Le Making-of de Star Wars Rogue Squadron II : Rogue Leader
En novembre 2001 sortit la Gamecube aux États-Unis et l'un des jeux disponible lors de son lancement fut Star Wars Rogue Squadron II : Rogue Leader. Utilisant parfaitement l'esthétique des Star Wars, le jeu reçu un très bon accueil et est toujours considéré à la fois comme l'un des meilleurs jeu Gamecube, Star Wars et de shoot spatial. Deux développeurs de Factor 5 reviennent sur cette passionnante mais rude aventure que fut le développement de Rogue Leader.
NewsUn chantier de 9 mois...
Avant sa fermeture en 2013 par Disney, la plupart des jeux dans l’univers de Star Wars étaient développés par LucasArts, la filière jeu vidéo de Lucasfilm. Mais le jeu qui nous intéresse ici n’a pas été que développé par LucasArts mais principalement par un tout autre studio du nom de Factor 5. Le studio, qui fut fondé en 1987, n’en était pas à sa première collaboration avec LucasArts et l’univers de Star Wars puisque c’était déjà ces deux studios qui signaient 1998 le premier Star Wars : Rogue Squadron. Sorti à la fois sur N64 et PC, le jeu connu un grand succès de par sa qualité graphique et son gameplay soigné pour manœuvrer les différents vaisseaux aux caractéristiques variantes. Suite à cela, le jeu connu alors un spin-off en 2000 pour accompagner la sortie de la menace fantôme, à savoir Star Wars Episode 1 : Battle for Naboo dans lequel on peut piloter des chasseurs Naboo N-1, mais on ne vous recommande pas trop celui-là. Et à ne pas confondre avec Star Wars Starfighter que l’on vous recommande davantage et qui met également en vedette des chasseurs Naboo N-1 et sorti en 2001 sur PC, Xbox et Playstation 2, mais qui ne fut développé que par Lucasarts, Factor 5 étant alors occupé à la préparation du futur Rogue Squadron II.A la fin du développement de Battle for Naboo, Nintendo préparait le lancement de la Gamecube et les jeux qui sortiraient dessus lors du lancement. Le studio Factor 5, grâce au succès des deux précédents jeux sur N64, fut alors très impliqué dans les plans de Nintendo pour la sortie de la console. Il leur fut donc demandé de développer une suite à Rogue Squadron sur cette nouvelle machine, comme titre de lancement de la Gamecube en Europe et aux Etats-Unis.
Voici ce que l’un des Level Designer de Factor 5, Albert Chen, raconte à ce sujet :
« Chen : Rogue Squadron sur N64 fut un vrai hit pour Nintendo alors ils leur ont semblé logique de nous appeler quand la Gamecube avait besoin d’un titre de lancement. »
Ainsi, et avec la permission de LucasArts, Factor 5 réalisa rapidement une démo technique pour montrer le concept du nouveau jeu au trade show Space World de Nintendo en Août 2000 (sorte de conférence privée organisée par Nintendo).
« Chen : La démo technique lors du Space World montrant un X-Wing volant au-dessus de l’étoile noire conclu définitivement l’affaire pour que nous puissions réaliser le jeu »
Réalisé par une équipe de passionnés.
Et si la démo eut alors un fort effet sur les spectateurs, une sinueux chemin attendait à présent Factor 5. En effet, le studio avait uniquement 9 mois pour créer l’intégralité du jeu et le finir pour la sortie de la Gamecube le 18 Novembre 2001. Commence alors un travail de titan pour le studio, aidé par quelques employés de LucasArts. L’équipe de développement s’était fixé pour objectif de construire un jeu recréant les scènes clés et les missions spatiales de la trilogie originale Star Wars. Mais pour favoriser les conditions de la création du jeu, le développeur logiciel de Factor 5, Dean Giberson, a une explication bien compréhensible :« Giberson : L’équipe entière était constituée de fans de la vieille école. »Ainsi, la passion commune que chaque membre de l’équipe de développement partageait pour Star Wars permit à Factor 5 de travailler dans d’agréables conditions malgré l’échéance de neuf mois. Toutefois, d’autres éléments, plus techniques cette fois, leur permit de respecter le calendrier. Et ce, tout simplement, en réutilisant ce qu’ils avaient déjà fait dans leurs anciens jeux : tel que la réutilisation de certains aspects de gameplay de Rogue Squadron à savoir la mini-map mais aussi et surtout le contrôle des vaisseaux. De même, le fait de pouvoir savoir dès le début du développement que les missions seraient tirés des scènes principales de Star Wars fut un gain de temps considérable pour les Level Designers qui avait alors une solide base de travail. Chen explique à ce sujet :
« Chen : Nous avons simplement affinés les mécaniques de jeu du Rogue Squadron original et utilisés les batailles marquantes de la trilogie originale comme des points d’ancrage narratif, ainsi nous étions capables de davantage nous concentrer sur le design des missions et la création du contenu. »De même, l’utilisation de logiciels performants développés et fournis par LucasArts, tel que l’outil L3D, un éditeur 3D, leur permit de créer des environnements 3D avec une plus grande simplicité. Cet outil fut déjà utilisé pour le premier Rogue Squadron et Battle for Naboo, mais il fut modifié et amélioré à chacun de ces jeux pour le rendre plus performant. De même il fut aussi utilisé pour Rogue Squadron III : Rebel Strike, avec là aussi des modifications.
Ainsi, du fait que le processus technique était efficace et que Factor 5 pouvait alors se concentrer sur le contenu du jeu, le studio put vraiment montrer ce dont était capable la Gamecube, et lorsque les premiers visuels furent dévoilés, les réactions du public furent plus qu’encourageantes. L’évolution graphique entre la N64 et la Gamecube était énorme. Les graphismes étaient les plus détaillés jamais vus dans un jeu Star Wars, avec toutes les explosions, les effets à particules, la surface des planètes, les textures des vaisseaux où l’on pouvait voir certains d’entre eux endommagés, avec des bosses, des traces de suie… : tout relevait de la prouesse technique. Et lorsque fut demandé à Gibson comment un tel détail a pu être accordé aux textures des vaisseaux, il répondit en plaisantant :
« Gibson : Nous avions des ingénieurs allemands ! Mais plus sérieusement, Factor 5 a développé des kits de développement logiciel et des outils que même d’autres studios réutilisèrent pour leur propre jeu. Ainsi nous avions une intime connaissance du hardware et nous étions ainsi capable de pousser ses capacités au maximum. Être à la fine pointe de l’innovation était notre marque de fabrique. Et nous savions que nous passions dans une nouvelle ère graphique, en passant du vieux signal analogique vers l’affichage numérique et les graphismes en 480p. Beaucoup de travail fut réalisé pour faire resplendir la Gamecube. »Et, comme beaucoup d’autres joueurs, Chen trouve que le titre reste graphiquement beau malgré sa sortie il y a plus de 15 ans. Il fait ainsi la comparaison avec les récents jeu Star Wars :
« Chen : J’ai récemment joué au dernier Battlefront et à côté de ces graphismes haute résolution je trouve que ceux de Rogue Leader tiennent toujours la route. »A vous de juger :
« Chen : Aussitôt que j’appris que nous recréerons les batailles majeures de la trilogie originale, j’ai sauté sur l’opportunité. J’étais un grand fan du jeu d’arcade Star Wars de 1983 par Atari qui utilisait des vecteurs graphiques et ma traversé de la trachée est très inspirée par les obstacles de la version arcade. De plus, Star Wars fut le premier film en anglais que j’ai vu après avoir immigré aux États-Unis depuis Hong-Kong. Je ne comprenais pas un mot des dialogues mais je me souviens des frissons que j’ai ressenti lors de la traversé de la tranchée et c’est ce sentiment que j’ai voulu retranscrire lorsque que je l’ai recréé sur la Gamecube."Voyez plutôt une image du jeu d'arcade de 1983 avec Rogue Leader, on sent en effet une certaine inspiration.
Et ce n’était pas le seul sentiment que Chen voulait transmettre au joueur, mais aussi la panique lorsqu’il créa la mission tirée de la bataille d’Endor dans Le Retour du Jedi.
« Chen : Pour la bataille d’Endor, je me souviens que lorsque j’ai vu le film, on pouvait voir depuis le cockpit du Faucon Millénium des tas de chasseurs TIE volant tout autour une fois le piège lancé (It’s a trap !). Il y en avait tellement ! C’est pourquoi j’ai fait en sorte d’utiliser au mieux le matériel pour pouvoir implémenter un nombre immense de TIE à l’écran. Je suis également un amateur d’histoire militaire, alors je fus inspiré par les batailles navales de la seconde guerre mondiale comme la bataille de Midway. J’ai fait en sorte que les chasseurs TIE escortent les bombardiers TIE qui attaqueraient les vaisseaux rebelles important (la faible frégate médicale surtout, ndlr). Tandis que les intercepteurs TIE attaqueraient le joueur, ses ailiers et les Y-Wing et B-Wing. Dans la seconde partie de la mission, je me suis assuré que le vaisseau de l’Amiral Ackbar vole entre les deux Star Destroyers impériaux, ce qui force le joueur à zigzaguer entre les deux pour défendre au mieux le vaisseau (très dur passage, très dur, ndlr…). "Pour ce qui est des contrôles du jeu, Rogue Squadron reste une référence dans la prise en main facile, rapide et agréable des vaisseaux, ceci est tout aussi vrai pour tous les jeux Star Wars confondus et également les autres jeux de shoot spatial. Et ceci est en partie dû à la si caractéristique et désormais mythique manette Gamecube. Chen explique quels étaient alors les composants pour rendre l’expérience de jeu agréable.
« Chen : Optimiser et maintenir un haut frame rate était un des composants. Mais il y avait aussi de la customisation des contrôles à certains moments spécifiques du jeu (comme lorsque l’on contrôle un snow-speeder lors de la bataille de Hoth et que l’on doit tourner autour d’un TB-TT après lui avoir lancé un grappin pour finalement le faire tomber, à ce moment-là les contrôles sont plus minutieux, ndlr). Il y avait aussi des modifications des contrôles lors de certains passages de missions spécifiques. Par exemple, nous avons changé les caractéristiques techniques du X-Wing durant le passage de la traversé de la tranchée parce que sinon il volait trop vite et personne ne pouvait alors survivre avec les contrôles standard (le X-Wing étant alors trop sensible et compliqué à manipuler dans cette phase de jeu, ndlr). Vous vous seriez facilement cogné sur les bords ou le bas de la tranchée. Nous avons alors rendu les contrôles plus « lourds » et indulgent pour cette phase.»
Une liberté artistique et technique ainsi que de nombreux sacrifices.
Cependant, il fallait parfois se montrer patient à certaines étapes de développement puisque lors de la réalisation du jeu, Factor 5 n’avait que deux kits de développement Dolphin. Chen se souvient :« Chen : Le plus dur c’était d’attendre et tourner en rond jusqu’à pouvoir tester les niveaux et le contenu puisque nous n’avions qu’un dev kit pour les tests (et comme il y a de nombreux niveaux à tester, il y eu des moments où un développeur devait finir de tester son travail avant qu’un autre puisse alors tester le sien à son tour, ndlr). Ce qui veut dire que lorsque je faisais des tests, je m’assurais de compiler le maximum de choses que je voulais tester pour être sûr de tester un maximum de mes travaux lorsque j’avais accès au dev kit. »Et pour une licence aussi culte que Star Wars, il est intéressant de savoir dans quel mesure Factor 5 était autonome dans ses choix artistiques. Chen révèle qu’ils avaient peu de contraintes contrairement à ce que l’on peut penser :
« Chen : Une fois que nous avions obtenus les droits de licence, on nous a laissé une grande liberté, surtout pour les missions originales. J’ai fait un grand nombre de recherches dans le lore de Star Wars pour avoir un maximum de chance que nos travaux et nos idées soient approuvés. J’ai regardé des livres de jeu de rôle Star Wars, écouté les radio dramas et même lu les comic books Marvel et les histoires de l’univers étendu. »Giberson ajoute le sentiment de coopération et de liberté laissé par LucasArts :
« Giberson : Brett Tosti était notre producteur chez LucasArts, et il était constamment en train de parler de diverses choses comme de possibles pistes à suivre, mais nous ne nous sommes jamais sentis contraint, c’était plus comme un co-développement. Nous pouvions travailler avec tout l’univers Star Wars, et il y avait toujours des contraintes qui avaient besoin d’être vérifiés, mais comme nous étions tous des fans ça a bien fonctionné. »Une chose à savoir avec ce jeu si vous n’y avez jamais joué, c’est qu’il est très difficile de tout débloquer sachant que les éléments déblocables ne peuvent l’être que si vous gagnez les missions sous certaines conditions, trois pour être précis : le nombre de vies perdus, le temps mis pour effectuer la mission et le plus important : la précision dans vos tirs. Mais la récompense en vaut la peine puisque vous débloquerez ainsi de nouveaux vaisseaux, des améliorations pour ceux-ci et même des missions bonus en jouant du côté de l’empire. Mais si vous ne vous sentez pas à la hauteur (comme ce fut mon cas, je l’avoue), vous pouvez aussi débloquer ce contenu via des mots de passe originaux. D’ailleurs vous devrez obligatoirement passez par ces mots de passe pour débloquer de petits easter-egg tel que les commentaires audio, débloquer la galerie d’image, voir les crédits, un documentaire sur la réalisation du jeu… Bref, tout plein de petites choses comme ça mais le plus loufoques d’entre eux est sans aucun doute le fait de conduire une Buick noire décapotable (une des voitures préféré de George Lucas, grand amateur de voiture et de sport automobile depuis son enfance), avec un petit singe dont la tête bouge si vous passez la vue en mode cockpit. D’ailleurs il est fort à parier que le pilote, un homme aux cheveux argenté, puisse être George Lucas himself. Sacré clin d’œil n’est-ce pas ? Et selon Giberson, un tas d’easter-egg de ce type aurait été supprimé, notamment dans le troisième opus, Rebel Strike :
« Giberson : Je sais que nous avons coupé certains easter-egg dans Rebel Strike. Comme le fait de pouvoir contrôler un vrai poulet à la place d’un chicken walker (surnom donné aux AT-ST, les véhicules bipèdes dans Star Wars, ndlr)."Créer un tel contenu avec des tas de détails et easter-eggs, en neuf mois seulement, c’est phénoménal dans l’industrie du jeu vidéo. Et justement, Giberson n’a aucun mal à se souvenir à quel point ces neuf mois furent très éprouvants :
« Giberson : Ce fut les 9 mois les plus acharnés de ma vie. Je ne vivais pas loin du studio, et j’étais souvent le premier à arriver. Nous travaillions normalement jusqu’à 22 heures, mais il y avait parfois des jours où je partais à 4 heures du matin. Je rentrais ensuite en moto à la maison puis m’affalait sur mon lit pour me lever à 8 heures et repartir travailler. Nous allions tous manger dans la cuisine principale à 17 heures et continuions après de travailler. »Mais selon lui, Giberson sait pourquoi lui et l’équipe a pu endurer tout ceci et accepter de tels sacrifices pour réaliser le projet à temps :
«Giberson : Nous avions l’équipe, les ressources et la passion pour rendre ceci possible. »Une bien belle déclaration qui fait plaisir à attendre, et au vu du succès et de la qualité du jeu tous ses sacrifices ne furent pas vains, bien au contraire. Ainsi, après un long et chaotique crunch (période durant laquelle le jeu doit être finalisé au plus vite en vue d’une démonstration ou de sa mise en vente), Rogue Leader sorti finalement accompagnant le lancement de la Gamecube aux USA le 18 Novembre 2001 (et en France le 3 mai 2002, ce qui fait que nous avons dû attendre 6 mois avant que la Gamecube sorte dans nos contrés, quelque chose d’impensable maintenant). Le jeu devint rapidement un énorme succès critique et commercial, le faisant devenir un vrai system seller lors du lancement de la Gamecube, ce qui lui offrit ainsi un bon lancement aux USA et en Europe. Cela reste d’ailleurs l’une, si ce n’est peut-être la meilleure, des exclusivités de la Gamecube. Fort du succès du jeu, Factor 5 réalisa un troisième volet : Rogue Squadron III : Rebel Strike. Si le succès ne fut pas aussi fort que le précédent, la qualité est toujours là avec quelques nouveautés qui plus est : des phases de jeu à pied (mais il faut l’avouer, pas terrible) et d’autres où l’on contrôle des troupes blindées terrestre (AT-ST, TB-TT…). Mais la partie la plus intéressante reste toujours les phases aériennes avec de toutes nouvelles missions, vaisseaux et ainsi que toutes les missions du précédent opus jouables dans le mode campagne en coopération.
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