Dossier
Les analystes sont formels : ce qui était il y a encore un eldorado est devenu en quelques semaines le théatre des désillusions les plus totales pour les investisseurs. Ceux qui tablaient sur une progression de 20 à 25% d'une année sur l'autre sont revenus à la réalité, aussi douloureux que cela puisse être.
Des signes qui ne trompent pas.
Tout n'est pas perdu pour le secteur du jeu vidéo : la console de Sony continue à se vendre toujours autant (en tout cas sa position de leader ne fait que se renforcer), tandis que la baisse du prix de la XBox et les bons de réduction proposés par Nintendo donnent un coup de pouce aux ventes de consoles. Pourtant, tout n'est pas rose non plus. Loin s'en faut.
Et pas des moindres : Electronic Arts, THQ et Activision. Ces trois mastodontes avaient jusqu'alors le statut de firmes en ligne avec leurs prévisions. Bref, rien ne va plus. Ce déclassement massif fait suite à une étude publiée par le NPD Group selon laquelle les ventes de jeux vidéo ont raté leur progression faramineuse de 20 à 25% entre novembre 2001 et novembre 2002.
Les traces de la nouvelle économie.
Le secteur qui apparaissait il y a peu comme un nouvel eldorado fait donc figure de mauvais rêve, à une heure où on règle ses comptes avec la nouvelle économie. On peut être en désaccord avec certaines conclusions du rapport du NPD group, mais la conclusion est sans appel : on revient à la raison, et ca fait mal.Les conclusions du NPD Group n'ont fait plaisir à personne : Activision et Electronic Arts ont vu leurs actions perdre entre 4 et 6% après la publication du rapport. Tandis que THQ a gagné 2.3%. Cela montre à quel point les réactions sont différentes d'un éditeur à l'autre.
Que faut-il conclure de ces conclusions ?
Tout d'abord, on sent bien que les éditeurs dépensent leur énergie (sans parler de leur argent) à vouloir faire de chaque titre un jeu multi-plateformes. Cela permet d'avoir des ventes solides pour un titre, mais cela ne marche qu'un temps. Et voile l'importance du parc installé : Sega s'est plaint du manque de popularité de ses jeux de sport sur GameCube, récemment.A vouloir tout proposer partout, les éditeurs n'ont fait qu'accélérer le sentiment d'ennui des joueurs. C'est que le marché a mûri, et les gens n'achètent plus n'importe quoi. L'exemple le plus flagrant est celui de la Game Boy Advance : beaucoup de jeux sont pitoyables, et quand on y regarde de plus près, seuls les jeux Nintendo cartonnent. Les Mario-inside et autres franchises Nintendo sont les seuls jeux à tirer leur épingle du jeu, alors que les autres titres réalisent des scores moyens.

Les joueurs sont sensés, si si !
Les gens n'achètent plus n'importe quoi, et ils ne vont pas non plus acheter le même jeu sur toutes les consoles, même s'ils sont fans d'une saga. Les consoles ont besoin d'exclusivités. Malheureusement, la tendance n'est pas vraiment à la parution de jeux en exclu pour une console au détriment des autres. Au contraire. En effet, on entre dans une espèce de cercle infernal selon lequel les éditeurs multiplient les jeux multi-plateformes pour disposer de plus de cash pour financer de nouveaux développements.Mais ces nouveaux développements, les communiqués de presse de ces dernières semaines le prouvent, sont le plus souvent des accords d'exploitation de licences, souvent négociées à prix d'or. Et rentabiliser ces licences semble passer inévitablement par un développement des jeux sur plusieurs consoles. Et la boucle est bouclée.

Il y aura toujours des titres porteurs, comme Final Fantasy ou Resident Evil, mais là encore, la notion d'exclusivité atteint ses limites : Square développe pour GBA et NGC deux jeux FF, tandis que RE Online sera disponible sur PS2. Les exclusivités d'aujourd'hui sont les titres multi-plateformes de demain, et cela rend l'acte d'achat d'une machine encore plus difficile.

Inévitable concentration.
Le futur passe donc pas un renouveau dans le game-development. Cela veut dire que les éditeurs vont devoir se faire à l'idée qu'un jeu devra être limité à une console, avec un renversement de tendance par rapport à ce que l'on peut constater actuellement. La situation est d'autant plus critique que nécessaire et, d'une certaine facon, en route.Des exemples ? Microsoft s'est offert Rare pour quelques centaines de millions de dollars. Nintendo renforce sa présence aux côtés d'éditeurs de seconde-partie en leur confiant des jeux à développer pour ses consoles : Metroid Prime est certainement le plus bel exemple de réussite flagrante.
Les éditeurs devraient aussi faire attention à l'appétit d'ogre des constructeurs : dans cette optique de chasse à l'exclusivité, il n'est pas impossible de voir une concentration s'effectuer dans le secteur, avec à la clé de gros studios passant sous le contrôle d'un fabricant de machine, pour la gloire des ses produits.
Changer le processus de création.
A court-terme, il n'y a pas de chance de voir le ratio exclusivité-portage s'inverser. Mais à moyen-terme, non seulement il le faudrait, mais il faut aussi l'espérer. Les fabricants ont tout à y gagner : acheter chaque console deviendrait une nécessité (il n'y a que l'auteur de cet article pour n'avoir que des consoles Nintendo dans son salon !) pour profiter de chacun des bons jeux qui y paraîtront.
Car le plus grand danger qui menace toute l'industrie est sans aucun doute l'ennui qu'éprouveront les joueurs alors qu'ils découvriront des jeux qui n'apportent rien de nouveau et tendent à tous se ressembler les uns des autres. Un article soulignait récemment qu'après le succès de Max Payne, une foule de jeux ont à leur tout proposé d'inclure des scènes de slow-motion. Après le succès de Tomb Raider, on a vu la gente féminine devenir le héros de prédilection de bon nombre de titres (mais on ne va pas s'en pleindre, n'est-ce pas ?).
Développer moins, mais développer mieux, telle est la devise à laquelle semblent être condamnés les éditeurs. Pour concilier investissements et besoins des joueurs, les business models autour de la création de jeux vidéo vont devoir évoluer dans un sens qui nous convient à nous, les joueurs. Sans quoi on pourrait bien, tout simplement, lâcher le paddle...
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