Voici une affaire qui embarrasse beaucoup Nintendo même si on peut tout à fait comprendre que le constructeur recherche les moyens de ne pas se couper totalement des consommateurs russes qui ont acquis ses produits dans le passé. Avec le conflit Ukrainien, de nombreuses sociétés ont montré leurs désaccords avec la politique du gouvernement de Vladimir Poutine. Certaines se sont désengagées par actes citoyens, d’autres l’ont été plus ou moins poussées par la pression publique ou par les politiques. Mais quand les investissements ont été importants dans le passé pour s’intégrer au marché russe, cela a été rarement de gaité de cœur de se désengager, entre vente d’usines occasionnant des pertes financières non négligeables, licenciement de personnels travaillant sur place, rapatriement de membres détachés sur ce marché. Lorsqu’il était clair que le conflit allait durer dans le temps, les grosses sociétés ont communiqué l’une après l’autre sur leur départ, en tentant d’amortir au maximum la casse et en préservant l’avenir, avec un hypothétique retour si le conflit venait à se régler.
Nintendo Russie a donc été confronté au même problème. Nintendo a officiellement interrompu les livraisons de produits à la Russie en mars 2022, et a également fermé son eShop numérique dans la région, citant "la suspension des transactions en roubles par le fournisseur de paiement". Suite à cela, et en raison des perspectives économiques, Nintendo of Europe a décidé de mettre fin aux activités de sa filiale russe.
Le discours officiel est donc le suivant :
Nous maintiendrons une présence minimale en Russie afin de mener à bien le processus de liquidation et de satisfaire aux exigences légales, contractuelles et administratives. Les employés de Moscou ont reçu des indemnités individuelles et leurs contrats ont été résiliés d'un commun accord, avec notre reconnaissance pour leurs efforts.
Nous continuons à rechercher des solutions pour honorer les engagements précédents envers nos clients sur le marché russe. Dans cette optique et dans un esprit de transparence, nous sommes en pourparlers avancés avec des fournisseurs potentiels de services de réparation et de garantie pour les produits Nintendo déjà vendus sur le marché russe, LLC Achivka étant l'un de ces fournisseurs potentiels.
Nintendo confirme ici qu'elle envisage Achivka, la nouvelle société de Haddazhi, comme partenaire commercial - même si elle suggère que c'est pour "honorer les engagements précédents" envers les clients et fournir un "service de réparation et de garantie" pour les produits Nintendo existants déjà vendus dans le pays.
Nous sommes conscients que plusieurs sociétés en Russie pratiquent l'importation parallèle de marchandises, y compris de produits Nintendo. Nintendo n'est pas affiliée à ces sociétés et n'est pas impliquée dans des activités d'importation parallèle en Russie.
Au cas où nos clients russes auraient des questions concernant nos produits ou services, nous continuons à les encourager à contacter le service d'assistance à la clientèle.
On le comprend aisément, Nintendo a trouvé des solutions pour la gestion des garanties de ses produits et pour pouvoir continuer à faire réparer les produits déjà vendus, en revanche elle n’alimente plus le marché russe par de nouveaux produits ou des livraisons de nouveaux stocks, le marché noir et les combines ayant pris le relais.
Derrière la parole officielle, le patron de Nintendo Russie joue le trouble- fête.
Le scandale éclate quand l’actuel président de Nintendo Russie se voit impliquer dans les contournements de règlement. Ce n’est pas la première fois que le nom du patron de Nintendo Russie, M. Yasha Haddazhi, est mêlé à certaines affaires, mais cette fois, c’est le média russe Kommersant qui met en lumière la vente récente de Metroid Prime Remastered en Russie par une société nommée Achivka, qui a été créée par le patron de Nintendo Russie, Yasha Haddazhi, pour importer des jeux et des consoles Nintendo dans les magasins de jeux russes.
La LLC Achivka, reconnue par Nintendo pour gérer l’existant, semble donc bien contourner l'interdiction de vente officielle. Et c’est un sérieux problème car Metroid Prime Remastered est un produit sorti le 8 février 2023, donc ne pouvant pas faire partie des produits vendus par Nintendo. Plus grave, alors que Nintendo indique ne pas être impliquée dans des activités d’importation parallèle en Russie, M Yasha Haddazhi, créateur de la LLC Achivka qui importe donc ce jeu, est toujours en poste au sein de Nintendo, comme Nintendo l’a confirmé auprès d’Eurogamer. Nous avons donc bien un employé de Nintendo qui importe des produits neufs de Nintendo via sa société personnelle, malgré l’embargo sur tout nouveau produit.
"M. Haddaji reste dans une capacité administrative temporaire pour remplir diverses fonctions administratives internes pendant la liquidation de la société", a déclaré un porte-parole de Nintendo à Eurogamer.
"Nintendo n'est pas affiliée à Achivka et n'est pas impliquée dans des activités d'importation parallèle en Russie. Actuellement, Achivka n'est qu'un fournisseur potentiel de services de réparation et de garantie pour les produits Nintendo qui ont déjà été vendus sur le marché russe. Pour toute question relative aux activités de LLC Achivka, veuillez la contacter directement".
Si Nintendo n'a pas été impliqué dans l'importation et la vente de Metroid Prime Remastered par Achivka, et que tout semble laisser croire que M. Haddazhi a agi de son propre chef, alors qu’il est encore employé de Nintendo, ce type de révélation pose tout de même de sérieux problème. Nul doute que le statut actuel de ce patron local va devoir être traité en urgence pour ne pas ternir l’image de Nintendo et mettre la société en porte-à-faux par rapport à son discours officiel.
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