Dossier Famicom Detective Club
Dans les coulisses de Famicom Detective Club : la genèse
Emio, l'homme au sourire nous donne l'opportunité d'en découvrir plus sur cette série méconnue dans nos contrées. Notre saga "Dans les coulisses" va donc faire toute la lumière sur cette saga.
Dossier
Ce jeudi 29 août 2024 est sorti Emio, l’Homme au sourire. Mais saviez-vous que cette enquête très sombre est en réalité le quatrième jeu d’une série très peu connue dans nos contrées ? Il s’agit de Famicom Detective Club. Ce dossier va être pour nous l’occasion de mener l’enquête sur l’apparition de cet épisode, afin d’en découvrir plus sur cette série, son origine, son histoire, ainsi que l’homme qui se cache derrière sa création : Yoshio Sakamoto.
Suspect principal : Papounet… Euh… Yoshio Sakamoto
- Profession : Game designer chez Nintendo
- Célèbre pour : Metroid, Tomodachi Life, WarioWare, et... Famicom Detective Club
Yoshio est né en 1959 et a grandi entre autres avec les jouets Nintendo. Enfant, il était souvent malade et ratait régulièrement l’école. Il passait ainsi son temps avec des jouets, mais aussi à lire des livres. Il adorait cela. Après ses études, il a rejoint Nintendo en 1982 et plus précisément l’équipe de Recherche et Développement 1 (R&D1) dirigée par Gunpei Yokoi. Après avoir travaillé sur plusieurs jeux, dont Donkey Kong pour Game & Watch, il proposa son premier jeu : Wrecking Crew. Cependant, il est plus connu pour sa participation a la création de Metroid (j’en rigole un peu, mais il n’en est pas vraiment le créateur ; d’après ses propres mots, Metroid est issu d’un collectif et non d’une seule personne).
Un jour de 1985, Yoshio s’est essayé à un jeu nommé « Portopia Renzoku Satsujin Jiken » (L’affaire du meurtre en série de Portopia) sur NES, développé par Enix, qui deviendra Square Enix plus tard. Le jeu l’a marqué car c’était la première fois qu’il découvrait qu’un jeu pouvait raconter une histoire. Il avait pourtant déjà contribué à plusieurs jeux, mais aucun d’entre eux n’avait d’histoire aussi précise et élaborée. L’idée de chercher à déclencher des réactions et des émotions chez le joueur lui plaisait beaucoup. Il se mit alors à en étudier les mécanismes dans l’idée d’essayer de créer son propre jeu.
Fait n°1 : The Missing Heir
- Dates des crimes : 27 avril et 14 juin 1988
- Lieu : Family Computer Disk System
Le hasard a frappé à sa porte lorsque son chef, Gunpei Yokoi, lui demanda de réaliser un jeu nommé « Famicom Shonen Tanteidan » (L’Équipe des Jeunes Détectives Famicom). C’est tout ce qu’il lui a donné, juste ce nom. Aucune directive exacte sur ce à quoi le jeu devait ressembler, mais il devait être réalisé avec une autre entreprise. Yoshio y vit l’occasion parfaite pour tenter de mettre en pratique ce qu’il étudiait alors. Assez rapidement, Yoshio se rendit compte que la vision du partenaire ne correspondait pas du tout à l’esprit d’un jeu vidéo et le partenariat s’arrêta là, mais cela ne mit nullement fin au projet. Yoshio souhaitait réellement tenter l’expérience et Yokoi lui en donna l’occasion avec une réponse proche de : « Bien, fait ce que tu veux ! ».
Le voilà jeté à l’eau : lui qui avait passé son enfance à lire, voilà qu’il devait se mettre à écrire une histoire. C’était une première. Pour l’y aider quelque peu, il fut influencé par son goût pour les films d’horreur, principalement ceux de l’italien Dario Argento (la trilogie Suspiria, ou Les frissons de l’angoisse). Cette expérience l’a amené à se poser diverses questions sur tout ce qui pouvait faire monter la tension du joueur : « Et si la musique s’arrêtait subitement à ce moment-là ? Et si le texte qui défile à l’écran devenait de plus en plus lent pour montrer le stress ? ».
Dans ce jeu intitulé « Famicom Detective Club: The Missing Heir », le joueur se réveille au pied d’une falaise en pleine campagne japonaise. Il n’a alors aucun souvenir de son passé et pour l’aider à les retrouver, il s’associe à la détective Ayumi Tachibana (personnage qui avait d’ailleurs été envisagé pour le casting de Super Smash Bros Melee). Ensemble, ils vont mener une enquête sur une affaire de meurtre lié à une riche famille dans un village hanté.
Si le pitch n’est en soit pas mirobolant à la première lecture, le jeu vous amène à parler à des témoins, explorer des lieux et des scènes de crime, interroger des suspects… Cela ne vous rappellerait-il pas la série Ace Attorney (Phoenix Wright, parue en 2001 sur Game Boy Advance) ?
En réalité, le fait que le joueur incarne un personnage amnésique est une idée originale de Famicom Shonen Tanteidan. Cela a d’ailleurs toujours donné l’impression à Yoshio que le jeu n’était pas complètement de lui. Pour cette raison, il a très tôt souhaité réaliser un deuxième épisode qu’il aurait écrit de A à Z. En ce qui concerne le succès du jeu, il faut nuancer quelques informations. Malgré son nom, le jeu n’est pas sorti sur Famicom (NES), mais sur Famicom Disk System (FDS). Cet accessoire est une extension pour la NES lui permettant de réaliser des sauvegardes, chose innovante pour l’époque. De plus, il permettait de lire des disquettes ayant une capacité de stockage plus importante que celle des cartouches. Cela ne suffit pourtant pas à sortir le jeu sur une seule disquette. Le projet a donc été découpé sur deux disquettes qui sont sorties à presque 2 mois d’intervalle. Ce découpage sera réitéré pour le jeu suivant.
Pour l’aspect musical, ce sera Kenji Yamamoto qui sera de la partie. Celui-ci a composé les musiques de divers grands jeux, dont la plupart des Metroid depuis Super Metroid jusqu’à Metroid Prime 3 : Corruption.
Les chiffres de vente du jeu se retrouvent limités par le nombre de possesseurs du FDS. Si aucun chiffre n’est communiqué, on sait que l’appareil s’est peu vendu mais que le jeu y a rencontré un certain succès et des critiques positives qualifiant l’histoire de sombre et mature. Cela a donc permis à Yoshio de réaliser un deuxième méfait : un prequel !
Fait n°2 : The Girl Who Stands Behind
- Dates des crimes : 23 mai et 30 juin 1989
- Lieu : Family Computer Disk System
Comme beaucoup d’histoires de fantômes qu’il apprécie se déroulent dans le milieu scolaire, Yoshio décida d’orienter le deuxième jeu vers cet univers. Cependant, au moment de prendre la plume, le bonhomme avoue se retrouver face à la page blanche. Il lui faudra alors un peu de temps avant de trouver l’inspiration, qui lui viendra des films qu’il regardait à l’époque.
L’histoire est donc un prequel dans lequel Ayumi est encore au lycée où elle fonde un club de détective. L’enquête démarre lorsqu’elle découvre le corps d’une amie, Yoko, avec qui elle avait fondé le club.
Un aspect du jeu va alors susciter l’intérêt du game designer : la musique. Il souhaite réaliser une ambiance sonore flirtant entre le rock progressif (genre mélangeant entre autres le classique et le jazz) et le technopop (un style de musique où le synthétiseur est l’instrument principal). Ce souhait sera exaucé et sera même l’un des points positifs soulignés par les critiques. Ce deuxième jeu rencontre lui aussi le succès.
Fait n°3 : BS Detective Club: The Past that Disappeared in the Snow
- Dates des crimes : 9, 16 et 23 février 1997
- Lieu : Satellaview
Nous voici sur l’épisode qui ne compte pas trop et qui est sorti 8 ans après le précédent. Pourquoi ? Parce qu’il ne s’intitule pas « Famicom Detective Club » mais « BS Detective Club ». La raison est toute simple : cet épisode est sorti sur Satellaview. Cet appareil est un surprenant périphérique de la Super NES comparable au Famicom Disk System, sauf que celui-ci permettait entre autres de télécharger des jeux par satellite. Comme le périphérique était connu sous les initiales BS-X, les jeux sortant pour cet appareil avaient des titres débutant par « BS ». La sortie du périphérique fut accompagnée par un « BS Zelda » qui était un remake du premier épisode. Voilà pourquoi le titre du troisième épisode du Detective Club commence par BS et non par Famicom.
Dû à sa diffusion particulière, l’épisode a été découpé non pas en deux parties, mais en trois. Et aucune version physique donc la photo au dessus est la seule image pouvant se rapprocher d'une jaquette de jeu. Suite à la fermeture du service de diffusion du Satellaview, il n’est pas possible d’y jouer officiellement. Des backups ont été réalisés et permettent de jouer aux trois parties. Seulement, à cause de ce système de diffusion très particulier, les roms ne contiennent pas les pistes sonores et se jouent donc sans aucun son.
Côté scénario, une petite nouveauté fait son apparition puisque cette fois, vous incarnez Ayumi, qu’on côtoyait dans les deux précédents opus. Pas de protagoniste masculin donc (c’est une manie chez Yoshio ?). Dans le village enneigé d’Ochitani, un mystère complexe se déroule autour de deux meurtres, apparemment liés à un incident survenu 18 ans plus tôt. Ayumi, qui est alors âgée de 17 ans, se trouve plongée au cœur de l’enquête car sa mère est devenue la principale suspecte. Tandis que les secrets du passé refont surface, Ayumi découvre que sa famille est peut-être bien plus impliquée qu’elle ne l’aurait imaginé.
Si Yoshio Sakamoto a assuré le rôle de scénariste des deux premiers épisodes ainsi que celui de directeur, il n’est cette fois-ci que co-producteur. Le scénario et la direction du jeu ont cette fois-ci été assurés par Masayasu Nakata. Un homme de Nintendo of America principalement affecté au débogage et au test de la localisation de jeux.
Fait n°4 : The Girl Who Stands Behind (récidive n°1)
- Date du crime : Avril 1998
- Lieu du crime : Super Famicom/Super NES
Le deuxième jeu avait laissé Yoshio sur un sentiment d’accomplissement. Le résultat avait été à la hauteur de ses propres attentes et les critiques encensaient le jeu. Mais les fans semblaient insatisfaits sur un détail : ils auraient voulu des affaires de ce genre bien plus régulièrement. Presque chaque semaine ! Cela était bien sûr impossible. Il aurait pu être envisageable d’externaliser l’écriture de scénario à un ou plusieurs auteurs, cependant, il aurait fallu que ceux-ci soient familiers du jeu vidéo, du gameplay de la série et quelques autres détails. Concevoir un nouvel épisode ne se limitait donc pas à la seule écriture d’une nouvelle histoire.
Alors que le temps passe, Yoshio se retrouve happé par divers projets. Tellement, qu’il n’est même pas impliqué dans le développement de Metroid II (1991), alors qu’il avait apprécié participer au premier (1986). Il est du genre à rester focalisé sur un seul et unique projet à la fois, auquel il est dédié à 100 %. Ce n’est donc qu’en 1997 que son planning se libère et lui donne l’opportunité de retravailler sur Famicom Detective Club. D’abord, pour le Stalleview en 1997 (fait n°3). Cette expérience lui donna envie de revenir sur sa série. La Super NES était sortie au début des années 1990 et proposait logiquement plus de puissance et d’opportunités que la console précédente. Il présenta alors une première remasterisation du deuxième épisode de la série pour cette console qui sortira en 1998. Cette remasterisation profite de graphismes et de parties sonores améliorés.
Pour ceux qui se poseraient la question au vu de la date de sortie, la Nintendo 64 était en effet sur le marché depuis 2 ans, mais cette console était vendue avec l’argument de la 3D. Venir sur une telle machine avec un jeu orienté 2D aurait été contre-productif.
Les deux premiers opus ont eu droit à un portage sur Game Boy Advance, en août 2004, qui n’est qu’une simple émulation de la version NES. Le CERO, équivalent japonais du PEGI en France, existait déjà depuis 2 ans. Le portage a ainsi eu droit à la notation C, pour 15 ans et plus. Ce sera la première fois que Nintendo obtiendra une telle classification.
Nous voici arrivés au terme de la première partie consacrée aux premiers jeux de la saga. Pour beaucoup d'entre vous, celle-ci est complétement inédite puisque inconnue en Occident jusqu'à l'annonce de son arrivée par les remasters sur Nintendo Switch. Ce sera donc le thème de la seconde partie, qui nous permettra de poursuivre notre enquête en nous focalisant sur les jeux sortis sur Switch. Préparez-vous, le dernier jeu sera d'ailleurs le grand focus afin d'en savoir plus sur sa conception, presque comme si vous y étiez.
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