Dengeki :Pourquoi avez-vous choisi Iwata-San pour vous remplacer au poste de président de la compagnie ?
Hiroshi Yamauchi :Si j’ai choisi Iwata-San , c’est pour sa connaissance et sa compréhension des consoles et des jeux Nintendo. Un exécutif qui ne se soucie pas du succès ou même de ses précédents succès personnels, est un exécutif qui ne comprend pas intimement nos produits. A l’intérieur de notre industrie, il y a ceux qui croient qu’ils vont réussir simplement parce qu’ils ont déjà réussi dans d’autres entreprises ou grâce à leur richesse, mais cela ne leur garantit pas le succès. En regardant leur expérience depuis leur entrée dans le monde des jeux vidéo, il est évident que nos concurrents ont donné naissance à plus d’échecs que de réussites. On dit souvent que Sony est le gagnant actuel de notre monde vidéoludique. Cependant, quand on regarde leur " victoire ", vous pouvez vous souvenir que leur succès est seulement un développement récent. Bien que Sony soit radicalement considéré comme le plus fort de notre marché, leurs chances peuvent changer. Demain, ils peuvent perdre cette force puisque la chance tourne vite dans ce business. En prenant en compte les choses que j’ai rencontrées lors de mes expériences en tant que président de Nintendo, j’en suis venu à la conclusion que diriger une compagnie dans cette industrie demande un talent spécial. J’ai choisi Iwata en fonction de ce critère. Sur le long terme, je ne sais pas si Iwata maintiendra la position de Nintendo ou si il amènera la compagnie vers d’autres succès et d’autres sommets. Enfin, pour terminer, je crois que c’est la meilleure personne pour ce poste.
Dengeki :Avez-vous volontairement choisi quelqu’un qui avait la quarantaine pour ce poste ?
Hiroshi Yamauchi :Je ne porte pas beaucoup d’attention à ce facteur [...] Je ne me préoccupe pas de l’âge en particulier, mais la question de la jeunesse est quand même un critères parmi les autres. La santé en est un autre. Dans ce business, le président doit voyager en Amérique, en Europe et construire des contacts avec de nombreuses personnes. C’était une de mes priorités, mais mes problèmes de santé ont pris le dessus, j’étais souvent dans l’impossibilité de voyager. La capacité de Nintendo à communiquer au niveau international était donc insuffisante. Comme la structure des choses évolue encore, je suis confiant en Iwata, qui devrait remédier à ce problème. Pour résumer, la question de la santé et de l’âge était liée à la capacité de s’occuper du business à l’étranger et à domicile.
Satoru Iwata :J’ai remarqué que les gens étaient préoccupés par mon âge. C’est remarquable qu’une personne de mon âge puisse être président d’une telle compagnie. Quand Nintendo a sorti la Famicom en 1983, j’en étais à ma seconde année dans le monde réel. Une chance s’est présentée à moi de travailler chez Nintendo depuis le début. Depuis la sortie de cette console, j’ai regardé l’industrie grandir. Quand j’ai commencé à travailler ici, il n’y avait personne pour me dire comment fabriquer un jeu. J’ai découvert les choses par moi-même en regardant le travail de Miyamoto quand nous travaillions ensemble et en apprenant au fil des ans. Cela m’a apporté jusqu’où je suis aujourd’hui. Quand j’ai été désigné comme nouveau président, je ne pensais pas que mon âge serait un désavantage. Actuellement, 70% de nos ventes sont faites à l’étranger. L’Amérique est un marché particulièrement large, ce qui signifie que nous devons approfondir nos relations entre Kyoto et l’Amérique. Alors que l’internet et les vidéoconférences ont diminué la nécessité de contacts directs, il y a toujours plus à gagner en rencontrant physiquement nos contacts internationaux. Lors des trois dernières années, quand le Gamecube était encore développé sous le nom de Project Dolphin, j’allais aux Etats-Unis tous les mois. Pendant ce temps, j’ai du faire plus de 40 voyages du Japon aux USA. Faire autant de trajets en si peu de temps m’a donné un vrai sentiment de réussite. La jeunesse est certainement un avantage pour de tels efforts. Plutôt que de penser mon âge comme un handicap, je le prend plutôt comme un atout.
Dengeki :Comment envisagez-vous d’utiliser les vastes ressources financières de Nintendo ?
Satoru Iwata :Je ne peux pas répondre en de termes très simples, mais nos concurrents ont modifié le terrain de jeu, notamment Microsoft avec un capital potentiel de 41 milliards de Dollars. En comparaison, nous avons 7,5 milliards de dollars disponibles. Cela signifie que nous devons utiliser notre argent intelligemment, judicieusement. Dans cette industrie à haut risque, la compétition avec une société aussi forte que Microsoft signifie que nous ne pouvons pas arrondir les coins et nous limiter. Il arrivera un jour où les développements et les frais seront mesurés en milliards de dollars, nous ne savons pas quand cela viendra. Même quand Yamauchi-San était jeune, les compagnies risquaient déjà la faillite. A travers les années, les spécificités ont peut être changé, mais au final, on revient au même : le manque de circulation d’argent signifie la fin du business pour la compagnie et nous en sommes parfaitement conscients. Bien que nous ayons la puissance financière nécessaire, nous n’avons pas l’intention de nous aventurer en dehors de notre but principal : le jeu.
Dengeki :Quels sont vos plans pour récupérer la place de numéro un de l’industrie ?
Satoru Iwata :La plupart des gens assimilent la place de numéro un au nombre de consoles vendues. Je comprends ce raisonnement parce que plus il y a de consoles vendues, plus il y a de jeux vendus. Cependant, il y a beaucoup de gens qui considèrent les ventes de consoles de la même façon que les ventes de frigos et machines à laver. La plupart des consommateurs remplacent ces objets quand ils cassent. Pour étendre cette ligne de pensée, cela veut dire que les gens qui ont déjà acheté une PS2 n’achèteront pas de NGC. Cependant, nous ne pensons pas que cela soit vrai. Nous avons pour but de créer des jeux de qualité que le consommateur désire. Développer des jeux exclusifs en first party est une façon de conserver nos joueurs : si vous les voulez, il vous faut un Gamecube. Nous aimerions évidemment que le Gamecube soit la plate-forme de cette génération de consoles. Simplement parce que la PS2 mène au niveau des ventes, je ne pense pas qu’ils sont intouchables. Dans beaucoup de foyers japonais, elle ne fait office que de lecteur DVD, et ses capacités sont ignorées. En prenant cela en considération, c’est insensé de comparer les ventes de PS2 aux ventes de Gamecube. Chez Nintendo, nous ferons toujours le meilleur pour gagner les louanges des joueurs, en tant que compagnie proposant les meilleurs jeux.
Dès ce soir (si tout se passe comme prévu), la seconde partie de l’interview devrait être en ligne, avec notamment des déclarations très intéressantes de Shigeru Miyamoto. Restez connectés :).
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