Interview de S. Iwata

Satoru iwata a une peur : celle que Nintendo s'endorme sur ses lauriers, après avoir travaillé dur pour retrouver une place que les autres fabricants lui envient ! Newsweek publie cette semaine une entrevue du Big Boss de Nintendo dans laquelle on en apprend un peu plus sur l'état d'esprit d'un des hommes les plus en vue dans le secteur du jeu vidéo !

Iwata maître du monde !

N'Gai Croal a rencontré Satoru Iwata lors de l'E3 de Juillet, cet E3 où le seul nouveau produit de Nintendo fut, presque, Wii Fit. La première question posée fut donc à propos de cette stratégie de Nintendo : pourquoi ne parler que de Wii Fit en laissant les nouvelles franchises de côté ?

Voici la réponse de Satoru Iwata : "On a décidé de surtout mentionner les franchises qui arriveraient cet automne, les titres dont les joueurs seraient contents d'entendre parler. [...] Wii Fit a répondu à nos attentes en termes de ce que nous voulions faire pendant la Conférence."

Le souci, et c'est d'ailleurs une question qui revenait souvent dans celles suggérées pour Laurent Fischer de ce côté-ci de l'Atlantique, c'est qu'en ne voyant pas grand-chose de nouveau, les joueurs se sont inquiétés que Nintendo n'ait en fait rien de nouveau : "Toutefois, nous travaillons absolument sur de nouvelles franchises et nous avons en fait simplement choisi de ne pas en parler hier. Nous voulions vraiment savoir comment les gens allaient réagir à Wii Fit."

Le but, bien sûr, est de garder la surprise pour plus tard : Iwata expliquait ainsi que si des jeux avaient été présentés pendant l'E3 mais ne sortaient que l'an prochain, ils auraient pu passer pour du réchauffé.

Iwata a ensuite parlé du manque d'intérêt des Japonais pour Twilight Princess : "je crois que l'impression que Zelda était un jeu trop difficile pour le joueur moyen a nui aux ventes. Mais avec Phantom Hourglass, nous avons pu faire passer le message au marché que Zelda est un jeu auquel tout le monde peut jouer et nous avons constaté le retour d'anciens joueurs vers la franchise Zelda qui avaient joué que 10 ou 15 ans plus tôt..."

Pour la première fois, un jeu plutôt gamer ne suit pas la courbe des ventes de jeux pour gamers : Jumpman pourrait en parler sur des chapitres entiers (voir les charts), mais généralement, les gros jeux se vendent fort la première semaine, puis les ventes déclinent très vite. "Avec Zelda, on ne voit pas cette chute, et s'il continue à se vendre comme il le fait maintenant, nous pensons qu'il pourrait atteindre le million rapidement."

Seuls les joueurs décident du succès

Iwata est aussi ravi que les joueurs se passent le mot concernant ce jeu : le bouche à oreille semble battre son plein, ce qui explique que le titre reste populaire aussi longtemps ! On espère, quant à nous, que vous parlez de PN à vos amis !

Au Japon, la DS cartonne, le journaliste de Newsweek a demandé au Président de Nintendo si cela ne serait pas plutôt un problème pour la Wii : voici deux ans que la DS est sortie, et les jeux se vendent de façon fantastique. On a un gros catalogue de jeux, les éditeurs-tiers confirment maintenant le succès de la DS... et ils prennent le train en marche. Beaucoup de gens sont très enthousiastes et consacrent beaucoup d'énergie à faire des jeux pour la DS. Encore une fois, c'est quelque chose qui s'est produit sur deux ans et demie. La Wii n'est sortie que depuis 6 mois environ. On pense que c'est ça qui fait la différence.

Si vous regardez le marché global, aucun des gros éditeurs ne s'attendait à ce que la Wii termine numéro une ! Alors je crois que peut-être aucune société n'a mis toutes ses ressources sur des jeux pour Wii. Mais maintenant qu'ils voient le succès de la console, ils vont vraiment tous dans cette direction. Il faudra sans doute un moment pour qu'on commence à en voir les résultats, où on aura un boom du catalogue, sans doute l'an prochain. Alors, d'ici la fin de cette année, vous verrez beaucoup de gens déplaçant leurs ressources vers du développement Wii.

On se souvient tous à l'époque de la GameCube ô combien il était difficile d'avoir des jeux d'éditeurs tiers : avec la Wii, le ratio était de 2 jeux d'éditeurs pour un jeu Nintendo en mars, mais plutôt la moitié en juillet. Comme si les jeux Nintendo prenaient le pas sur ceux des éditeurs tiers : "je crois que les éditeurs tiers regardent en quelque sorte les jeux vendus sur Nintendo, et ne veulent pas qu'on ait plus d'un tiers des titres, sans quoi nous serions trop forts. Il veulent avoir les deux tiers de ce qui se vend sur la console. Toutefois, je crois que le travail d'un jeu de première partie est de vendre du hardware. Si vous n'avez pas un impact rapide et une diffusion rapide sur l'audience, vous perdez de l'intérêt. Si vous ne suscitez pas de curiosité, les éditeurs-tiers ne vous rejoindront pas sur la console. Ce n'est pas une très bonne situation dans laquelle se trouver."

La Wii suit le même destin que la DS

Iwata poursuit en expliquant que la même chose arrive à la Wii et à la DS : Nintendo a au début toujours été le seul à croire en son objectif, ce qui explique qu'en fin de compte, Nintendo est celui qui vend le plus de jeux. Depuis le début 2007, les jeux Nintendo sont moins nombreux sur la DS, parce que les éditeurs-tiers sont plus présents, explique-t-il. Si on a l'impression que Nintendo a plus de jeux que les autres, c'est un sentiment qui devrait disparaitre en 2008, quand il y aura plus de jeux d'éditeurs-tiers. Il est temps de s'y mettre, les gars !

Pour aider les développeurs à proposer les bons jeux, Nintendo a organisé une conférence au cours de laquelle les programmeurs de Wii Sports ont donné quelques trucs sur le détecteur de mouvements, pour permettre aux éditeurs tiers de travailler eux aussi sur la meilleure configuration possible pour le bien des joueurs. "Jusqu'à maintenant, Nintendo a eu la réputation d'être très discret et renfermé avec ce genre d'informations : développe-le de ton côté, garde-le pour toi, et ne sois pas sympa avec les autres développeurs". Les choses auraient-elles changé ?

Iwata est vraiment heureux que de gros éditeurs s'intéressent à la philosophie de Nintendo : on le voit avec les modes simplifiés ajoutés aux jeux de sport d'EA sur Wii par exemple. Il l'est moins quand il entend que les joueurs pensent que Nintendo les abandonne : "En plus de titres comme Wii Fit ou Wii Sports, Nintendo dépense beaucoup de temps et consacre beaucoup de ressources humaines derrière des titres comme Zelda, Mario Galaxy, Super Smash Bros Brawl, Mario Kart et Metroid Prime 3. Alors on n'a vraiment aucune intention d'abandonner nos fidèles joueurs et les gens qui ont toujours été des fans de Nintendo au cours de son histoire. On veut vraiment faire beaucoup de choses différentes. Alors en voulant faire des choses uniques, on va certainement ne pas produire certaines choses que les gens attendaient."

Les hardcore-gamers n'ont pas été oubliés.

Il parle alors de Super Mario Galaxy & Co : "Regardez les titres que je viens de mentionner, ceux-ci en sont maintenant à un stade avancé de leur production. Alors on commence déjà à allouer des ressources vers d'autres produits, d'autres titres, d'autres thèmes. Vous voyez, on pense vraiment que cela fait partie de notre mission de faire des jeux traditionnels pour notre public habituel."

La dernière question de Newsweek concerne le succès de Nintendo : il serait facile de croire que tout ce que va faire Nintendo, maintenant, va marcher. "Quand vous introduisez quelque chose de nouveau et que tout le monde dit 'c'est super', 'on achètera', 'c'est une merveilleuse idée', il est difficile de maintenant au sein de la société l'énergie requise pour toujours voir plus loin. C'est probablement le prochain obstacle de Nintendo : de ne pas perdre son énergie interne et son intérêt interne. Je crois que mon rôle le plus important maintenant est d'empêcher Nintendo de devenir une société que les gens traitent d'arrogante, disant que 'Nintendo a baissé sa garde' ou 'a perdu son esprit de compétition.'"

Il ne reste plus à Nintendo qu'à non seulement nous donner les jeux que l'on attend, mais surtout à nous donner plus que ce qu'on attend. Le défi de Nintendo consiste à créer cet engouement du public pour ses produits : "Le principal argument de cela est Wii Sports. Les gens l'ont vu, et se sont dits 'oh, ça a l'air intéressant'. Et quand ils ont essayé, l'expérience était tellement plus que ce à quoi ils s'attendaient, que cela a créé ce phénomène de bouche-à-oreille dont le titre a profité."

Lisez l'interview complète ici