Miyamoto : pourquoi Nintendo évite la course à la technologie
Le retard de puissance brute de la Wii U est souvent évoqué par de nombreux développeurs qui peinent à adapter leurs titres par rapport à la PS4 ou la Xbox One. Miyamoto revient sur la philosophie de Nintendo pour concevoir ses consoles.
NewsNous ne présenterons pas ici toute la genèse de ses principaux titres emblématiques, en particulier le célèbre plombier, sa complicité de travail avec Tezuka ou la confirmation que le chien de Nintendogs était bien son chien.
En réponse à la question sur son intérêt pour les casques virtuels, Miyamoto s’est dit très intéressé par le concept, qu’il a testé lui-même sous diverses formes. Mais il se montre prudent sur cette soi-disant révolution en marche car elle n’est pas encore assez accessible pour le commun des joueurs. De plus, même si elle apporte des améliorations sensorielles, elle coupe le joueur de son environnement ; ce n’est pas vraiment la philosophie de Nintendo, qui souhaite développer des produits qui vont être joués avec tout le monde dans le salon.
Il confirme ainsi que rien dans ce domaine ne sera présenté par la marque cette année, et il rappelle ainsi que l’objectif de l’E3 pour Nintendo était de présenter la technologie et les jeux qui seront effectivement commercialisés jusqu’en 2016, soit dans un futur proche, et non établir un catalogue de promesses pour au-delà (ce qui peut expliquer le contraste entre les conférences des autres constructeurs et celle de Big N).
Quelques photos prises en 2014 lors de ses essais des différentes technologies.
Ces éléments étant posés, concentrons-nous sur la partie de la discussion qui s’est portée autour de la Wii U.
NPRAlltech :
"Un des aspects qui étonne avec la marque Nintendo, c’est que vous n’avez jamais essayé de faire une console plus puissante avec de meilleurs graphismes, capable de faire tout ce que la Xbox peut faire. Pouvez-vous nous expliquer un peu pourquoi vous restez sur cette position ?"
Réponse de M. Miyamoto :
"Avec notre dernier système, la Wii U, le niveau de prix atteint au final était plus élevé que ce que nous voulions obtenir au départ. Ce qui a toujours été important pour nous, c’est de trouver un moyen de proposer une nouvelle technologie que nous pourrions utiliser et proposer au public à un tarif accessible pour tout le monde. En conséquence, plutôt que courir après une technologie haut de gamme et ainsi tenter de créer la console la plus puissante, nous voulons essayer de composer une console qui possédera le meilleur équilibre dans ses fonctionnalités avec la meilleure interface que tout le monde pourra utiliser.
Et la raison principale est que nous aimons faire des choses qui soient uniques et différentes des autres entreprises, mais que nous ne voulons pas non plus finir en nous lançant dans une course technologique où l’enjeu serait de trouver comment obtenir les technologies coûteuses des systèmes concurrents au prix le plus bas. Il existe différentes façons d’aborder le problème et parfois nous regardons ce qui peut vraiment faire sens, en offrant un système consommant moins d’énergie ou émettant le moins de nuisance sonore et générant un dégagement de chaleur le plus contenu, ou parfois nous allons nous attacher à la taille du média et à la taille du système, et où il se situera dans le domicile.
Mais vraiment ce qui est plus important pour nous c’est de savoir comment nous créons un système qui est à la fois unique et abordable afin que tout le monde puisse se l’offrir et que tout le monde puisse en profiter."
NPRAlltech :
"Quelle est la chose la plus importante, selon vous, dans la conception d'un jeu réussi ?"
M. Miyamoto :
"Pour nous, la chose la plus importante dans le développement d'un jeu est ce qui fait qu’un jeu est unique, quelque chose que personne d'autre n'a créé et quelque chose que personne d'autre ne peut créer, quelque chose qui fait que c'est uniquement Nintendo."
NPRAlltech :
"Concernant les ventes de la Wii U, la première Wii s’est très bien vendue, la Wii U, pas tellement. Pensez-vous qu’une partie de cet échec incombe au prix du matériel ?"
M. Miyamoto :
"Le prix de la console lui a causé du tort et Nintendo aurait souhaité pouvoir la lancer avec un tarif plus accessible. Pourtant elle est déjà la moins chère des consoles de salon de nouvelle génération. Non, je ne pense pas que cela soit juste une question de tarif, parce que si le système est suffisamment attrayant, les gens vont tout de même l’acheter, même si le prix est un peu élevé. Je pense qu’avec la Wii U, notre difficulté a été que les gens n’ont pas bien compris le concept.
Nous avions un produit vraiment unique, en particulier au niveau du système de jeu, alors qu’en général, les systèmes de jeu prennent un certain temps à démarrer. Nous avons pensé que, avec une fonctionnalité de type tablette connectée au système, vous pourriez avoir la combinaison d’un démarrage rapide des fonctionnalités de type tablette, avec la commodité d’avoir ce contrôle tactile avec vous depuis un canapé pendant que vous jouez sur un appareil qui est connecté au téléviseur, et que l’ensemble formerait un système tout à fait unique pouvant introduire certains styles de jeu uniques."
"Malheureusement, si au moment de sa conception, le fait de pouvoir jouer sur une tablette était relativement inédit, fin 2012 au moment du lancement de la console, le marché avait évolué très rapidement et cette pratique était déjà entrée dans les mœurs. Les clients n'ont donc peut-être pas saisi la valeur ajoutée du produit, du moins pas autant nous la voyions lorsque nous avions commencé à développer le système. Au sein de Nintendo, nous sommes constamment en train d’essayer de faire des choses uniques et différentes. Parfois, cela fonctionne bien et parfois ce n’est pas le succès auquel nous aurions souhaité espérer. Après la Wii U, nous espérons que la prochaine fois ce sera un très grand succès. (NLDR : Miyamoto évite d’évoquer que pour certains, le nom Wii U pouvait sonner comme celui d'un accessoire de la Wii, plutôt que comme celui d'une nouvelle machine à part entière)."
Si l’on traduit la problématique de Nintendo à la lumière des éclairages apportés par M. Miyamoto et des choix constants de la marque, tout le défi pour le constructeur sera donc de parvenir à créer une console qui saura se détacher suffisamment des deux concurrentes que sont la Xbox One et la PlayStation 4, aux technologies proches, tout en parvenant à créer quelque chose que le public saura comprendre et apprécier. Un gameplay unique, attractif pour le public, et en même temps suffisamment attirant pour les éditeurs afin de leur donner envie de dégager des enveloppes budgétaires de développement de titres.
Or c’est actuellement ce qui coince : les particularités actuelles de la Wii U, même si elles sont intéressantes notamment dans ce double écran, demandent une adaptation au final assez coûteuses en termes de temps de développement, et donc de budget, pour des studios qui traquent actuellement les dépenses inutiles quand il n’y a pas un minimum d’assurance de retour en gains financiers rapides. Au regard des moyens financiers mobilisés pour la réalisation des titres AAA vendeurs, le particularisme du GamePad est en fin de compte un point faible dans la balance décisionnelle des éditeurs, aggravé par un kit de développement qui reste encore aujourd’hui pas totalement achevé au niveau du moteur Unity et une puissance brute en retrait face à la concurrence (et l’impact de ce double écran dans les performances générales s’additionne).
Nintendo, elle-même, a failli dans la gestion de ce gameplay atypique, tardant à mettre en place dans ses propres jeux l’apport de gameplay et de sensations différentes apportés par ce type de périphérique. L’exemple d’Ubisoft étant flagrant, avec ZombiU, rare jeu ayant fait l’effort dès le départ d’utiliser intelligemment ces possibilités novatrices de gameplay, et ce malgré un kit de développement de départ particulièrement faillible. Aujourd’hui, il semble qu’Ubisoft tente de capitaliser sur les ressources avancées pour le développement de ce jeu en le portant sur Xbox One (et ensuite PS4), alors que c’était un produit qui devait être exclusif.
Au regard des coûts, l’exclusivité des jeux sur une plateforme paraît aujourd’hui difficile à maintenir, sauf si le parc de machines installées est effectivement important (ce qui n’est pas le cas de la Wii U) ou si le constructeur sort son carnet de chèques pour donner une somme qui amortira largement tous les coûts de développement.
Miyamoto croit toujours au concept de la Wii U, au potentiel du jeu asymétrique et à l’apport des fonctionnalités tablette. Il revient à la fin de son interview sur les deux jeux particulièrement mis en avant durant l’E3, car accessibles à toutes les classes d’âge (et notamment sans classification restrictive comme ce serait le cas pour Devil’s Third ou Project Zero), à savoir Super Mario Maker et Star Fox Zero.
Avec Super Mario Maker, vous allez être en mesure de concevoir des niveaux sur l'écran tactile tenu dans votre main tout en regardant le résultat sur le grand écran. Avec des jeux comme Star Fox Zero où le grand écran vous propose une expérience de jeu très cinématographique, en tenant le gamepad et son écran spécifique dans vos mains vous allez être en mesure de jouer simultanément à un jeu vidéo couplé avec l'excitation de ces scènes cinématiques qui se passent sur le téléviseur. Je pense que cela va donner aux gens beaucoup de plaisir, et j’espère que les gens vont être impatients de jouer à ces jeux sur Wii U à l'automne.
Cet article vous a intéressé ? Vous souhaitez réagir, engager une discussion ? Ecrivez simplement un commentaire.
En gros va falloir attendre le prochain E3 pour savoir ce qu'ils nous réservent pour 2016 :/
Comme quoi, l'argument "nous chez Nintendo, on ne fait pas la course à la technologie" n'a pas été toujours vrai. Bien au contraire, quand Nintendo faisait le pari de la puissance, leurs consoles étaient soutenues par les autres éditeurs et se vendaient.
Il suffit de replacer la NES dans son contexte historique pour se rendre compte de sa puissance à l'époque. Mieux encore, la Super Nintendo avec son Mode 7 était tout simplement une claque graphique face à la concurrence. Et on peut ajouter la puce Super FX de Starfox qui révolutionnait la 3D sur console. Ou bien encore les graphismes de Donkey Kong Country, réalisés sur des stations graphiques sur-puissantes.
Et le déclin de Nintendo a débuté avec la N64 qui commençait à perdre du terrain technologique sur la concurrence.
Sincèrement, j'ai été un grand fan de Nintendo pendant les décennies 80-90. Mais aujourd'hui, il faut avouer que la concurrence est bien plus attirante. Même si Nintendo sait faire des jeux uniques, il ne faut pas se voiler la face : on peut très bien se passer d'un Mario ou d'un Zelda quand on connait ses franchises depuis plusieurs années. Car aussi bons qu'ils soient, ses jeux ne révolutionnent plus vraiment le jeux vidéo. Et comment se dire gamer, et passer à côté de jeux tellement bons comme GTA5, Forza, Assassin's Creed Unity, Bloodborne... Et que dire des très prometteurs Street Fighter 5, Rise of the Tomb Raider, Metal Gear Solid V, Doom... qui arrivent?
Franchement, j'aime jouer, mais je n'ai plus autant de temps qu'étant adolescent, alors je n'achète qu'une console. Et hélas pour eux, ce n'est plus sur une Nintendo que je m'amuse...
C'est faux, la N64 et la NGC étaient compétitives (la 64 était d'ailleurs vendue comme la console de cinquième génération la plus puissante), les raisons de la fuite des tiers à cette époque ne s'explique pas principalement par cela.
Le vrai gap technologique se situe à la sortie de la Wii. D'ailleurs, il faut noter que les deux précédentes consoles ont globalement accueilli plus de portages multi (PS-N64 et PS2-XB-NGC) que les Wii et Wii U.
Pour le reste, comme tu le dis, c'est sûr que la génération précédente se jouait principalement sur PS3 et X360.
Du coup flemme de lire le reste.
Par contre il est intéressant de lire les commentaires de Miyamoto sur la réalité virtuelle.On voit bien une fois de plus que le mec est à la masse et que Nintendo sur ce terrain là sera une fois de plus à la bourre, un peu à l'image d'internet qui était le mal sur les consoles.
Qu'est-ce qu'il dit ? C'est la phrase sur la philosophie de Nintendo (qui n'est pas de couper le joueur de son environnement mais de le faire jouer ensemble dans le salon) ? Il doit oublier que les produits les plus vendus de Nintendo sont des consoles portables...
Moi ce qui m'a fait tilter dans cet article, c'est plutôt ce paragraphe :
Quel rapport entre Unity et un jeu AAA ?
"Nous avons constaté que les éditeurs tiers ne sont plus aussi présent sur votre console depuis qu'elles ne sont plus de paire avec les consoles concurrentes d'un point de vue technologique. Les développeurs se plaignent notamment du fait qu'ils seraient dans l'obligation de développer une version spécifiques pour Nintendo ce qui d'un point de vue financier est impossible à tenir. Comprenez vous cela ? Dans ce cas pourquoi ne pas répondre aux besoins des éditeurs tiers qui délaissent de plus en plus les machines de salon Nintendo pour se concentrer sur les consoles concurrentes et les PC ?"
Et la question du coût de la console franchement... Quand tu vois qu'une PS4 à 400 € se vend comme des petits pains, tu vois bien que les joueurs peuvent se permettre de dépenser une telle somme. Vendre une console moins de 300 € dès son lancement c'est cool mais pour cela des restrictions technologiques sont obligatoires et du coup les tiers ne seront plus présent car une version trop spécifique aux consoles de salon sera indispensable.
Ce qui reviendrait à mettre le nez de Miyamoto/Nintendo dans sa propre merde, Miyamoto botterait en touche comme tu peux t'en douter
Oui et encore, ça serait intéressant de voir ce qui coûte le plus cher dans la Wii U. Outre le fait que Nintendo cherche à rentabiliser chaque Wii U vendu, le Gamepad doit représenter facilement la moitié du prix de la console à lui tout seul.
J'espère vraiment que Nintendo va tourner la page avec cette "parenthèse Wii/Wii U" (j'en ai vraiment raz le bol personnellement). Cette stratégie entièrement axée sur le périphérique au détriment du reste n'intéresse plus personne (y compris les casuals). Les joueurs se contentent généralement d'un bon pad, ce sont les jeux et rien que les jeux qui les intéressent. Pourvu que Nintendo ait compris le message pour la prochaine génération.
J'ai du mal à imaginer en quoi. Quand tu vois que des constructeurs chinois parviennent à vendre des tablettes Android ou Windows bas de gamme à moins de 100€, AVEC leur marge, et que tu compares le matos embarqué... le gamepad ne doit vraiment pas coûter si cher. En fait il n'intègre presque rien !
Surtout qu'une tablette intègre tout un tas de composants plutôt chers (écran capacitif de bonne résolution, CPU solide...) que le gamepad n'a pas (écran résistif de piètre qualité, simple puce de décodage vidéo).
Edit : ça vaut ce que ça vaut
Le problème de cette analyse, c'est qu'elle ne fait pas mention du GPU. Ou alors, ils l'intègrent peut-être dans le prix du processeur ou dans "other components"...