Consoles : la recette du succès

Le fait est que Nintendo a une excellente réputation au Japon : son expérience dans le domaine du jeu en fait une valeur sûre. Son discours, depuis plusieurs années, consiste à placer le jeu vidéo au coeur de l'expérience du joueur : celui-ci lui en est reconnaissant, et suit Nintendo dans chacun de ses délires. Qu'il s'agisse de jouer à Mario Kart en ligne ou d'avoir des relations sociales dans Animal Crossing. Qu'il s'agisse de rajeunir son cerveau ou d'élever un chiot : quelle que soit l'idée de Nintendo, elle marche. Chacun des coups de poker tentés sur Nintendo DS ces deux dernières années est un véritable succès.

Le Dragon se réveille !

On comprend mieux que Satoru Iwata jubile : il est en train de transformer un dragon endormi en créature féroce dont les flammes crachées du Japon viendront réchauffer l'atmosphère européenne (enfin, on l'espère !). Dans sa dernière allocution en public, il a ainsi présenté la 'disruptive strategy' de Nintendo, qui consiste à aller chercher des joueurs qui s'ignorent. Avec succès.

Au Japon, Nintendo se paie maintenant le luxe de tirer un trait sur son leitmotiv 'le jeu et rien que le jeu' avec deux accessoires qui en disent long sur la politique agressive de Big N face à la PSP, sa concurrente : le lancement d'ici quelques semaines d'un navigateur Internet, puis dans quelques mois d'un tuner TV, sont deux preuves s'il en fallait que Nintendo n'a pas l'intention de laisser d'espace à la PSP (ou quelconque concurrent qui voudrait s'aventurer sur le marché du jeu nomade, à l'instar du malheureux Gizmondo). Quand on entend les critiques s'élever contre le fait que le browser Opera DS sera payant, d'aucuns répliquent qu'il n'y a pas de quoi fouetter un chat et que la présence du stylet rend l'expérience beaucoup plus attrayant que le navigateur quelque peu rébarbatif de la PSP.


Des accessoires inattendus de la part de Nintendo

Chaque façon de faire aura ses partisans, ses détracteurs, mais le fait est que Nintendo, pour la première fois depuis longtemps, s'éloigne de son discours traditionnel, et que cela pourrait représenter un virage dans sa stratégie. Après tout, personne ne s'attend à ce que Nintendo sorte de son carcan actuel, alors on imagine l'effet psychologique qu'aurait l'annonce de fonctionnalités comme la lecture de DVD ou de plate-forme multimédia sur sa prochaine console de salon : une excellente surprise pour tous !

Car Nintendo a pour vocation de toujours nous surprendre : la semaine dernière, nous nous attendions à des informations sur la Revolution, mais ce sera finalement un nouvel épisode de Zelda que Satoru Iwata introduira à des développeurs médusés. Comme on le dit souvent, c'est pas qu'on était déçu de n'entendre parler 'que' d'un nouveau Zelda, mais presque : Nintendo pourrait aussi très bien nous surprendre avec des fonctionnalités qui l'éloigneront un peu de son discours traditionnel, mais c'est sans doute par là que passe une progression de ses parts de marché.

Une console Nintendo dans toutes les mains !

Pourquoi se contenter de 30% de Nintendo-loyalists parmi les gamers quand on peut donner à 100% d'entre eux de bonnes raisons de choisir sa console : si le public réclame la lecture DVD, qu'on la lui donne ! Si le public veut la haute-définition, qu'on la lui donne ! Mais on sait très bien que ce n'est pas toujours comme ça que ça marche : Nintendo doit aussi tenir compte des coûts d'inclusion de toutes ces technologies, surtout quand il s'agit de les offrir dans la console. A quoi bon ajouter un processeur HD si celui-ci ne sera utilisé que par 5% des joueurs lors de cette génération ?

S'éloigner de la doctrine habituelle se justifie donc quand cela n'a pas d'impact sur l'architecture du système : les joueurs qui veulent surfer sur le web devront acheter leur logiciel, ceux qui veulent regarder la télévision devront acheter un adaptateur qui s'enfiche dans le port de jeu DS. Sony n'est pas dupe non plus : après tout on doit les payer, les disques UMD, pour regarder des films sur sa console ! De même son système Location Free qui nécessitera un hub multimédia Sony accessible partout dans le monde avec des appareils Sony...


A l'horizontale, voici... une manette NES !


Pas facile de faire les sacrifices requis pour faire taire ses opposants ! On imagine bien que les langues vont se déchaîner lors de l'ultime présentation de la Nintendo Revolution, en mai prochain : quid de ceci, quid de cela ? Pourquoi ne pas faire comme les autres et proposer une machine hors de prix pour des fonctionnalités qui au final n'intéressent qu'une poignée de riche journalistes désireux de justifier leur équipement HD, oubliant que la HD n'est pas encore dans la chambre des ados d'aujourd'hui, premiers consommateurs de jeux vidéo.

Assurer aujourd'hui le succès de demain

Peser le pour et le contre : étudier la valeur de chaque fonctionnalité, et surtout son coût, pour mieux satisfaire les appétits des joueurs, c'est sans doute le meilleur moyen d'assurer le succès de sa console non pas sur un continent, mais sur tous ! Si les Japonais sont sensibles à l'argument du 'gaming only', ce n'est pas forcément le cas des joueurs occidentaux qui aiment bien avec un vrai couteau suisse en guise de console de jeu. En avoir toujours plus... en payant toujours plus.

Ils sont loin les jours où une console de salon coûtait 990FF (140 euros environ)... Attendez une minute... La GameCube, une console qui n'est réputée pour ses fonctionnalités multimédia avancées, est vendue 99 Euros, voire 69 Euros, sans jeu. Objectif accompli : Nintendo a réussi à garder le prix de sa console bas en limitant les composants de sa machine. Mais objectif non-atteint : les joueurs se sont sentis floués de ne pas pouvoir regarder de DVD sur leur console. Est-ce vraiment le cas ? Après coup, on peut douter que cela ait aujourd'hui un impact. Mais il y a 4 ans, quand la console est sortie, les lecteurs de DVD n'étaient pas encore à 40 euros dans les grandes surfaces, et on peut donc comprendre que cela ait quelque peu freiné les ventes de consoles ici.

Quelle sera donc la prochaine grande fonctionnalité que Nintendo va 'oublier' d'inclure à sa console : sur DS, il n'y a pour l'instant pas vraiment de faiblesse avouée. A vrai dire, c'est Sony qui fait quelque peu marche arrière avec son support UMD qui peine à trouver son fidèle public, en dépit d'un démarrage réjouissant où on a vu chaque possesseur de PSP acheter au moins un film.