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Starfox 10 jeux liés Apparue en 1993
Dossier Starfox

Dans les coulisses de Star Fox : de 1990 à 2002 (1e partie)

Après un dossier sur les coulisses de la création de la licence Pikmin, nous allons cette fois-ci étudier celle de la Star Fox ! Et vous allez découvrir le long fleuve pas si tranquille d'une franchise pas tout à fait comme les autres !

Dossier
Au fil de différents articles, nous avons commencé à étudier ensemble ce que l’on pourrait appeler la « recette Nintendo » de l’innovation. Dans un premier article, j’ai évoqué les tentatives d’innovation que Nintendo réalise chaque année, rencontrant parfois du succès, parfois pas. Nous avons vu comment était ainsi née la licence Pikmin et nous nous sommes aussi penchés sur l’une des grandes personnalités de Nintendo connue pour son goût de l’innovation : Gunpei Yokoi. Nous allons à nouveau étudier la naissance d’une licence et comprendre d’un peu plus près comment les jeux Nintendo viennent porter un concept et/ou une innovation technologique.

Pour aborder la genèse de la série Star Fox, nous allons dans un premier temps nous intéresser à deux personnes, qui ne sont pas du tout de Nintendo : un développeur nommé Dylan Cuthbert et son patron Jez San. Au fil de la lecture, nous suivrons tout de même un fil rouge chez Nintendo, un designer du nom de Takaya Imamura. J’espère que ce voyage ensemble sera pour vous l’occasion d’apprendre des choses. Peut-être vous demanderez-vous, comme moi à la fin, pourquoi Fox McCloud est un renard et non un phoenix...

Tout a commencé par une démo innocente...

Nous sommes à la fin des années 1980. La NES a déjà fait ses premières armes au Japon mais peine à s’implanter au Royaume-Uni, alors que le reste du monde est en train de la croquer à pleines dents. Une entreprise anglaise, Argonaut Games, par le biais de son fondateur Jez San, décide pourtant de s’intéresser à cette console. Ses équipes parviennent alors à réaliser des modèles 3D d’objets animés en temps réel. Ces modèles sont assez basiques et en fil de fer. Dans la foulée, Jez San parvient à obtenir une Game Boy qui vient de sortir au Japon, mais pas encore dans le reste du monde. Il suggère à Dylan Cuthbert, qui est développeur chez Argonaut Games depuis 4 ou 5 mois d’essayer de faire un peu de 3D dessus. Ce que Jez a donné à Dylan n’est pas un kit de développement, mais une console du marché. Dylan parvient dans un premier temps à connecter une cartouche de jeu (un Tetris ou Mario du commerce) insérée dans la console et connectée à son ordi en même temps. Il fixe alors une camera orientée sur l’écran de la Game Boy, l’image est ainsi retransmise sur une télé et Dylan peut y jouer sans avoir à baisser la tête. Il parvient ainsi à développer sur la Game Boy une petite démo nommée Eclipse, proposant un rendu 3D dans différents modes de jeux assez poussés.

Comme c’est souvent le cas à l’époque, le studio de développement envoie une cartouche de jeu intégrant sa démo à différents éditeurs afin d’en trouver un qui souhaiterait éditer le projet. Assez rapidement, l’un d’entre eux répond favorablement : Mindscape. Un contrat fut signé entre les deux parties.

Cependant, après un ou deux mois de travail avec Mindscape, voilà qu’Argonaut Games est conviée par Nintendo au Japon ! Sur ce détail, les sources divergent. Certaines disent que Nintendo of America aurait aperçu leur démo lors du Consumer Electronics Show (CES) de juillet 1990 à Las Vegas. Il faut le rappeler, la Game Boy est censée être une console 2D, et cette présentation en 3D aurait donc fait office d’exploit. Une autre version de l’histoire est qu’Argonaut aurait simplement envoyé à Nintendo une démo, en même temps qu’à Mindscape, pour éditer le jeu. Dans tous les cas, une rencontre au Japon avec Nintendo est rapidement organisée. Dylan et Jez feront le voyage de l’Angleterre jusqu’au Japon où ils seront accueillis par Nintendo dans une salle de réunion, en présence d’une trentaine de salariés, dont Shigeru Miyamoto et Hiroshi Yamauchi.

Imaginez le moment de stress pour les deux hommes. Ils ne sont pas peu fiers de leur création, mais Dylan, qui n’a que 18 ans à ce moment-là, se doit de faire une démonstration devant tout ce petit monde portant le même uniforme. Ça en jette et le jeune homme est alors nerveux. D’ailleurs, dès le début, il se produit un « incident » que les deux hommes avaient oublié : ils sont venus avec tout leur matériel dont leur Game Boy modifiée. Or, quand on allume une Game Boy, le logo de Nintendo apparaît. Cependant, les développeurs d’Argonaut Games avaient joué aux petits malins et s’étaient amusés à remplacer le logo de Nintendo par celui d’Argonaut. Imaginez donc la réaction dans la salle quand tout le monde découvre le « piratage » réalisé ! Jez et Dylan expliquent qu’ils ont réussi cette petite prouesse et qu’ils comptent bien détailler à Nintendo comment ils y sont parvenus et proposeront une mesure afin de mieux protéger la console. Avec Jez, ils parviennent tout de même à présenter Eclipse ainsi qu’une autre démo, sur NES, nommée NesGlider.
Dylan à ses 18 ans

Assez impressionnés, les salariés de Nintendo présents dans la salle vont alors leur présenter en retour, un prototype de la Super Nintendo, qui devra sortir 4 mois plus tard, en novembre 1990. En plus du prototype, quelques versions avancées ou finalisées de jeux prévus leur sont présentées : Super Mario World, Pilotwings et F-Zero. Jez San en garde un très bon souvenir car il a pu repartir de la réunion avec ce prototype et Super Mario World, ce qui fait de lui le premier à avoir pu finir ce jeu.
Prototype de Super NES

Nintendo, très impressionné par Eclipse, décide d’en acheter les droits et aurait négocié avec Mindscape. L’entreprise japonaise passe même un contrat pour qu’Argonaut Games finalise la démo pour en faire un jeu complet. Le deal avec Nintendo va même plus loin que cela : le studio anglais devra participer au développement de 3 jeux avec Nintendo. De plus, un échange de connaissances sera mis en place : Argonaut devra donner des cours à Nintendo pour apprendre à créer un jeu 3D ; et en retour, Nintendo apprendra à Argonaut comment concevoir des personnages et une histoire. Une entreprise partage de la connaissance technique, l’autre l’aspect créatif.

Petite anecdote, Dylan a beaucoup aimé son séjour à Kyoto, que ce soit par la nourriture ou le climat (la saison des pluies venait de se terminer)… Dès son retour à l’aéroport, il achètera un livre pour apprendre le japonais. Lors de son second passage au Japon, il savait écrire en hiragana. Lui et Miyamoto ont passé beaucoup de temps à s’apprendre mutuellement le japonais et l’anglais. Ce dernier se donnait beaucoup de mal pour faire des blagues très ridicules en anglais.
Une équipe d’Argonaut Games se voit alors invitée à travailler au Japon, en compagnie d’une des équipes de Recherche et développement (R&D) de Nintendo. Selon les sources, l’histoire diverge là encore. J’ai trouvé des informations disant que l’équipe avec laquelle ils ont travaillé était soit R&D1, R&D3, ou R&D4. En réalité, il semble que cela dépend du moment où on se place dans le temps. En s’intéressant au jeu final, qui sera renommé X, on découvre dans les crédits le nom de Gunpei Yokoi (de R&D1), en tant que producteur, Dylan Cuthbert mais aussi Yoshio Sakamoto sont nommés en tant que réalisateurs. Ce dernier est co-créateur de Metroid (sorti en 1986) et il fait lui aussi partie de l’équipe R&D1. On peut donc penser que l’équipe d’Argonaut a collaboré au début avec R&D1. Cela ferait sens car cette équipe a créé la Game Boy et la démo a dû convaincre Nintendo d’associer ces deux équipes. Hasard des choses, pendant la rédaction de cet article, Cuthbert a confirmé avoir travaillé à l’époque avec Sakamoto. D’ailleurs, le jeu X est assez impressionnant à voir lorsqu’on sait que la console a été pensée pour n’être qu’une console 2D. Finalement, comme le projet était au final assez loin de ce pour quoi la console avait été prévue, et tout aussi loin du public visé, X sortira exclusivement au Japon en mai 1992.

Démo du jeu "X" sur Game Boy

Et Star Fox dans tout ça ?

Une question de puissance ?

On y vient ! Pendant le développement de X, un bouche-à-oreille se forme au sujet d’un « jeu 3D sur Game Boy » alors que ni la NES, ni la Super NES n’en font autant malgré qu’elles soient plus puissantes. Alors que X n’est pas encore finalisé, Nintendo demande à Argonaut de travailler sur un jeu similaire pour la Super NES. En une semaine, l’équipe porte la démo NesGlider sur Super NES et s’appelle désormais SnesGlider. Cette démo technique pousse la console à ses limites et pendant la présentation, Jez San lâche une petite phrase, presque anodine du style : « Le seul moyen de faire mieux serait de pouvoir développer une puce capable de donner à la console de vraies capacités 3D ». Hiroshi Yamauchi, le patron de Nintendo le prend aux mots. C’est une idée lumineuse que Jez venait d’émettre car personne dans le monde du jeu vidéo n’utilisait encore de processeur dédié à la 3D. Il propose alors une enveloppe d’un million de dollars pour financer les recherches permettant de mettre cette puce au point.

En réalité, Jez n’avait pas lâché cette remarque par hasard. Il voulait lancer ce projet mais n’était pas sûr de pouvoir convaincre Nintendo. Il ne s’attendait pas à ce que l’entreprise saute dans cette aventure à pieds joints. De même, d’après les propos de Miyamoto, lui et la R&D3 avaient déjà tenté de faire de la 3D sur Super NES sans réellement y parvenir. Le mieux qu’ils aient pu faire à l’époque était de faire pivoter un avion sur lui-même.
Jez San a un peu… survendu la possibilité de faire cette puce. Il a évoqué avec Hiroshi Yamauchi la possibilité de permettre à la console de faire des calculs 10 fois plus rapidement. Seulement, Jez San n’y connaît pas grand-chose sur la faisabilité technique. Comme Argonaut ne fait pas de matériel, le studio n’est pas en mesure de mettre au point cette puce. Ils vont donc engager des spécialistes pour ce besoin.

Il s’est alors passé une chose rare : le matériel a été conçu pour les besoins d’un logiciel. C’est comme si on avait développé un jeu très gourmand, qui tourne bien sur un PC avec une très bonne configuration, puis qu’on dise : développons une console capable de le faire tourner sans la moindre concession. Dans le monde actuel, nous avons un matériel, par exemple la Switch, et on procède à des optimisations et downgrades pour permettre à un jeu de tourner sur la console (ex : The Witcher 3, ou Hogwarts Legacy).

L’équipe de spécialistes engagés par Argonaut travaille en relation avec R&D2, qui a conçu les consoles NES et Super NES. Cependant, la documentation à la disposition des ingénieurs se révèle imprécise ou incomplète. L’équipe en charge de la conception du futur processeur a donc besoin de procéder à de la rétro-ingénierie de la Super NES pour en connaître tous les détails. Les travaux vont finir par aboutir et donner naissance à une puce nommée « MARIO Chip ». MARIO signifiant en réalité : Mathematical, Argonaut, Rotation and Input/Output. Jez San est alors revenu voir Nintendo avec la version finale du prototype de cette puce : 200 fois plus rapide au lieu des 10 fois évoqués. C’était complètement inattendu. D’ailleurs, au sujet de cette puce, une blague de développeurs à l’époque était de dire que la console ne servait que d’alimentation à la cartouche, car la puce faisait tous les calculs. De plus, la puce possédait des fonctionnalités inédites, comme la rotation ou le redimensionnement des sprites. Nintendo envisageait un jeu Yoshi autour de ces transformations graphiques. La puce les leur donnait sur un plateau d’argent. Yoshi’s Island a complètement été construit autour de cela.

D’abord est venu le gameplay...

Comme le prototype de la puce a été finalisé en même temps que le développement de X, l’équipe de développeurs va pouvoir transformer SNES Glider, qui n’est qu’une démo technique, en un jeu. Elle va donc présenter assez rapidement une nouvelle version du projet à Miyamoto, qui a le rôle de producteur, car il travaille à ce moment-là sur Pilotwings et F-Zero, afin de lui montrer la direction que prend le projet. On est donc encore à un stade de démo. Si Miyamoto (de R&D3) est impressionné par l’aspect technique, le projet de jeu ne l’emballe pas ! Il faut dire que la démo présentée vend le projet comme une simulation offrant une liberté de mouvement dans l’espace, où se côtoient plusieurs vaisseaux spatiaux. Exagérons un peu : le projet est un (tout petit) open world spatial où il n’y a rien à faire à part se promener. Ni une ni deux, le producteur décide de reprendre le projet en main et de le superviser de plus près.

L’équipe d’Argonaut va donc travailler en étroite collaboration avec l’équipe de R&D3 pour en faire « un vrai jeu » en 7 mois. Le jeu est grandement repensé. Dans un premier temps, l’aspect « mouvement libre » est réduit. Le vaisseau commandé se déplace dans un couloir invisible dans lequel des éléments à détruire surgissent. Il y a eu des essais pour être sur la terre ferme et piloter un char au lieu d’un engin volant, mais les chars ne se déplaçaient pas comme voulu et l’équipe est revenue sur l’idée de vaisseau.

Puis vint l’inspiration...

Petit à petit, le jeu commence à prendre forme, mais il n’y a aucun scénario... On se retrouve juste à dégommer le maximum d’éléments pouvant apparaître à l’écran sans savoir ni pour qui ni pourquoi ! Miyamoto désire s’inspirer de Star Wars, succès de l’époque, mais il ne souhaite au final retenir que le mot « Star » qu’il attribue à plusieurs éléments sans les lier à des concepts précis. Il va alors noter toutes les idées de noms qui lui passent par la tête : Star Wing, Star Gunner, Star Wolf, Star Fox, Star Hawk, Stardian, Star Sheep…

Ci dessus, vous pouvez constater des brouillons de Miyamoto. On constate que le bonhomme a écrit plein d'idées, et gribouillé quelques dessins, mais hélas, aucun déclic n’opère et il ignore ce à quoi son héros va ressembler. Surtout qu’il veut « faire du différent ». Il souhaite éviter tous les clichés dans lesquels les jeux vidéos foncent tête baissée. Il ne veut pas d’humains, pas de monstres, ni de robots ou de super héros. Il insiste là-dessus auprès de l’équipe. La légende raconte que plusieurs idées lui sont venues lors d’une de ses pauses au temple Fushimi Inari-taisha, qui est à 15 minutes à pied du siège de l’époque (désormais transformé en musée, dans l’arrondissement d’Higashiyama-ku, à Kyoto). Sa première idée vient du Senbon Torii : un chemin formé par 10 000 toriis ! Cela lui inspire des portes à franchir.
La seconde idée vient de la déesse du temple : Inari. Celle-ci a un messager, un renard (kitsune) qui est l’emblème du temple. C’est en regardant une statue de ce messager que la magie a opéré ! De plus, une équipe de base-ball locale s’appelait les « Inari Foxes » (Les Renards d’Inari) comme pour insister sur l’idée du renard. Miyamoto imagine alors un renard volant à travers les toriis. Ça fait tilt ! L’univers sera composé d’animaux anthropomorphes : le joueur contrôlera un renard qui sera le leader d’un escadron. Le nom de cette unité d’élite : Star Fox. Tout cela était déjà écrit dans les notes de Miyamoto, mais il ne l’avait pas pensé ainsi ! Une troisième idée lui vint alors, en pensant à une expression japonaise. En français, nous avons l’expression « s’entendre comme chien et chat ». L’équivalent japonais dit plutôt « Se battre comme chiens et singes ». Voilà les deux camps. Une armée, dirigée par des chiens, et composée d’autres animaux, affronte l’armée des singes. L’aventure, et plus particulièrement l’univers Star Fox, commence à prendre forme !

Et le design !

Le travail du design des personnages va alors être confié au designer nommé Takaya Imamura. Ce dernier a déjà opéré sur le jeu F-Zero. Pour dessiner les personnages de Star Fox, il s’est inspiré des contes traditionnels japonais. C’est cela qui l’a motivé pour le lièvre et le faisan (oui, beaucoup pensent à un lapin et un faucon, mais les animaux sont « qualifiés » ainsi par Iwata dans un Iwata Demande). Voici ci-dessous les premiers croquis réalisés par Imamura.
Mais en réalité, les personnages principaux représentent plus ou moins les membres japonais de l’équipe Nintendo. Ainsi, Miyamoto est associé au renard, le lièvre est pour le directeur du projet Katsuya Eguchi (à qui on devra les licences Animal Crossing, Wii Sports et Splatoon) et le faisan pour le modélisateur Tsuyoshi Watanabe. Mais d’où vient le crapaud ? Pour l’anecdote, un membre de l’équipe avait pour mascotte un crapaud et écrivait souvent « Croa, croa » sur ses notes. Alors Miyamoto s’est exclamé «Un crapaud, ça peut être pas mal, aussi. ». Ce membre serait l’assistant-réalisateur Yoichi Yamada (un homme impliqué dans la quasi-totalité des Zelda). Pour les noms de personnages, nous devons Fox McCloud, Slippy Toad et Peppy Hare à Dylan Cuthbert. Le nom de Falco Lombardi a quant à lui été trouvé par Takaya Imamura.
De gauche à droite : Imamura, Watanabe, Eguchi, Miyamoto, Yamada, Kondo et Hirasawa.

Les voix des personnages sont en réalité des voix transformées des membres de l’équipe. Il y aura aussi la voix de Daniel Owsen, un traducteur pour le marché américain. Pour leur design, Miyamoto s’inspirera de la série des… Thunderbirds dont il était fan (vous comprenez désormais un certain délire lors d'un E3). Il conçoit des poupées ayant des apparences d’animaux. Celles-ci figureront sur la jaquette du jeu. C’est d’ailleurs l’idée de marionnettes qui motivera l’équipe à avoir une animation des bouches des personnages qui s’ouvrent et se ferment brusquement en coupant l’animation naturelle.

Et le tout prend forme...

C’est ainsi que Star Fox a vu le jour, un jeu du genre shoot them up, se déroulant dans le système solaire appelé Lylat. L’histoire narre la bataille de l’escadron Star Fox, constitué d’animaux anthropomorphiques, qui s’efforcent de défendre Lylat, et plus particulièrement la planète Corneria, contre le docteur Andross. Celui-ci avait été banni en raison de ses expériences dangereuses et a ourdi sa vengeance en rassemblant une armée, se proclamant lui-même Empereur Andross. Voici le pitch du jeu, tel qu'il était présenté à l'époque dans le manuel utilisateur (seulement en anglais, à l'époque) :
Au fil du temps, le projet devient techniquement de plus en plus gros et cela amène des contraintes techniques. Le code source du jeu devient de plus en plus volumineux au point où il devient compliqué et trop long/lent de compiler le jeu (ndr : action consistant à convertir le code source en version exécutable). À 4 mois de la fin du projet, c’est la goutte d’eau et l’équipe réalise ses propres outils de compilation, ce qui leur facilitera grandement le travail par la suite.

Une fois que le projet arrive à son terme, il faut penser à sa commercialisation et mettre en avant les capacités 3D de ce jeu en évoquant par ailleurs sa fameuse puce… Une puce MARIO pour un jeu nommé Star Fox, n’est-ce pas un peu contradictoire ? Nintendo décide donc de renommer la puce. Elle s’appellera Super FX et le jeu sera présenté en grande pompe au CES de janvier 1993 avec un spectacle son et lumière utilisant des lasers, parce que ça fait très spatial et qui va faire sensation ! Imaginez donc : c’est le premier jeu vidéo, pour une console de salon, à proposer de la 3D. D'ailleurs nous allons profiter du média sur lequel nous sommes pour vous proposer de voir l'une des premières publicités diffusées en France pour jeu vidéo :


Étrange non qu'on mette en avant la fameuse puce et moins le jeu. Mais la communication fonctionne : les précommandes explosent et Nintendo est quelque peu débordé. Le jeu va battre le record du monde du nombre d’unités vendues en un week-end : un million d’exemplaires. Ça n’est pas étonnant quand on sait que le volume total des précommandes dépassait les 1,7 millions. Certaines sources affirment, mais je n’en ai pas trouvé la preuve, que Nintendo aurait livré des copies jusqu’à la dernière minute en livrant même par parachute ! Voici la version longue de la publicité dont le dernier plan a du donner quelques frayeurs à certains enfants à l'époque :


Pour la promotion du jeu aux États-Unis, il s’est déroulé du 30 avril au 2 mai 1993 le « Super Star Fox Weekend », une compétition pour laquelle des versions spéciales de cartouche du jeu ont été produites. Ces cartouches permettaient de jouer précisément 4 (ou 5) minutes pour tenter d’avoir le meilleur score. Les gagnants pouvaient obtenir des pins, des vestes, plein de goodies mais aussi des voyages vers quatre destinations au choix. Les cartouches de jeu spéciales seront vendues plus tard par le magazine ayant organisé cette promotion : Nintendo Power.

Un renard au poignet

Au lancement du jeu, une collaboration a été établie avec Kellogg’s pour offrir aux consommateurs une montre LCD avec un mini-jeu Star Fox. Certains la voient comme une sorte de mini Game and Watch, fidèle à la vision originale de Gunpei Yokoi. Cette initiative a connu un tel succès que Nelsonic, le fabricant de la montre, a décidé de la commercialiser !

Au final, près de 4 millions d’exemplaires du jeu seront vendus dans le monde. Son succès en Europe poussera même Nintendo à y ouvrir sa branche européenne qui deviendra l’actuelle Nintendo of Europe.

Mais justement, en Europe, nous n’avons pas connu le jeu sous le nom de Star Fox, mais Star Wing en raison d’un problème de marque déposée : Star Vox. Or en allemand, la lettre V fait le son du F… Pour cette raison, Nintendo a dû changer le nom lors de la localisation européenne. Pour la même raison, Star Fox 64 est devenu Lylat Wars dans nos contrées. Cela a pu nuire à faire la renommée de la licence Star Fox en Europe, puisque ce nom ne pouvait pas être utilisé tel quel.

Star Fox en comics

Le magazine américain Nintendo Power, publié par Nintendo of America, a publié un comics inspiré de Star Fox sur onze de ses numéros. Celui-ci a pris quelques libertés en imaginant de nouveaux personnages, comme Fara Phoenix, un fennec femelle, et permettait d’introduire une romance entre elle et Fox.
Avant de clôturer notre partie sur Star Fox premier du nom, nous allons finaliser notre partie d’aventure avec Jez San. En 2000, celui-ci a fait entrer Argonaut Games en bourse sur le London Stock Exchange. En 2002, il obtient l’Ordre de l’Empire britannique (OBE) pour les services rendus à l’industrie du jeu vidéo. C’était la première fois que ce titre était explicitement attribué pour le domaine du jeu vidéo.

Pour rappel, le deal avec Nintendo prévoyait de faire trois jeux. Star Fox fut le premier. Le deuxième est un jeu de course nommé Stunt Race FX. Enfin, le troisième est le prochain que nous allons aborder. Quand un jeu a rencontré du succès, il se pose une question inévitable : peut-on faire une suite ? Cela nous amène logiquement à Star Fox 2.

Star Fox 2 ? Vous avez bien dit 2 ?

Hé oui, vous le savez peut-être déjà, mais Star Fox 2 fut officiellement annoncé, mais n’est finalement jamais sorti sur Super NES. Oui, je précise bien : sur Super NES. Nous allons voir ensemble ce que ce jeu « aurait dû » contenir et la raison de son annulation.

Peu de temps après la sortie de Star Fox, l’équipe s’est lancée dans la conception d’une suite. Elle voulait pousser les choses plus loin qu’elles ne l’avaient été dans le premier jeu. Pour cette raison, un nouveau processeur a été réalisé : le Super FX 2. Ce dernier disposait de 2 fois plus de mémoire et permettait d’accélérer le traitement des données. Cela a offert plus de possibilités à l’équipe qui a essayé un certain nombre de choses, comme le jeu stratégique. Le scénario de Star Fox 2 contenait diverses phases, comme de la course, des robots qui se transformaient et couraient. Et les deux petites cerises sur le gâteau : un mode de combat ciblé dans lequel on pouvait voler à 360 degrés, et un mode multijoueur.

Comme son nom l’indique, Star Fox 2 était une suite directe du premier jeu. Alors que l’univers croit Andross vaincu, celui-ci revient de plus belle. L’équipe Star Fox devait alors avoir deux nouvelles recrues : Miyu, un lynx et Fay, un chien, mais à l’origine, il devait y avoir les personnages de Fara Phoenix et Saru, tirés du comics. De nouveaux ennemis devaient apparaître dont l’équipe Star Wolf dirigée par Wolf O’Donnel. Ce dernier est présent dans les dernières versions de Super Smash Bros.

La raison de l’annulation de Star Fox 2 est en fait multiple. D’abord, avec la présence de la puce Super FX 2, le prix de la cartouche augmentait encore un peu (Yoshi’s Island sera d’ailleurs le premier jeu à profiter de cette nouvelle puce, en lieu et place de la première). Ensuite, la sortie de la Nintendo 64 était très proche et le jeu allait d’une part subir de la comparaison entre ses graphismes et ceux d’un jeu de la nouvelle console, mais d’autre part venir amoindrir le gap de puissance entre les deux consoles en démontrant que la SNES pouvait déjà faire « ça » (alors que c’est la puce qui fait tout le travail). Pour ces raisons, le jeu a été annulé alors que Nintendo l’avait officialisé en divulguant des captures et même une démo. Le projet était en phrase de débogage et donc quasiment finalisé à 99 %.

L’aventure s’arrêtera là pour Dylan Cuthbert parce qu’il rejoint Sony aux États-Unis mais, promis, on reparlera de lui plus tard. Petite précision, Miyamoto aurait souhaité embaucher Dylan chez Nintendo, cependant un autre développeur (Giles Goddard) avait réalisé cette opération quelques mois plus tôt et Argonaut s’était empressé de faire signer à Nintendo un accord de non-débauchage. Il était donc impossible pour Dylan de rejoindre Nintendo. Miyamoto lui a alors proposé de rentrer chez HAL Laboratory (Satoru Iwata, Masahiro Sakurai, Smash Bros, Kirby, Mother...), mais ceux-ci étaient à Tokyo et Dylan souhaitait rester à Kyoto.

Un Star Fox virtuel ?

Pendant le développement de Star Fox 2, une démonstration d’un jeu Star Fox a été réalisée au CES Show de 1995. Celui-ci avait la particularité d’être destiné au… Virtual Boy ! Aucune information particulière n’a été communiquée pour ce jeu. On suppose que c’était un portage du premier Star Fox pour le Virtual Boy et ce statut n’a jamais été ni démenti ni précisé par Nintendo.

Après Star Fox 2, on passe la 64ème ?

Vous imaginez bien qu’abandonner un projet si près de la fin peut laisser un sacré arrière-goût. Le chemin tortueux de Star Fox 2 vers l’abandon n’a pas effacé l’essence de son potentiel. La Nintendo 64 offre une opportunité de renaissance, de repousser les limites graphiques et de donner vie à des idées laissées en suspens. Ainsi naît Star Fox 64, ou Lylat Wars en Europe pour les mêmes raisons qui avaient poussé Star Fox à s’appeler Starwing. Le choix de revisiter le premier opus plutôt que de créer une suite directe s’est imposé. Cette décision pragmatique a permis d’embellir et d’améliorer le jeu original. Star Fox 64 se profile comme un hybride, fusionnant 60 % du Star Fox original, 30 % des idées de Star Fox 2, et 10 % d’innovations inédites, selon les dires de Shigeru Miyamoto.

L’histoire s’étend au-delà de la science-fiction pure, évoluant vers un récit de space opera. Des cinématiques et de nouveaux personnages enrichissent le scénario. Fox McCloud et son équipe sont confrontés à une nouvelle menace, celle de l’équipe rivale, Star Wolf, menée par le rusé Wolf O’Donnell. Ce loup est accompagné d’Andrew Oikonny, un singe qui n’est ni plus ni moins que le neveu d’Andross, Leon Powalsky, un caméléon et enfin, Pigma Dengar, un cochon. Ce dernier personnage est loin d’être anodin et permet d’aborder plein d’aspects.

D’abord, le background de l’histoire de Star Fox s’enrichit, car ce cochon a fait partie de la première équipe Star Fox, alors dirigée par le père de Fox McCloud, James McCloud. Pigma a trahi James, et Peppy par la même occasion, et livré le père de Fox à Andross, avant de rejoindre l’équipe Star Wolf. Star Fox 64 offre une plongée plus profonde dans l’univers de Star Fox, révélant les liens complexes entre les personnages. De plus, le nom de ce personnage est une référence à un personnage de la saga Star Wars, dont le jeu s’amuse à s’inspirer, voire parodier, tout comme le film Independance Day.

Durant la conception du jeu, le designer Imamura va cependant insister sur un élément : les voix. À ce moment-là, la Playstation est sortie et beaucoup de ses jeux possèdent des voix. Imamura souhaitait que Nintendo démontre que la N64 pouvait en faire autant. Il propose donc que l’ensemble du jeu soit doublé. Seulement, un hic de taille s’est posé : un CD Playstation peut contenir presque 700 Mo, quand une cartouche de jeu de la N64 n’a que 8 Mo ! Il a donc fallu compresser énormément la voix lors des premiers tests réalisés. Tellement qu’on avait l’impression d’entendre une voix à la radio… ce qui, au final, servait l’intérêt du jeu qui contient près de 700 enregistrements vocaux, en plus des musiques composées par Koji Kondo et Hajime Wakai. Une fois n'est pas coutume, je vous propose de voir une publicité diffusée sur nos télévisions à l'époque :


Ainsi, Star Fox 64 s’est avéré être plus qu’un simple remake. C’est une réinterprétation habile qui a incorporé les leçons apprises du passé abandonné de Star Fox 2. Les voix, les personnages et les choix narratifs ont propulsé le jeu vers de nouveaux sommets, créant un classique qui résonne encore aujourd’hui dans le cœur de nombreux joueurs.

Une rare aventure !

Il est maintenant l’heure d’aborder le paragraphe sensible de cet article concernant le jeu suivant de la série Star Fox. Je vous vois, ceux qui commencent déjà à me viser avec leurs tomates et œufs pourris ! Mais le prochain jeu porte bien le nom de Star Fox, et s’appelle Star Fox Adventures, même en Europe cette fois-ci !

Trêve de plaisanteries, mais certains d’entre vous se demanderont pourquoi je blague à propos de ce jeu. Il faut savoir que celui-ci a quelque peu divisé, autant chez ceux qui l’ont développé que chez les joueurs. Il n’est pourtant pas mauvais du tout ! Notre testeur de l’époque, Janus, avait été plutôt emballé dans l’ensemble (15/20). Il lui avait reproché un certain manque d’innovation. Le reproche que j’ai le plus souvent lu à son sujet en me documentant, est que c’est du Zelda avec un habillage Star Fox. Est-ce si mal ? J’en doute, mais la vraie question est plutôt : comment en est-on arrivé là ?

Pour comprendre cette histoire, nous allons revenir dans le temps, très précisément entre le 11 et 13 mai 2000 à Los Angeles. Pourquoi ? Parce que c’est à ce moment-là que se déroule la grande messe du jeu vidéo de l’époque : l’E3. Lors de ce salon, un studio présente ses prochains jeux : Ninten... ha non, je me trompe, le nom du studio, d’origine britannique, est « Rare » (ou Rareware pour les puristes). Certains le connaissent en tant que développeur du célèbre GoldenEye 007, Perfect Dark, ou de la série Banjo-Kazooie, de Donkey Kong Country, de Diddy Kong Racing, ou encore d’un jeu que j’aimerais tellement voir dans le NSO sur N64 : Conker’s Bad fur day (je peux toujours rêver, malgré l’arrivée encore récente de Jet Force Gemini, mais j’ai dû raviver des souvenirs chez beaucoup de monde avec cette liste). En 1995, Nintendo avait acheté des parts de ce studio (49 %) et cela expliquait pourquoi celui-ci développait beaucoup de jeux pour ses consoles, pour ne pas dire exclusivement. Seulement, en 2002, Nintendo a vendu ses parts à Microsoft ! Encore une fois : que s’est-il passé pour en arriver là ?

Je vous ai planté les acteurs (Nintendo et un développeur nommé Rare) et le décor (la présentation d’un jeu à l’E3 en mai 2000). Il me faut donc vous donner le dernier détail : le jeu que Rare présente s’appelle en fait Dinosaur Planet et est prévu pour sortir sur Nintendo 64 au cours du premier trimestre 2001. Rare espère en réalité sortir son jeu « le plus tôt possible » car Nintendo communique déjà depuis un moment sur le Project Dolphin : sa prochaine console que nous connaîtrons sous le nom de GameCube. Au moment de la présentation de Dinosaur Planet à l’E3, le jeu était donc dans un stade assez avancé et Rare ne cache pas s’être inspiré d’Ocarina of Time sorti en 1998. Le jeu souhaite pousser la console dans ses derniers retranchements et fera usage de l’expansion Pak, un dispositif permettant de doubler la Ram de la console, la faisant passer de 4 Mo à 8 Mo (oui oui, il n’y pas de G pour Giga car on parle bien de Mega-octets là, on parle d’une console de 1996).

Côté histoire, Dinosaur Planet narre l’aventure de Sabre et Krystal, deux animaux anthropomorphes, qui traversent Dinosaur Planet pour vaincre le général Scales, le chef autoproclamé d’une tribu appelée « Sharpclaw ». Au fil de leur épopée, Krystal et Sabre auraient rencontré d’autres tribus de dinosaures telles que les « Thorntail » et les « Lightfoot », se rapprochant progressivement de la découverte de la vérité derrière la création de la planète. Cela pourrait être intéressant, non ?

Et bien, figurez-vous que Dinosaur Planet n’est jamais sorti sur Nintendo 64, mais sur GameCube en 2002 sous le nom de Star Fox Adventures et fut le dernier jeu développé par Rare pour une console Nintendo. D’ailleurs, le studio est passé sous le giron de Microsoft le lendemain de sa sortie ! Ubuesque, non ? Pourquoi Dinosaur Planet est-il devenu Star Fox Adventures ?

La légende veut que le papa de Mario, après avoir vu les séquences du jeu à l’E3, aurait contacté Rare pour leur suggérer d’utiliser la licence Star Fox. Seulement, comme je vous le disais plus haut, la démo présentée à l’E3 était une version très avancée du jeu, presque terminée. Le personnage de Sabre a donc été remplacé par celui de Fox McCloud. Il a fallu réécrire l’histoire afin que les détails concordent avec l’univers de Star Fox. Mais il y a eu quelques ratés, presque négligeables, mais regrettables. Par exemple, dans l’histoire, Fox parle à un moment d’un personnage, le prince Tricky, or il n’est pas censé connaître le prénom de ce personnage à ce moment-là. Des erreurs comme celle-ci sont peu nombreuses et ne viennent pas pour autant nuire à l’histoire. Elles démontrent cependant le travail de rafistolage réalisé.

Sachez que début 2021, une rom de Dinosaur Planet version N64 trouvée chez un collectionneur suédois a fait surface. Cette rom serait datée du 1er décembre 2000. Petite particularité, le personnage de Sabre a d’ores et déjà été remplacé par Fox. Ce qui démontre que la décision du changement de licence avait été prise plusieurs mois auparavant, entre mai 2000 et bien avant décembre. Qui est responsable de ce changement ?

Quand vous vous documentez sur le Net à ce sujet, on vous présente ce changement comme ayant été causé, de façon parfois implacable, par Miyamoto. Seulement, aucune source n’est donnée. Détail étrange, même dans les interviews de développeurs, personne ne se souvient vraiment ni du pourquoi ni du quand, avec exactitude. Pourtant, les différentes personnes interrogées ne travaillent plus pour Rare ou Nintendo et ne peuvent donc pas craindre de sanction si elles s’expriment à ce sujet. De plus, un détail que je vais rappeler est que Nintendo ne possédait que 49 % des parts, les frères Tim et Chris Stamper, fondateurs de Rare, détenaient un peu plus de 50 % (chiffre exact inconnu, mais ce détail sera très important plus tard). Ces derniers pouvaient donc s’opposer à toute suggestion de Nintendo.

Ce qui transparaît dans les diverses interviews, c’est que l’équipe était perplexe par la situation. Elle se révèle assez déçue de devoir gommer Dinosaur Planet, mais le changement pour Star Fox n’était pas vécu comme une sanction pour autant, mais plutôt comme une opportunité. Pour preuve, voici les mots de Phil Tossell à ce sujet : « Bien sûr, nous étions un peu déçus de devoir changer Dinosaur Planet, car nous y étions tous tellement attachés, mais nous pouvions aussi voir le potentiel d’utiliser la licence Star Fox ». Un mal pour un bien, dira-t-on. Mais peut-on vraiment « accuser » Miyamoto de ce changement ? Cela créerait une grande incohérence. Pourquoi ? En réalisant cet article, j’ai pu lire à droite à gauche diverses critiques, envers Miyamoto. Pour simplifier, celles-ci rapportent que Miyamoto n’était pas du tout content du Donkey Kong Country développé par Rare, qu’il en serait jaloux, qu’il ne l’aimait pas… J’ai même pu trouver des citations de Miyamoto à ce sujet, qui sont toutes en réalité complètement bidons !

D’ailleurs, dans ces « critiques », il y a une grosse incohérence : Donkey Kong Country a été le premier jeu développé par Rare utilisant une licence Nintendo, en 1994, et c’est l’année suivante que Nintendo acquiert 49 % des parts de Rare. Miyamoto, s’il était vraiment jaloux du studio, serait allé faire des pieds et des mains auprès du président de Nintendo pour lui dire de ne pas les racheter, surtout « seulement » à 49 %. La double incohérence se pose si on acte que c’est Miyamoto qui a demandé l’ajout de Star Fox à Dinosaur Planet : comment un homme, qui se serait fâché avec un studio, une équipe, pourrait se dire « Allez les gars, je ne vous aime pas mais utilisez mon petit renard ! », même 5 ans après la brouille. Cette histoire de Miyamoto fâché au sujet de Donkey Kong est donc qu'une rumeur.

Mon avis, sur l’origine de la présence de Star Fox, est qu’il y a quelqu’un qui a suggéré à Rare d’utiliser l’univers Star Fox et que le studio a dit oui après y avoir réfléchi. Au fur et mesure de mon enquête, mes petites cellules grises m’amènent à vous dire en le pointant du doigt : mon suspect s’appelle Shigeru Miyamoto ! Voici une photo de sa garde à vue :
Oui, oui, vous vous demandez comment je peux pointer du doigt une personne après l’avoir défendue ! Il y a une nuance entre quelqu’un qui suggère et quelqu’un qui ordonne. J’aime la vérité et quand des preuves existent, il faut les utiliser, ne pas les ignorer ou les cacher. Et pendant mes recherches pour la rédaction de cet article, on pourrait dire que j’ai trouvé une preuve qui laisse peu de place au doute : une interview réalisée par IGN, publiée le 6 juin 2000, soit moins d’un mois après la démo à l’E3, mais le début de l’interview précise que celle-ci a été réalisée pendant l’E3 !

Traduction :
Qu’en pensez-vous ? Difficile désormais de ne pas écarter ce monsieur de l’équation. Mais il paraît difficile de croire qu’il ait imposé quoi que ce soit. Nintendo et Rare travaillaient régulièrement ensemble, même à distance.

Qu’en est-il de la revente de Rare à Microsoft ? Sur ce sujet, je n’ai pas trouvé de vraie preuve, mais la logique permet de déduire que Nintendo a certainement vendu Rare à contrecœur. Pourquoi ? Il paraît évident pour tout le monde que Rare était une poule aux œufs d’or. Nintendo n’avait donc strictement aucun intérêt à vendre ses parts… sauf dans le cas où elle perdait tout contrôle.

Rappelez-vous, je vous ai dit que Nintendo n’avait que 49 % des parts. Si une autre entité possédait à elle seule au moins 50,1 %, alors Nintendo ne pouvait plus rien faire. Si Microsoft s’est d’abord approchée des deux fondateurs de Rare pour acheter leurs parts, elle est ensuite allée voir Nintendo en tenant un discours ressemblant à « Écoutez, j’ai désormais plus de 50 % des parts, et ma console, la Xbox, a besoin de jeux. Donc désormais, la priorité, c’est le développement Xbox. Vos consoles, je n’en ai que faire. Vos parts ne vous servent plus à rien. Revendez-les-moi. » Nintendo aurait ainsi été mise au pied du mur et n’aurait pas vraiment eu d’autre choix que de vendre. L’interprétation de cette hypothèse peut aller plus loin. Cela peut être vu comme une revanche de Microsoft envers Nintendo. Pour ceux qui ne le sauraient pas, Microsoft avait tenté d’acheter Nintendo en 1999, soit moins de 3 ans avant cette histoire. Cela aurait donné un grand fou rire de la part de Nintendo qui se serait moqué de Microsoft. Il faut dire que la division Xbox de l’époque n’avait clairement rien à voir à aujourd’hui (sauf si on ne regarde que le marché japonais…).

Pour la rédaction de cet article, j’ai trouvé une interview de Jez San qui décrit la façon de faire de Microsoft à l’époque. Argonaut avait réalisé un moteur de rendu 3D en temps réel. Celui-ci se nommait BRender (Blazing Render engine). Imaginez cela comme un prémisse des actuels Unity3D et Unreal. Microsoft était l’un des premiers clients pour ce moteur et l’a utilisé pour réaliser 3D Movie Maker (pour les plus vieux d’entre vous). À l’époque, il n’y avait que 3 moteurs sur le marché. En plus de BRender qui était peut-être le plus abouti pour les jeux vidéo, il y avait aussi RenderMorpics et RenderWare. Et donc, Microsoft, qui était déjà cliente, a envoyé un homme qui a présenté la situation ainsi selon les propos de Jez San : « Nous allons acheter l’un d’entre vous et nous allons mettre les deux autres hors d’affaire ; celui que nous achèterons sera l’avenir et les deux autres vont faire faillite. » Microsoft a finalement racheté RenderMorpics, qui n’était pas spécialisé dans le jeux vidéo. Ce moteur a depuis lors disparu pour devenir Direct3D. Cette façon de faire vient quelque peu appuyer l’hypothèse sur la vente forcée des parts de Rare de Nintendo à Microsoft.

Le publicité papier diffusée dans la presse du même support reprend les codes des affiches de films. Mais il est temps de voir, avant de nous quitter, une dernière page publicité :


Pour finir sur Star Fox Adventures, comme vous l’avez compris, passer de Dinosaur Planet à Star Fox Adventures a demandé beaucoup de travail, tellement qu’il fut nécessaire, à un moment, d’envisager une sortie pour GameCube au lieu de la Nintendo 64. Nintendo a donc fourni à Rare des kits de développement GameCube qui n’ont servi que pour ce seul jeu. Petite anecdote pour conclure, Kevin Bayliss, Character Designer chez Rare (et créateur de Diddy Kong, hé oui !), avait annoncé que Dinosaur Planet contiendrait un personnage que connaissaient les joueurs de Diddy Kong Racing : Timber. Il ne fut jamais inclut et aucune trace n'a été trouvée dans les versions prototype.
Notre première partie du voyage avec Star Fox va s’arrêter là car nous arrivons à mi-chemin. Ensemble, nous avons pu voir que la naissance de la licence Star Fox a tenu à peu de choses et résulte en réalité d’un cumul de hasards. Nous sommes partis d’un studio anglais ayant surpris Nintendo avec de la 3D sur Game Boy, une démo qui a fait des jaloux et initié un développement Super Nes, qui a lui-même initié la puce Super FX. Ce tout a donné une démo qui n’a pas convaincu Miyamoto de prime abord, et nous avons fini sur le fait que Star Fox et venu « habiller » un jeu d’un autre studio anglais. À tout moment l’avenir de Star Fox aurait pu s’arrêter. Dès l’instant où le logo Argonaut Games est apparu sur l’écran de la Game Boy lors de la présentation à Nintendo, le destin aurait pu être scellé. Comme quoi, l’avenir d’une licence peut tenir à peu de choses. D’ailleurs, j’ai été stupéfait en préparant cet article de tomber sur une petite phrase de Miyamoto dans une interview, lorsqu’il parle de l’annulation de Star Fox 2 en fin de développement, que cela arrive souvent. Je ne peux m’empêcher de me questionner au sujet de projets dont nous n’avons pas entendu parler mais qui auraient pu être prometteurs ! D’ailleurs, pour Star Fox, il nous reste encore des choses à raconter. Prêts à nous retrouver dans la partie 2 ?
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