Vivendi atteint 17,7 % du capital d’Ubisoft
Le groupe français de média Vivendi continue à avancer ses pions dans sa tentative de prise de contrôle de Gameloft et d’Ubisoft. Un nouveau seuil vient d’être franchi et désormais Vivendi demande à être représenté dans le conseil d’administration d’Ubisoft.
NewsVivendi envisage de demander une recomposition du conseil d’administration d’Ubisoft en vue d’y obtenir une représentation cohérente avec sa position actionnariale, a rapporté l’AMF.Évidemment, au sein d’Ubisoft et notamment de la famille Guillemot, on s’attendait à cette nouvelle avancée de M. Bolloré, une nouvelle qui ne les réjouit pas du tout. Ainsi Ubisoft a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) prendre acte sans aucune surprise de cette nouvelle action.
Cette déclaration confirme la stratégie habituelle de contrôle rampant du groupe Vivendi, qui annonce qu’il n’a pas l’intention de prendre le contrôle de la société Ubisoft, tout en augmentant régulièrement sa participation et en préparant une offensive lors de la prochaine assemblée générale.Parallèlement, Vivendi a lancé en mars une OPA contre Gameloft. Après être également monté progressivement dans le capital de l’entreprise, Vivendi a décidé de passer à l’étape supérieure pour en prendre le contrôle total via une offre publique d’achat (OPA) hostile, une décision qui a reçu le feu vert, au grand dam de la famille Guillemot, qui a depuis contesté en justice cette décision.
Le Président de Gameloft, Michel Guillemot, tente de convaincre les actionnaires de ne plus céder d’actions supplémentaires à Vincent Bolloré sous peine de perdre beaucoup d’argent. Il explique ainsi au journal le Monde ses arguments :
Vivendi est arrivé en octobre, à un moment où les dépenses, du fait d’importants investissements, étaient élevées, et les résultats assez bas. Cela leur a permis de développer une rhétorique selon laquelle Gameloft ne rapportait rien. Je dis aux actionnaires d’opter pour le plan d’affaires que nous avons présenté le 22 mars, afin de pouvoir transformer leurs investissements en résultat. L’OPA les priverait de la plus-value que Gameloft va créer.
En 2013, le jeu mobile a vu émerger le « freemium » : le jeu est gratuit, l’achat de contenus supplémentaires payant. Ce mode de financement ne repose que sur un petit pourcentage de payeurs. J’ai donc choisi en 2014-2015 de créer notre propre régie publicitaire « programmatique » (automatisée) pour le compléter. Cette régie peut générer 150 millions d’euros de revenus supplémentaires par an.Même si les arguments avancés peuvent se comprendre, n’est-il pas trop tard pour Gameloft ? Alors que la famille Guillemot détient 21% des actions, elle a été doublée par Vivendi qui en possède désormais 30%. Le bras de fer pour Gameloft est bien mal engagé et la crainte de voir Ubisoft subir un sort similaire est très grande.
Mais pourquoi Vincent Bolloré est-il attiré par Ubisoft et les médias en général ?
Intéressons-nous à ce patron hors-norme, qui possède une volonté et un sens tactique au final pas si éloigné des frères Guillemot.Si l’on résume ce que l’on peut décrire de la méthode de Vincent Bolloré, c’est une image de grand patron bulldozer, sans pitié : un appétit dévorant auquel ne peut survivre la concurrence, des marchés dont les règles volent en éclats, le putsch dans les conseils d’administration laissant sans réaction les dirigeants en place et des organisations toilettées au Kärcher…
Une image peu reluisante, savamment entretenue par la famille Guillemot pour tenter de convaincre qu’avec Bolloré, c’est le retour assuré 20 ans en arrière et une asphyxie des capacités créatrices du groupe. Les soubresauts actuels au sein de Canal Plus semblent leur donner en partie raison mais il vaut mieux se méfier. Le parcours de M Bolloré est tout sauf anarchique et montre même une certaine constance qui lui a permis de construire son empire actuel.
Vincent Bolloré a 64 ans et a une grande capacité d’adaptation, capable d’être agressif si la fin justifie les moyens, un prédateur qui a du nez, pariant souvent sur les marchés de niche. Aujourd’hui, le groupe Bolloré est spécialisé dans les transports, la logistique, les médias et la communication, les solutions de stockage de l’électricité, et compte 54 000 collaborateurs dans le monde avec un chiffre d’affaires de 10,6 milliards d’euros. Une telle réussite prouve qu’un tel patron est loin d’être un idiot et un simple vandale. Vincent Bolloré est la 11e fortune de France avec 4,9 milliards d’euros. Il cumule de nombreuses présidences.
Vincent Bolloré est connu pour son tempérament fonceur, une détermination implacable qui n’abandonne pas même en cas de difficulté. Son cas est le sujet d’étude car qu’il plaise ou non, il représente un modèle très rare parmi les stratèges français, le PDG de Free en faisant également partie.
Quand ces hommes-là prennent une claque, ils se relèvent. Leur détermination est implacable et se reporte sur leurs organisations. Ils imposent ainsi une discipline très forte à leurs collaborateurs, à la hauteur de leurs exigences. Ils n’ont pas d’état d’âme, ils ont un projet, une ambition et ne laissent pas beaucoup de place à la contestation ou à des idées différentes. Il faut se mettre dans le moule ou on ne survit pas ! Il y a dans chaque cas un pouvoir du chef très fort. Ils sont les actionnaires, et en même temps, à l’origine des idées et des moyens de les mettre en oeuvre. Quant aux moyens tactiques de leur réussite, cela passe avant tout par l’art de savoir s’entourer.(Éric Giuily, président et fondateur du cabinet de conseil en stratégie et de communication Clai).
Pourquoi Ubisoft et les médias ?
La méthode de prise de contrôle est connue : on achète l’entreprise, on la réorganise, on jette le bois mort et on garde le meilleur. Donc effectivement, la famille Guillemot a bien raison de craindre Bolloré, car il va imposer sa vision et ses équipes. Le premier acte est fait : entrer rudement dans l’entreprise et en prendre le contrôle pour arriver à la direction. La conquête n’est plus très loin désormais.L’étape 2 est donnée par son parcours au sein d’Havas et se met actuellement en place au sein de Canal Plus. Vincent Bolloré s’investit énormément pour comprendre le fonctionnement de l’entreprise, se définit un certain nombre d’objectifs stratégiques, avant de prendre le contrôle et de réorienter l’entreprise. On le voit avec le remaniement actuel de Canal et l’éviction d’un certain nombre de personnes.
L’étape 3 est une implication constante dans les affaires du groupe, un management direct au cœur des équipes et en plaçant ses hommes et des membres de sa famille, il prend un contrôle absolu. Vincent Bolloré veut être autonome et ne dépendre de personne. C’est un empire familiale qu’il met en place, comme lui-même il avait reçu une empire plus jeune (et en mauvais état).
Posséder des médias fait partie de sa stratégie globale : maîtrise de la communication sur son empire (pas facile de critiquer le patron si celui-ci tient fermement les commandes, avec pressions économiques possibles si un sujet dérange.
Être présent totalement dans un secteur économique précis, permettant de diffuser du contenu qui va alimenter d’autres branches de son empire.
Le journal Courrier Cadre dans son numéro du mois de mai 2016 résume ainsi :Pour pouvoir contrôler son image, il a pris le contrôle sur toute la chaîne verticale du monde de la télévision, du satellite [par Canalsat avec le groupe Canal Plus, Ndlr.] jusqu’à l’agence de communication Havas [dont il détient 60 % des parts, Ndlr.]. En effet, il possède des sociétés de production comme Studio Canal, par le biais du groupe Canal Plus. Depuis 2016, le groupe Vivendi détient 26,2 % de Banijay Group, qui détient H2O Productions fondé par Cyril Hanouna, et 30 % de Mars Films, acquis en 2015…Le groupe Bolloré a un pied également dans l’équipement audiovisuel et cinématographique par sa présence au sein du capital de Gaumont à hauteur de 10 %. Et l’institut de sondage CSA n’est autre qu’une filiale de… Havas Media. Le groupe détient encore 14 % du capital d’Harris Interactive, société américaine d’études et de sondages.
C’est une véritable réussite stratégique et il ne manquait plus que le pied dans le jeu vidéo pour compléter sa gamme. L’expérience américaine, avec un process anglo-saxon rigide ne convenait pas Vincent Bolloré. En revanche, un fleuron français, présent sur PC, console, mobile, avec des personnages connus implantés dans l’imaginaire du public, proposant du contenu audio-visuel (dessins animés), actuellement des films, implanté dans un parc de forte notoriété (Futuroscope avec la présence importante des Lapins crétins) et bientôt engagé dans un parc en Asie, voilà une cible de choix bien tentante pour M Bolloré qui s’intègre parfaitement dans l’univers qu’il se construit. Malheureusement, cela fait des étincelles.
Sources basées sur certains documents du site Bolloré et du journal Le Monde
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