en queue de peloton), Ubi Soft est l'éditeur qui monte. Splinter Cell ou Prince of Persia ont clairement fait de Ubi un acteur incontournable du marché. Fort de ces succès, Ubi Soft était même considéré comme acquéreur potentiel de développeurs ou éditeurs plus petits. Ainsi, on lui avait même porté l'intention d'acheter l'anglais Eidos. Mais les marchés boursiers avaient mal réagi à cette perspective, et Ubi Soft avait (momentanément ?) abandonné toute idée de s’offrir Eidos.

Enfin n’oublions pas que Ubi Soft est particulièrement bien implanté et même leader en Chine ! Un marché prometteur sur lequel les autres éditeurs (dont EA) font pâle figure. Pourtant la Chine est vouée à une hausse énorme de la consommation dans le secteur des jeux vidéo, même si le piratage reste une gangrène. Bref, Ubi Soft apparaît clairement comme une pépite, que l’on croyait jusqu’à présent hors de portée pour un rachat.

Quand EA croque Ubi

On l'attendait conquérant, mais il semblerait qu'Ubi soit finalement la proie. Mais qui peut se permettre de regarder un morceau de cette taile ?! La réponse se trouve du côté du numéro 1 du secteur, le géant américain Electronic Arts. EA vient en effet d'acheter 20% du capital de Ubi Soft.


Siège européen de Electronic Arts


Une opération qui aura coûté 85 millions d'€uros à un monstre dont la capitalisation boursière s'élève à 18 milliards de dollars ! Ces parts ont été rachetées pour moitié à Talpa Beheer B.V, fonds d'investissement de John De Mol (fondateur d'Endemol, producteur d'émissions comme Loft Story en France). Ce dernier a souhaité se désengager du capital de Ubi Soft et EA s'est tout de suite porté acquéreur.

«L'investissement représente approximativement 19,9% du capital, acquis en bloc auprès de Talpa Beheer B.V sous réserve de l'autorisation des autorités boursières» a déclaré EA. «Nous avons beaucoup d'admiration pour Ubisoft, tant au niveau de ses produits que de son management, et Talpa Beheer B.V a fait savoir que ses titres allaient être disponibles. Nous nous sommes donc montrés acquéreur pour préserver nos options futures»

Après Maxis ou Black Box, la dernière 'victime' de la fièvre acheteuse de EA a été Critérion, développeur de Burnout. Critérion était une cible d’autant plus séduisante que le développeur est aussi le créateur de moteurs 3D performants. Reste que le rachat de Critérion est bien moins important que celui qui vient d’être réalisé. Electronic Arts semble bel et bien passer à la vitesse supérieure.


Des dizaines de licenses développées par 3 studios principaux, la recette du succès.


Une opération hostile

Ubi Soft n'a pas été entièrement racheté par EA. Mais l'éditeur ricain devient le premier actionnaire de Ubi Soft, devant les frères Guillemot (fondateurs de la société) qui possèdent encore 15% de la société. EA siègera au conseil d'administration et aura une influence claire sur les orientations futures de la société.

Et rien ne dit qu'Electronic Arts ne croque pas un jour plus de 50% de Ubi Soft. Ces 20% ne sont peut-être qu'un début. D'ailleurs, l'opération a été mal vue par Ubi Soft : «Dans l'attente de plus d'informations, on considère cette opération comme hostile. Cette opération vise à récupérer les studios d'Ubi Soft qui sont en ordre de bataille pour la prochaine génération [de consoles]», a déclaré à Reuters le porte-parole de l'éditeur français.

Ubi Soft ne s'y trompe pas. Cette opération n'est pas une promenade pour EA. Elle constitue le plus gros investissement jamais réalisé par la firme pour sa croissance externe. Un tel engagement d'argent ne s'effectue pas sans plans plus ambitieux.

«Visiblement Electronic Arts n'entend pas s'arrêter à 20%, il y a une logique industrielle derrière tout cela» estime un analyste.


Larry Probst, PDG d’EA, a orchestré dans le plus grand secret une opération hostile contre Ubi Soft.


La création française en danger ?

Si EA venait à s'emparer de la totalité d'Ubi Soft, ce serait clairement négatif pour la place de la France dans le concert des nations sur le marché des jeux vidéo. Rappelons que 3 des 10 plus grands éditeurs mondiaux sont français, un résultat que ni l'Allemagne ni la Grande Bretagne ne peuvent égaler. La France est donc un acteur de poids, aux côtés des USA et du Japon. D'ailleurs le premier ministre J-P Raffarin ne s’y était pas trompé en débloquant l’année dernière une enveloppe spécial pour développer un secteur français d’excellence au potentiel certain. Ubi Soft avait bien sûr fait parti des bénéficiaires.

«C'est une mauvaise nouvelle pour l'édition française des jeux vidéo. Les deux autres grands éditeurs français, Vivendi Universal Games et Atari, sont largement délocalisés aux États-Unis. Ubisoft était le dernier à travailler massivement avec des studios français. Il y a un risque pour que cela ne se poursuive pas», a déclaré Laurent Michaud, analyse chargé des loisirs interatifs à l'Institut de l'audiovisuel et des télécoms en Europe (Idate).

De son côté, l’Association des producteurs d’œuvres multimédias reste neutre, tout en cachant son étonnement face à cette opération surprise : «Ubisoft connaît une très belle réussite et monte en puissance, il est normal que cette société attire les convoitises»

Reste que Electronic Arts est connue pour être fortement portée sur les profits. Comme toutes les entreprises pourrait-on dire, mais c’est une spécificité chez EA. L’éditeur est même accusé d’imposer à ses salariés des rythmes de travail effrayants. Dans ses conditions, on redoute que sous le contrôle de EA, les développeurs auraient bien moins de liberté. On aurait probablement pas pu profiter de chefs d’œuvre comme Beyond Good & Evil, jeu extraordinaire mais à faible potentiel de vente, si Ubi Soft avait à l’époque appartenu à Electronic Arts.


Guillemot, PDG d’Ubi depuis toujours, a fait de sa compagnie un créateur de qualité au potentiel de croissance extraordinaire, sans s’appuyer sur des licenses vendeuses


Par ailleurs, il serait négatif de voir un marché sur lequel ne survivraient que 3 ou 4 éditeurs, de surcroit s’ils ont tous américains ou japonais ! Un secteur créatif a besoin d’acteurs de différents pays pour rester diversifié et innovant, et la french touch doit garder une place. Pourtant, la stratégie affichée de EA, c’est être largement leader sur un secteur dominé par quelques acteurs moins gros que lui. Une sorte d’Aol Time Warner sur le marché du cinéma, sauf que cette fois-ci la présence française (incarné par Vivendi Universal dans le cinéma) n’existerait pas, ce que l’on ne pourrait que déplorer.
En bref, espérons que l’innovant Ubi Soft, symbole de la french touch, et seul éditeur profondément français, conserve sa nationalité. Plus encore qu’une volonté de conserver un éditeur franco-français sur le marché, il s’agit aussi de faire survivre la créativité d’un éditeur qui ne base pas que son succès sur des licenses juteuses. Un espoir : l’opération de EA doit encore être validée par l’organisme anti-trust américain ; une institution qui ne mettra certainement pas de bâtons dans les roues de EA…
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