Dossier Super Smash Bros.
Dans les coulisses de Super Smash Bros. : La dimension Esport 1 (7e partie)
Nous avons abordé ensemble toute l'aventure de la création qu'est la licence Super Smash Bros. Mais nous avons occulté un sujet : la communauté compétitive. Et croyez-moi, cela ne sera pas dénué d’intérêt !
Dossier
Difficile de faire un dossier complet sur Super Smash Bros. sans évoquer la communauté qui s’est formée au fil des années autour de cette saga. Même si le domaine de l’Esport n’est pas votre dada, vous allez découvrir de nombreuses choses au travers de cet article !
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Précédemment "dans les coulisses... de la saga Smash Bros" :
- 1e partie : la genèse de Smash Bros sur N64 et NGC,
- 2e partie : Super Smash Bros Brawl,
- 3e partie : Smash Bros for Wii U / for 3DS,
- 4e partie : Super Smash Bros Ultimate,
- 5e partie : l'avenir de la série SSB
- 6e partie : comment est choisi un nouveau combattant ?
Pour ne pas manquer la mise en ligne de nos prochains chapitres, abonnez-vous à la newsletter de Puissance Nintendo ! Vous lisez ici la 7e partie de ce grand dossier entièrement consacré à la franchise Smash Bros.
Vous avez aimé cet article ? Sachez que déjà six autres parties le précèdent ! L'héritage de Smash est tel que nous avons encore un peu de lecture à vous offrir bientôt. Ne manquez pas le prochain dossier de cette grande série d'articles consacrée à Smash Bros : on vous propose de recevoir une notification via Warp Zone, la toute nouvelle newsletter de Puissance Nintendo !
- 1e partie : la genèse de Smash Bros sur N64 et NGC,
- 2e partie : Super Smash Bros Brawl,
- 3e partie : Smash Bros for Wii U / for 3DS,
- 4e partie : Super Smash Bros Ultimate,
- 5e partie : l'avenir de la série SSB
- 6e partie : comment est choisi un nouveau combattant ?
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Aux origines...
Comme vous le savez si vous êtes joueur de Smash Bros. ou avez lu les précédentes parties, la saga est composée de 5 épisodes. La notion de compétition a démarré dès le premier épisode sur Nintendo 64. Si vous avez lu la première partie de ce dossier, souvenez-vous des critiques qu’il avait reçu. Tout l’attrait de celui-ci se résume dans le mode multijoueurs. Il est donc logique que la communauté Smash se soit formée entre amis venant passer des heures ensemble à tâter le joystick. Dans les cas les plus simples, les matchs sont entre frères et sœurs. En poussant un peu plus, c’est entre amis. L’étape suivante est rarement franchie : se défier au niveau local avec des inconnus.
Alors à l’époque, il y a plusieurs freins pouvant expliquer cela. L’un d’entre eux est le faible développement d’Internet. Pour remettre les choses dans leur contexte, l’ADSL a débuté en France en 1999. Sans l’ADSL, l’usage d’Internet était limité et les communications étaient alors assez restreintes. L’arrivée de l’ADSL en 1999 a marqué un tournant dans les communications. Elle a permis le développement d’outils comme Windows Live Messenger (oui, le coup de vieux que cela donne à certains d'entre nous) et les forums en ligne, notamment grâce à des solutions comme phpBB lancée en 2000.
Avant cela, organiser des événements n’était donc pas une chose aisée et il fallait passer par des affiches dans les commerces ou des annonces dans les journaux locaux. Les premières petites compétitions se sont formées à partir de forums et plus ou moins localement. Pour cette raison, le premier épisode de Smash Bros. n’a eu qu’une communauté très petite comparée aux épisodes suivants, mais elle est très fidèle.
La première grosse compétition
C’est en 2002, après la sortie de Melee, que les choses vont commencer à s’accélérer. Matt Deezie, un Californien, va lancer le Tournament Go et pour tout vous dire, sans le critiquer, tout est organisé dans l’amateurisme le plus total. C’est tout à fait normal puisque ce sont des fans qui organisent des choses entre eux, et ils n’ont aucun soutien, encore moins de la part de Nintendo. Néanmoins, ce n’était pas une préoccupation, l’objectif étant de passer un bon moment entre joueurs et de tester son niveau. La compétition est d’ailleurs organisée chez lui ! Le principal problème étant la ponctualité des participants. Le moindre retard impactait toute la compétition. Comme je le disais, au tout début, on est dans un amateurisme total et aucune règle particulière n’est définie : tous les stages sont autorisés et même les objets.
Suite au relatif succès de la première session, amenant tout au plus une vingtaine de participants, deux autres éditions auront lieu dans l’année, puis deux nouvelles sessions seront réalisées en 2003. Lors de celles-ci, le nombre de participants augmente constamment et l’organisation devient de plus en plus compliquée. Si pour la troisième session il y avait déjà 50 participants, la quatrième en amenait plus de 90 !
Au fur et à mesure, l’organisation devient très compliquée et Matt sera contraint de stopper l’aventure. Au total, 6 éditions auront eu lieu, mais ce seront les plus gros tournois Smash Bros. de l’époque. Il est intéressant de noter que lors de la dernière édition, tous les objets étaient interdits ainsi que deux stages.
Et en France ?
En France, je n’ai pas trouvé d’informations concrètes au sujet d’évènements Smash Bros. aussi vieux et avec autant de participants. Pourtant, d’après les dires de quelques vétérans, des compétitions Smash eurent lieu dans le secteur de la Gare du Nord à Paris dès l’épisode N64 sur le terrain Dream Land (Pays des rêves). Il semble que le premier tournoi d’ampleur organisé en France fut sur Melee en 2008 à Villejuif. L’Epita Smash Arena 2 a alors permis à plus de 230 joueurs de s’affronter le temps d’un week-end.
Les règles du jeu : Smash 64
Certains d’entre vous se demandent peut-être quelles étaient les règles qui ont structuré ces compétitions et les raisons de celles-ci. Sachez qu’au tout début, il fut assez difficile d’obtenir un consensus sur les règles. Au départ, il était considéré que les objets faisaient partie intégrante du gameplay et qu’ils étaient utilisables. Mais assez vite, une notion est perçue comme problématique : le hasard. Un tournoi a pour objectif de mettre au défi les compétences des joueurs, et non leur chance. Perdre un combat, qui plus est une finale, pour une question de hasard et non de compétence/en misant sur la chance plutôt que ses compétences, c’est très frustrant. Cela est parfois aussi valable pour le gagnant car le sentiment de victoire peut être un peu entaché.
C’est pour cette raison que les objets furent interdits durant les matchs. D’ailleurs, lors des premiers tournois, les matchs se faisaient en Free-for-All (Chacun pour soi), à 4 joueurs donc. Cela s’inscrivait à la fois dans la vision du gameplay et permettait de faciliter l’organisation et l’accélérer.
Si le hasard est un problème et permet d’interdire les objets, cela concerne donc aussi… les arènes ! En effet, dans l’épisode N64, elles possèdent souvent des éléments interactifs et aléatoires. Mais le hasard n’est pas la seule chose à prendre en compte pour le choix des arènes. Sans entrer dans les détails, alors que Smash 64 possède 9 arènes, 5 d'entre elles ne correspondent pas aux règles prises avec le temps. Mais les 4 restantes ne font pas l’unanimité pour autant. Cela explique une partie des différences d’arènes tolérées ou non selon le pays où se déroule une compétition sur cet épisode.
Avec le temps, et les différents opus, les règles ont pris forme et se sont peu à peu uniformisées dans chaque pays ou presque.
Le match mémorable : Smash 64
Pour clôturer l’aspect compétition avec Smash 64, nous allons évoquer le plus long match ! 52 minutes ! Comment est-il possible qu’un match dure aussi longtemps ? L’une des explications tient en un... défaut de Smash 64 : il ne permet pas de préciser une durée maximale pour un match. L’autre explication tient dans le contexte du match. Comme évoqué plus haut, les règles des tournois se sont peu à peu uniformisées, à l’exception de quelques pays, et ce fut le cas pour le Pérou qui a une large communauté de joueurs sur cet épisode. En 2014, un tournoi fut organisé dans la ville de Tacna, au sud du Pérou. L’une des particularités de ce pays en matière de compétition est que la seule arène acceptée est Hyrule Castle (Château d’Hyrule).
Deux joueurs s’affrontent durant ce match : SuPeRbOoMfAn et Gerson. Le premier est Canadien et joue avec Kirby et le second est Péruvien et joue avec Pikachu. Au niveau de leurs caractéristiques, ces deux personnages sont d’ailleurs considérés comme les plus forts de cet opus.
Cependant, Kirby a un avantage : il possède des hitbox bien trop persistantes et importantes, en particulier pour l’une de ses attaques. Si l’on associe ce détail à sa rapidité et au fait qu’il dispose d’attaques de large zone par rapport à sa taille, on réalise qu’il est plus facile pour lui de toucher d’autres personnages, mais aussi qu’il devient plus difficile à toucher pour ses adversaires qui risquent des répercutions.
En plus de ces détails, le gameplay de Smash 64 fait que certaines attaques ont la priorité sur d’autres. Kirby possède plusieurs mouvements avec une priorité élevée, c’est-à-dire que si deux joueurs se frappent en même temps, l’attaque de Kirby (selon le mouvement réalisé) va avoir le dessus. En grossissant à peine le trait, si le joueur qui contrôle Kirby le maîtrise, il est à la limite de l’intouchable car le joueur qui essayera de le toucher s’exposera inévitablement à des dégâts en retour.
Voilà, vous avez désormais presque toutes les informations , puisqu’il ne manque qu’un seul détail : SuPeRbOoMfAn déteste Hyrule Castle car, selon lui, cette arène nuit à un gameplay équilibré. En étant trop grande, elle facilite le camping et devrait être bannie. Il prévient alors qu’il pourrait faire regretter au monde de vouloir garder cette arène comme légitime.
Mais tandis que le match suivait tranquillement son cours, SuPeRbOoMfAn prend l’avantage en nombre de vies restantes. Il se met alors au sommet du château. Gerson se retrouve logiquement en dessous. Il lui devient compliqué d’atteindre Kirby à cause des caractéristiques que nous avons évoquées. Si Pikachu se positionne en dessous et lance l’attaque Tonnerre, l’animation de celle-ci est tellement longue et lente que Kirby peut facilement tomber sur le côté du Pokémon et lancer une attaque sans que celui-ci ne puisse riposter. Il se fait éjecter au loin, laissant le temps à Kirby de reprendre sa position.
Gerson n’a pas eu d’autre choix que de laisser venir SuPeRbOoMfAn. Mais ni l’un ni l’autre ne voulait faire le premier pas. Il se passe ainsi de longues minutes sans qu’aucun personnage ne prenne le moindre dégât. Au bout d’un moment, Gerson a alors proposé à SuPeRbOoMfAn de recommencer le match sur Dream Land. Ce dernier refusa ! Suite à une erreur, Gerson perdra une vie et rendra son jeu plus agressif, ce qui lui permettra d’inverser les positions des deux personnages… avant de perdre une nouvelle vie au bout de 2 minutes. Finalement, SuPeRbOoMfAn s’exposera un peu plus afin d’accélérer le match et expulser une nouvelle fois Gerson.
Ce que je ne vous ai pas expliqué jusqu’à présent, c’est que les joueurs devaient s’affronter sur plusieurs manches. Ce match n’était donc que la première manche et un joueur doit en remporter deux. Gerson a alors à nouveau proposé de jouer la seconde manche sur Dream Land. Son opposant lui a alors répondu qu’il suivrait la règle du tournoi, statuant que la seule arène légitime était le Château d’Hyrule/Hyrule Castle et qu’il n’accepterait donc que celle-ci. La seconde manche sera donc un bis repetita de la première en matière de stratégie, mais ne durera que 11 minutes.
Ce match va donc faire parler de lui et sera considéré comme l’un des pires matchs de l’histoire des tournois de Super Smash Bros. L’arène sera alors bannie et Dream Land deviendra la seule arène tolérée dans les tournois sur Smash 64. Une référence à cette histoire est présente dans le jeu Undertale au travers du vendeur nommé « Gerson Boom », Boom étant aussi un diminutif de SuPeRbOoMfAn. Si vous souhaitez un résumé plus complet de ce match je vous invite à voir cette vidéo (en anglais) :
The Longest Game in Smash History
Un peu de… diversité ?
Pour le grand public, Smash 64 est aussi connu pour ses compétitions de Combo. Si vous lisez le dossier depuis la première partie, vous ne comprenez pas ici la notion de combo puisque Sakurai avait conçu Smash de façon à ce que les combos n’interviennent pas. En fait, ces compétitions ne sont pas des combats, mais visent à mettre en scène toute une succession d’attaque. C’est un mélange d’orchestration, de créativité et de spectacle ! Smash 64 est spécialement apprécié pour cela grâce à son système de hitstun, c’est-à-dire le temps où l’adversaire ne peut pas réagir après avoir été touché. Il y a par exemple les Smash Summit et Super Smash Con qui vous permettent de voir ce genre d’exploits. Je vous propose deux courtes vidéos de cette dernière car cela vaut le coup d’œil :
The Combo That Won the Smash 64 Combo Contest - Super Smash Con 2022
The most legendary Yoshi combo ever done on Smash by Prince
L’arrivée de Melee
Melee a une aura particulière puisqu’avec la démocratisation d’Internet et donc des moyens de communication et d’organisation, il fut le premier épisode à réellement pouvoir drainer une communauté autour de lui. C’est ainsi que la présence de la licence va se développer à divers tournois tels que Pound, Genesis, The Big House et Smash Summit.
Et les Dieux de la Melee sont arrivés !
Melee est peut être l’épisode Graal de Smash Bros. et je ne pourrais hélas pas en faire le tour en un seul article, alors en quelques paragraphes… Focalisons-nous sur les Stars de la scène E-sport de Melee : les « Gods of Melee ». Ce titre désigne 5 joueurs : 4 Américains et un Suédois, qui ont largement dominé la scène E-sport de Melee jusqu’en 2018. Tout le monde n’est pas d’accord sur l’année exacte mais simplifions sur le fait qu’ils ont été actifs en même temps de 2009 à 2016.
Armada, (le suédois) joue principalement Peach, mais aussi parfois Fox ; quant à Mango, Mew2King et PPMD, ils jouent principalement Fox (ou Falco, qui est très proche de Fox en terme de gameplay). Il reste Hungrybox qui joue Rondoudou. Cette prolifération de renards m’amène à une anecdote, ou plutôt une prophétie autour de Fox McCloud : elle statue qu’à terme dans Melee, en l’an 20XX, tout le monde jouera Fox car celui-ci est ultra fort et n’a aucun défaut technique.
Si Armada a été considéré comme le « maître » des 5, Hungrybox a longtemps été détesté malgré la maîtrise de son personnage. C’est justement le problème : Rondoudou n’était pas vu comme un personnage intéressant, mais surtout, il disposait, comme Kirby sur Smash 64, de hitbox avantageuses. Ses coups de pieds ont une portée bien plus importante que ce qui est visible à l’écran et Hungrybox était connu pour abuser de cela. Il possèdait un style de jeu très défensif, ce qui peut être vu par certains comme de l’anti jeu. Surtout que Melee est considéré comme un jeu très technique mais aussi très rapide. Il est d’ailleurs le plus rapide de tous les opus parus à ce jour.
Au fil des années, Hungrybox se faisait harceler et chaque détail le concernant devenait un prétexte pour s’en prendre à lui. Par exemple, tandis que son adversaire sélectionnait son personnage, il se mettait à regarder sa montre. Les spectateurs en ligne ont pris ce mouvement comme un message d’impatience dû à la « lenteur » de la sélection par son adversaire. En fait, il stressait tout simplement parce que le tournoi prenait du retard et qu’il avait un avion à prendre.
Le climax de cette histoire s’est produit en 2019. Alors qu’il remporte la finale contre Mango, une personne du public va lui jeter un crabe vivant. Cette action aura alors l’effet d’un déclic chez ses détracteurs : toute la haine envers lui allait beaucoup trop loin. Depuis, Hungrybox joue de cette histoire en mangeant du crabe lors de streams et possède aujourd’hui énormément de supporters.
Pour finir avec Melee, j’ajoute deux anecdotes : la première est qu’un seul joueur a pu vaincre les 5 dieux et possède désormais le « titre » de God Slayer : Leffen (et il est aussi suédois). Il semble impossible que cet exploit soit réitéré puisque Armada a pris sa « retraite » depuis 2018. La seconde anecdote concerne le personnage de Kirby. Il semble que les critiques de ce personnage sur Smash 64 soient parvenues aux oreilles de Sakurai puisqu’il a corrigé cela sur Melee, en faisant de Kirby l’un des plus mauvais personnage !
Si vous souhaitez en savoir plus sur l'ambiance, l'histoire et l'évolution de la compétition sous l'ère de melee, je ne peux que vous conseiller le documentaire "The Smash Brothers" (merci Sewlink) qui retrace en 9 épisodes l'impact incroyable qu'a eu le second opus de la saga !
The Smash Brothers: Episode 1 - Show Me Your Moves (Remastered)
Nous avons déjà fait un bon bout de chemin ensemble dans l’histoire de l’E-sport avec Smash Bros. Nous avons posé les premières bases avec les premières compétitions locales autour de Smash 64, évoqué l’apparition progressive des règles et l’exposition avec l’arrivée de l’épisode Melee. À l’image du jeu, la scène s’est petit à petit étoffée en nouveaux challengers devenus pour certains d’entre eux des « dieux ». Au travers de cet article, nous ne pouvons hélas pas tout voir, ni tout mentionner. Comme il nous reste d’ailleurs trois opus à évoquer, je vous donne rendez-vous dans la suite de cet article pour découvrir comment la scène compétitive a su jongler entre héritage, innovation et parfois frustration. Un peu hâte de voir l’E-volution de tout cela, non ?
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