Dossier
On parle très souvent de la "Nintendo différence"... Mais ce terme peut s’appliquer également aux joueurs éternellement fidèles à Big N. Les Nintendophiles, puisque c’est d’eux dont il s’agit, n’appartiennent ni à une secte, ni à un phénomène de mode éphémère. Ce sont des passionnés amoureux d’un monde lyrique et fabuleux que Nintendo dessine depuis plus de vingt ans. A la tête de cet univers fermé mais généreux et acidulé se dresse Miyamoto San bien évidemment, mais aussi une mêlée de personnages emblématiques au pouvoir de ralliement indestructible. D’où provient cette passion des joueurs pour Nintendo et ses icônes tels que Mario et Link ? Big N cultive-t-il toujours cette Nintendomania ou s’agit-il d’hypocrisie commerciale ? La flamme continuera-t-elle de briller dans quelques années ? L’ensemble de ces questions vont être soulevées dans les lignes qui suivent. Toutefois, les vrais réponses sont enfermées tel un diamant dans le cœur des passionnés de la première heure qui se reconnaîtront sans doute...
Philosophie et irrationalité de Big N : A la genèse d’un univers magique.
Dès que l’on pense à Mario ou Link, on ne peut s’empêcher de sourire et d’imaginer les moments de bonheur que l’on a vécu dans leurs univers respectifs, le temps d’une partie. Nintendo s’est inspiré de la littérature fantastique pour concevoir ses jeux phares : Alice au pays des merveilles pour le plombier moustachu et Le seigneur des anneaux pour Zelda. Shigeru Miyamoto, souvent désigné comme le Peter Pan ou le Spielberg des jeux vidéo, n’a jamais nié avoir puisé des idées dans ces livres hors du commun. Heureusement, les mondes peints par le maître sont tellement fouillés et riches en détails qu’on ne peut parler de plagia. Un tour de force. Le dernier Zelda, The Wind Waker, distille une ambiance qui rappelle le roman l'île aux trésors mais la comparaison reste limitée, une fois de plus.Miyamoto est l’un des premiers vrais concepteurs de jeux, et le cinéma à l'époque n'étant pas ce qu’il est aujourd’hui, seul le support des livres pouvait l’aider à concevoir ses monstres sacrés. Si l’on ne constate aujourd’hui plus vraiment l'émergence de titres phares, n’est-ce point la faute du septième art qui a remplacé lentement mais sûrement la littérature comme bible d’inspiration pour les concepteurs ? La question reste posée, et ne sera pas traitée dans ce dossier.
Toutefois, il faut admettre que le pouvoir onirique et imaginatif des livres est sans pareil et qu’en se plaçant comme la source numéro une des jeux d’anthologie que l’on connaît aujourd’hui, la part de rêve ne pouvait qu'être multipliée par mille. Miyamoto conte une histoire à ses joueurs, les amenant à l’orée d'une bulle colorée, dans une fable manichéenne mais sucrée, épique mais valeureuse où flotte un sentiment de paix et d’immortalité.
Derrière le premier artiste de Nintendo se cache finalement le premier vrai Nintendophile amoureux de son art, le premier passionné de son univers intouchable ou, comme l’aurait dit Nietzsche, "enfermé dans un voile de beauté et d’art", l’homme oublie les embûches de sa vie précaire... Le temps d’une partie.
Des premières aventures de Jumpman aux récentes virées épiques d’un bateau royale, les vies illimitées et l’atmosphère bon enfant rappellent à l'être humain sa nostalgie ancestrale d’un monde meilleur, ailleurs... Et ça, Nintendo l’a bien compris.
La Nintendophilie n’est pas une drogue mais un remède
Quand on parle de passion, l’analogie est vite faite avec l’idée d’obsession. Ceci est vrai mais seulement pour des cas isolés, car les effets négatifs de la passion, dont la dépendance, sont proportionnels à l'équilibre intérieur de chaque individu. Ainsi, plus une personne est fragile, plus est sera susceptible de développer des symptômes comme le renfermement, la négation de la réalité.Comme l'épilepsie, le jeu vidéo n’est pas un vecteur mais un facteur de telles aptitudes qui auraient pu se manifester bien évidemment dans une toute autre passion. L’excès est un choix personnel assumé ou non de joueur, pas une conséquence de l’univers du jeu vidéo. Ainsi, la passion pour l’univers de Nintendo, quand celle-ci reste dans une mesure équilibrée, n’a d’autres vertus que le bonheur et la joie pour celui qui s’y éprend. Quand certains verront en cette nintendophilie une dépendance à un écran de télé (il y en a), d’autres savent qu’il s’agit d’un amour intériorisé pour un univers à la source intarissable de bonheur. Et si le bonheur est la finalité de la vie, comme le précisent les hellénistes, alors les Nintendomaniaques ont tout compris !
Le monde du jeu vidéo est en perpétuelle mutation, mais pourtant la "Nintendo Différence" continue de subsister au sein des joueurs passionnés qui, tels les irréductibles gaulois, sont fiers et chauvins de ne pas avoir succombé à la pratique commerciale et monotone qu’est le jeu vidéo d'aujourd’hui. Etre Nintendophile, c’est faire le choix d'être non pas contre-courant mais de voguer dans une barque différente, c’est partager et vibrer à chaque gorgée d’une source de jouvence inaltérable, c’est revendiquer fièrement l’historique d’une culture singulière mais vertigineuse : celle de Big N. Au-delà de la qualité technique des jeux, c’est l’underground qui fait vibrer les joueurs aficionados et pas l’inverse. La puissance de la machine importe peu.
Super Mario est un des personnages derrière lesquels se rallient les Nintendophiles.
Le message idéaliste de héros perfectibles
Ce qui rend les Link, Mario, Kirby et autres Samus aussi "crédibles" et attachants, c’est paradoxalement la part d’humanité qui brille en chacun d’eux. N’importe quel joueur pourra se reconnaître au moins dans l’un d’eux et ainsi mieux s’identifier à leur héros pour plonger dans l’aventure les yeux grands ouverts. Les personnages de Nintendo, à l’inverse de bon nombre de productions vidéo-ludiques, ne sont pas des super-héros mais plutôt des individus au destin marqué qui utilisent leur volonté et leur sang froid pour parvenir à surmonter les épreuves qui se dressent à eux. Mario, plombier enrobé de son état, est attachant car perfectible. Il en va de même de Link, héros juvénile à la corpulence frêle mais dont le courage est sa plus grande vertu.On peut citer également la fameuse Samus Aran qui doit compter tout instant sur ses réflexes plutôt que sur ses capacités physiques limitées de femme (mais quelle femme tout de même je vous l’accorde !). Tandis que l’industrie du software est de plus en plus envahie de "supermen" aux pouvoirs ravageurs, les figures créées de toute pièce par Miyamoto ont ce petit "quelque chose", cette once de fragilité et finalement d’humanité qui fait qu’on ne peut rester insensible à leur sort. Pikmin, dernier bébé de la star des concepteurs de jeux, montre bien la volonté de Nintendo de ne jamais sombrer dans la surenchère qui un jour ou l’autre perd de sa valeur artistique et humaine. Bien joué.
La naïveté des univers intrinsèques aux Mario et autres Zelda n’est qu’une illusion à double tranchant. Bien ignorant ceux qui pensent que les jeux Nintendo sont sans aucune profondeur philosophique ! Seul ceux qui auront eu la foi ou le plaisir de parcourir les œuvres du créateur de Mario savent de quoi il en est vraiment et connaissent la vérité : car au-delà du courage de ces héros s’inscrit une volonté positive de "respecter son environnement, de toujours croire en la valeur de ses pensées puis de se battre pour la liberté du bien".
Loin dêtre innocente puérile ou bêtement manichéenne, cette subtile philosophie voilée derrière toutes les peintures du maître montre avec subtilité qu’il n’oublie pas de passer des messages vraiment sensibles et personnels à ses fans, qui le lui rendent bien. C’est sans doute cette communication silencieuse, par des clins dœils ou des thèmes empreints de plénitude, qui fait que cette passion appelée Nintendomanie peu plus communément s’inscrire comme un amour partagé pour une vie chimérique ou l’on aurait voulu se réunir dans une prairie au coin du feu à chanter des mélodies pour fêter le monde, ses oiseaux et une paix oubliée…
Le Nintendomaniaque perdura-t-il après Miyamoto ?
La question reste posée dans cette conclusion qui n’en est pas vraiment une puisqu’il n’est que le chaînon d’une étape où le futur n’est pas encore inscrit. Néanmoins, si l’on se permet une brève analogie entre la plus rock-and roll des firmes de jeu et le king de la musique américaine, je veux parler bien évidemment du grand Elvis, on s’aperçoit que la passion perdure même après la retraire forcée ou non du propre instigateur de celle-ci. Tant mieux !La pérennité du Nintendomaniaque est d’ores-et-déjà assurée par la nouvelle progéniture et Miyamoto s’est entouré d’une équipe qui continuera à nous faire rêver, soyons-en sûrs, le jour où celui-ci décidera de quitter l’univers qui nous est cher. Pourtant, il est inutile dêtre dupe : Le jeu vidéo est avant tout un business et ses schémas, techniques ou ludiques, sont fragiles et sans cesse remis en question. La 3D actuelle de nos consoles 128 bits est déjà obsolète pour les programmeurs !
Néanmoins, soyons sur que l’avenir nous réserve de fantastiques surprises car ce que les Nintendophiles veulent, Nintendo leur donne. Ceci est le point clef de la Nintendomanie. Super Smach Bros melee, Mario Paper 2, Mario 128 prochainement... Ce sont les joueurs qui les réclament avant tout. Aussi longtemps qu’existera cette communication, la passion brillera de mille feux. Et le jour ou elle s'éteindra, elle n’emportera pas avec elle ses héros, soyons-en sûrs. Parce que Link échappe au temps, il est immortel et parce qu’il est lœuvre d’un génie l’elfe charismatique ne sombrera jamais dans l’oubli. Le génie, c’est un don qui ne s’explique pas mais qui se consomme, et non pas qui se consume. Etre nintendophile est une chance! Bon jeu.
Cet article vous a intéressé ? Vous souhaitez réagir, engager une discussion ? Ecrivez simplement un commentaire.