Croix de bras, croix de fer, si je mens...
Au risque d’être un peu expéditif, nous n’allons pas aller par quatre chemins dans ce test, ni nous étaler en longueurs. Non. Parce que parler de Geist, c’est se faire un peu du mal. Rarement un jeu à si fort potentiel n’aura été autant gâché par une réalisation technique surannée et un gameplay insolite voire incongru. Longuement reporté, on y croyait chaque année un peu plus, à tous les E3, à ce FPS d’un nouveau genre. Les magazines comme Gameplay 128 –Coucou Jay- l’annonçaient comme LE futur hit à venir. L’un des derniers aussi. Et puis le jour J arrivé, triste constat : en dépit d’une jaquette aguicheuse, le jeu n’en vaut pas la chandelle, malgré quelques instants extraordinaires, dans tous les sens du terme.John Raimi est un agent des forces spéciales américaines venu enquêter avec son équipe dans un laboratoire français (!). La société réalise des expériences paranormales et le héros va s’en apercevoir rapidement. Mais trop tard. Prisonnier et dépossédé de son corps, il va errer dans les couloirs de cette prison d’acier à la recherche de son physique que ses adversaires lui ont volé, et de la vérité. Aucune trace de ses partenaires. Sans trop en dévoiler sur le scénario, l’intrigue est bien ficelée et risque de choquer les plus sensibles. C’est malsain, et pour une fois le joueur va palper cette ambiance de l’intérieur.
Car incarner un mort selon N-space, c’est amener le joueur à en ressentir l’effroi et la solitude, quand ce n’est pas la torpeur. Attendez, ne partez pas, calmez-vous, ce n’est pas fini… Partant de ce principe totalement inédit dans un jeu vidéo, et hautement inspiré du film Ghost, le gameplay possède «juste» la prétention de faire ressentir des sensations inédites et grisantes. Toutes les caractéristiques du revenant s’offrent donc à vous. Bouger des objets par télékinésie pour résoudre des énigmes, envoûter un ennemi ou un animal voire un élément matériel comme un ordi ou une poubelle (!) pour en obtenir ses caractéristiques un temps limité… Tout ceci est de mémoire du jamais vu, et joué.
Les développeurs ont poussé le bouchon assez loin : pour prendre possession d’un individu et de son gunfight, vous devrez au préalable… l’effrayer ! Mais là où le bât blesse, c’est que la façon de procéder à cet envoûtement est clairement prédéfini ; et si vous n’avez pas trouvé ce que les concepteurs tentent de vous faire comprendre, vous risquez de tourner très longtemps pour rien ! Qui aurait pu penser que pour pénétrer dans le corps d’un soldat, il fallait faire tomber une échelle, mettre le feu sur celle-ci, incarner un chien pour aller dans la pièce d’à côté et augmenter la pression du gaz pour enfin effrayer le pauvre gars prisonnier dans la salle en face ! Ceci n’est pas un résumé ou une parodie, c’est bien du in-game. A la longue, c’est fatigant, redondant, et finalement crispant. Surtout que les énigmes bloquant la progression ne sont pas piquées des hannetons.
Esprit... Es-tu las ?
Pourtant, incarner un esprit ne manquait pas d’intérêt. La sensation en elle-même est inédite et parfois grisante. Le jeu se fait lent, flou, baroque et plonge vraiment le joueur dans un «jeu parallèle». Serein et léger. Dès lors que vous incarnez un des vingt personnages qui ne demandent qu’à être hanté, le jeu reprend les routines d’un FPS habituel. Ce contraste à la Soul River (pour les connaisseurs) ne laisse pas de marbre au début. Mention spéciale pour la scène d’ouverture dans le paradis, tout simplement touchante, enivrante, voire culte. Mais le spectacle retombe vite, implosant faute de ne proposer finalement aucun spectacle. A 60 euros la galette, c’est inexcusable. Et ce n’est pas quelques effets graphiques qui diront le contraire. L’action est lourde et molle. Strictement incomparable à Metroid Prime et sa séquelle. Quand à Résident Evil 4, n’en parlons pas au risque d’être déplacé.Les Boss sont difficiles car ils exigent d’alterner bizarrement les actions d’esprits et de personnages hantés, cassant le rythme déjà mou des duels. Le scénario ne décolle pas particulièrement et le level design claustrophobique et sans inspiration rajoute de l’insipide à un jeu qui n’en avait tristement pas besoin d’avantage.
Bonne surprise : Le mode multi a pour lui un rythme plus électrique et offre une véritable palette de possibilités pour joueurs chevronnés. On s'amuse à se posséder et se déposséder, pour finalement élaborer des mini-stratégies qui donne une épaisseur aux rixes amicaux. Mais les plus fin d’entre-vous se tourneront vers des jeux plus tactiques, et les plus barbares vers des FPS plus solides, comme la série de Time Splitters. Une fois encore et même si c’est mieux, Geist n’arrive pas à se faire sa place.
Daube ludique ou chef d’œuvre avant-gardiste ?
Geist ne décolle donc pas, bâclé par un manque de finition mais surtout un manque d’inspiration et de foi certaine des développeurs. Ils y croyaient pas tant que ça à leur truc, et ça se voit. Au regard de la line up de Noël 2005, la game cube avait besoin et même attendait «LE» FPS Killer app qui aurait éclairé les linéaires de la 128 bits de Nintendo. Hit annoncé, chef d’œuvre espéré, Geist n’est rien de tout cela mais va pourtant au-delà du pétard mouillé ou du ratage : C’est une œuvre poétique, capable de plonger le joueur dans une introspection mi psychanalytique mi métaphysique –rien que ça-, mais hélas trop livrée à elle-même et surtout n’ayant rien à faire dans un rayon de jeu vidéo à notre époque !Geist est soit trop avant-gardiste, soit totalement dépassé, selon l’avis qu’on pourra se faire. Mais il ne répondra en aucun cas aux attentes des joueurs actuels. Trop pressés, trop exigeants peut être aussi pour plonger dans un jeu trop prise de tête -c’est le cas de le dire-. Car tant que la vocation d’un jeu est d’amuser au sens que l’on connaît, les ovni comme Geist n’auront pas leur place. Incompris, incohérent, et pourtant muni d’une douce arrogance et d’un culot soulignant la noble mission de Nintendo consistant à proposer des jeux définitivement différents. Au risque de transcender ce terme. Pour l’heure, un bon Zelda, et tout le monde sera content ! Parce que l’essentiel n’est pas de gagner mais de participer, le coup du Geist aura au moins le mérite de faire parler de lui. On peut presque comprendre pourquoi un génie comme Miyamoto s’est amouraché de ce type de soft. Mais c’est ce « presque » qui empêche nous autres, le commun des mortels, d’en saisir l’essence et finalement l’intérêt et la réelle valeur et finalité de ce soft pas comme les autres. Mais comme « Les Autres » ?…
Cet article vous a intéressé ? Vous souhaitez réagir, engager une discussion ? Ecrivez simplement un commentaire.