Dossier
'De mauvais souvenirs ressurgissent avec le jeu'
Pour distinguer quel impact peuvent avoir ces jeux de guerre sur ceux qui l'ont pratiqué en vrai (la guerre), j'ai réalisé une expérience : j'ai montré quelques scènes assez gores du dernier Call of Duty Black Ops à deux Vétérans de la Seconde Guerre Mondiale. Leur sentiment commun : 'l'écœurement de voir qu'on s'amuse aujourd'hui avec ce qui a fait souffrir tant de gens par le passé', 'la peine de revivre des traumatismes, les scènes où les gens se font gazés, les tortures, les grenades qui démembrent', 'la colère qui remonte de revoir des combats qui ont existé'.Moralité pour ces deux hommes qui sont aujourd'hui grands-pères : 'On ne peut pas s'amuser de tout'. Et, pis encore, 'le plus gros succès commercial de l'histoire s'inspire du plus grand désastre de l'histoire !'.
Précisons qu'à l'issue de cette session de jeu, j'ai montré un des premiers Call of aux deux seniors. Ils ont préféré : 'La série aurait dû s'en tenir à cette violence mesurée', plutôt que d'escalader l'échelle du trash… Un trash qui 'existe certes, mais qui n'est pas judicieux d'être montré ». Je leur ai enfin expliqué qu'on pouvait enlever la violence dans le menu option, que le titre est interdit aux moins de 18 ans… Ils m'ont répondu que 'cela est de l'hypocrisie pure. Vous avez en face de vous une stripteaseuse, elle vous propose de faire une danse en intégral ou de rester habillée. Qui va choisir habillée !?'.
Des jeux à ne pas mettre en toutes les mains
Je regrette après-coup d'avoir présenté ce titre aux deux grands-pères. Leur avis est formel, la 'violence a toujours existé, elle fait partie de l'homme. Mais l'exacerber à ce point, c'est lui donner raison et la faire ressurgir au lieu de la décrier et critiquer. Quand je vois ce jeu, je me dis qu'un fossé sépare les films de Stallone aux simulations de guerre qu'on devrait plutôt interdit. Je me dis que les gens n'ont rien compris et qu'on a peut-être perdu la guerre de la sensibilisation. Je ne partirais pas tranquille'.Là où les anciens ont peut-être raison, c'est qu'il y a sans doute trop de violence qu'on n'aimerait ne plus voir… et laquelle peut perturber le subconscient d'un individu. Qu'il soit sensible ou pas d'ailleurs. Il faut aussi rappeler que ces jeux sont sensiblement édulcorés au Japon et en Allemagne, des pays traumatisés par la guerre. Ce n'est pas rien.
Il n'y a pas de vrais gentils et méchants, il y a eu dans les deux camps des gens qui souffrent et souffrent encore. C'est un sujet très épineux, loin d'être manichéen. Ironie du sort, comme pour justifier sa violence, Black Ops montre justement qu'il y a des gentils dans les deux camps (sans trop spoil) ! Un parti-pris des programmeurs, qui ont fait cela pour illustrer la maturité de leur jeu. Mais en creusant bien (dommage pour eux), on perçoit plus que de raison le nationalisme américain.
Mais à petite dose, le jeu violent ne canalise-t-il pas les pulsions ?
Mais parce que je dois me faire aussi l'avocat du diable, je dirais que l'humanité n'a pas attendu de tels jeux vidéo pour se mettre la misère depuis la nuit des temps ! L'homme est en lui violent, il a des pulsions et on ne pourra pas les changer aujourd'hui ni demain. La pire guerre au monde n'a pas été déclenchée par un jeu vidéo, rappelons-le.Par ailleurs, celui qui dit qu'il n'a pas pris du plaisir à tuer dans un JV, faire des head-shoot (moi le premier), risque de passer pour un menteur !
Alors de fait, on pourrait prétendre qu'il est bien plus sain de jouer à la guerre en virtuel qu'en réel, à choisir. Que ces jeux de guerre ont un aspect défouloir exceptionnel. Et que s'ils avaient été inventés il y a des siècles, bien des désastres auraient été évités…
Tous ces propos ne sont bien sûr que des supputations. Nous n'allons pas formuler de réponse formelle. Le dossier n'est là que pour vous donner des pistes, rien de plus. Une chose est certaine, le succès dérangeant de Call Of Duty : Black Ops mérite qu'on s'intéresse bien plus sur le phénomène entourant le jeu… que le jeu lui-même. Avant qu'on aille peut-être trop loin et que le jeu vidéo ne se prenne des coups de bâtons… dont il aura lui-même tendu le fourreau à l'opinion publique ! Si l'on pointe du doigt notre loisir, il ne faudra pas se plaindre.
Mis à part tout cela, et pour terminer sur une note pragmatique, Call of Duty BO est objectivement un 'put…' de bon jeu. Trop, peut-être… pour être innocent.
Waluigi
NB : Je remercie les deux grands-pères pour leur participation, lesquels ont souhaité rester anonymes. Je ne puis que respecter leur choix.
Note de Xavier : Nous vous rappelons également l'excellent livre paru aux Editions Pix'n Love, Les cahiers du jeu vidéo : La Guerre, qui est une réflexion particulièrement intéressante sur la Guerre dans les jeux vidéo. L'auteur s'intéresse à la notion de guerre dans le jeu vidéo, puis nous livre une analyse des différentes types de jeux de guerre disponibles, en nous parlant des Wei Hai, des Combat Mission, des Splinter Cell et autres Metal Gear Solid, en passant bien sûr par les Call of, Medal of Honor et autres jeux de guerre futuristes. Un livre à lire !
La guerre, qu'elle soit réelle ou fictive, reste la guerre : sale, violente, triste. Dans l'univers de Nintendo, ce thème a-t-il vraiment sa place ? Là encore, une question que l'on peut se poser... en particulier sur notre site ! Même si Big N cède totalement aux canons de la violence lucrative, il y aura dans l'avenir des choix à faire. Des directions à prendre, à la fois pour les concepteurs de jeux, les joueurs mais aussi les consoles qui les accueillent ! La puissance de calcul des futures machines accentuera encore le réalisme. Le comité PEGI surveillera sans doute cela d'encore plus près ! Mais une chose reste cependant certaine : Nul jeu, aussi violent soit-il, ne saura retranscrire malgré tout l'horreur de la guerre. A moins que d'un point vue émotif, on redéfinisse une nouvelle frontière entre le réel et le virtuel, un virtuel décidément de moins en moins virtuel, car tacheté de sang et gorgé de souvenirs qui résonnent encore...
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