Switch : augmenter la production "autant que possible", et relever de nombreux défis

Les financiers font la moue devant les résultats de Nintendo

Si les résultats financiers sont légèrement dans le vert, il n’empêche que la publication des résultats financiers de l’entreprise a été jugée décevante par de nombreux investisseurs et l’action Nintendo a une nouvelle fois été malmenée. Pourtant, le groupe japonais maintient sa confiance dans la nouvelle console Switch à venir le 3 mars.

« Nous prévoyons toujours de livrer 2 millions de Switch courant mars », a déclaré lors d'une conférence de presse le patron de la firme, Tatsumi Kimishima, confirmant une projection déjà annoncée. Et d'appuyer son optimisme en soulignant que « les réservations se déroulent bien et des boutiques ont déjà pré-vendu tous les exemplaires qui vont leur être livrés au départ ».En s’appuyant sur ces bons résultats, le président Kimishima indique vouloir augmenter la cadence de production.

La tendance des réservations de Switch montre que les clients ont d'énormes attentes vis-à-vis d'elle. Nous souhaitons augmenter la production autant que possible.

Il y a donc bien de l’intérêt autour de la console, des attentes aussi, même si tout n’est pas rose. Car au-delà de la sortie de la console, il va falloir convaincre le public que cette nouvelle console est une bonne affaire et qu’elle a un avenir. Économiquement, Nintendo a bien insisté sur le fait que la Nintendo Switch ne sera pas vendue à perte et ce dès son lancement le 3 mars.

Une information essentielle car ce n’était pas la politique de Sony qui malgré le tarif élevé de sa PS3 au lancement, avait vendu sa console sous son prix de revient, entraînant de larges pertes la première année : un sacrifice voulu pour installer sa nouvelle console et surtout promouvoir le support du Blu-Ray à l’époque. Ce n’est clairement pas l’option prise avec la Nintendo Switch. Même si peu de bénéfices devrait être tirés des ventes de la console, le curseur a imposé de rester à l’équilibre, pour ne pas fragiliser le reste des activités.

Un prix trop cher !

C’est pourtant l’une des critiques qui revient comme un leitmotiv, la console est positionnée à un tarif élevé selon les analystes et pas mal de réactions de journalistes. Pourtant, on se souviendra du lancement de la Wii U à 349 €, un prix supérieur, qui a très vite dégringolé à 299 €.

La barre des 300 € reste une barrière dans l’esprit du public et elle ne peut être franchie par Nintendo dans l’imaginaire : la société est marquée par cette image de société proposant du gaming à un tarif accessible. Nous verrons bien ce que dira ce même public lorsque Microsoft leur proposera l’addition de sa future Scorpio.
Pourtant, les développeurs japonais sont venus eux-mêmes à la rescousse de Nintendo pour indiquer que cette console n’était pas chère au regard de la technologie portable intégrée à l’intérieur. Il est vrai qu’au Japon, le prix de vente est sous les 250 €, cela aide un peu. Mais malgré tout, la Switch est systématiquement comparée à la PS4 et la Xbox One, alors que son positionnement de console de salon nomade est unique.

Elle est à la fois un peu une concurrente à la PS Vita, la remplaçante de la Wii U et un challenger plus faible que la Xbox One, tout en étant capable de faire tourner techniquement les mêmes jeux grâce à sa mise à niveau vis-à-vis des moteurs graphiques et des outils de programmation actuelle. C’est un peu cela l’astuce de la Switch : n’avoir aucun produit réellement comparable pour dire si elle est si chère que cela.
Là en revanche où le bât blesse, c’est le tarif des accessoires. Certains se sont même amusés à dire qu’en se rapprochant d’Apple pour porter son Super Mario Run, Nintendo a acquis aussi la politique de faire payer cher certains gadgets. Oui et non dans les faits, car ce type d’accessoire a toujours eu un certain prix et reste comparable à ce que l’on trouve régulièrement dans les catalogues des produits pour smartphone.
Mais on a clairement senti la grogne du public vis-à-vis des tarifs et des réajustements de prix importantes ont été notés ces derniers jours au niveau des distributeurs, parfois même sous l’injonction de Nintendo, qui ne peut se permettre un échec de lancement.

Les inquiétudes autour du futur online payant

Il reste en revanche à la firme une grosse épine dans son pied, une faute dont elle est totalement responsable, l’annonce d’un abonnement en ligne payant dans quelques mois sans avoir réellement annoncé auparavant la couleur des tarifs et des fonctionnalités.

Tout au plus Nintendo a bien évoqué un jeu ancien en accès, mais on est très loin de ce qu’offre la concurrence. Le prix et la qualité de ce service seront clairement examinés lorsque tous les détails seront enfin apportés, car le constructeur risque clairement de voir partir une partie de sa base.

Entretenir la flamme

Même si le mouvement initial de la Switch semble être sur le bon chemin (nous attendrons les chiffres de ventes précis pour pouvoir affirmer cela), il va falloir convaincre ensuite les nombreux indécis qui vont patiemment attendre les premiers mois avant de tenter de se lancer. C’est une partie de l’inquiétude des investisseurs, qui reprochent à la direction de Nintendo une communication ressemblant un peu trop à la méthode Coué.

L'action Nintendo dévisse à nouveau

Même si le patron de Nintendo a promis à nouveau que le groupe était « en ordre de marche pour que l'approvisionnement s'effectue ensuite régulièrement », l’optimisme n’est pas communicatif auprès des investisseurs qui ont fait chuter ce mercredi matin l'action de Nintendo à la Bourse de Tokyo, lui faisant perdre jusqu'à 5 % en séance.
2 millions de Switch, cela reste un objectif bien inférieur aux précédentes générations de consoles Nintendo.

Quid de l'impact des ventes de la Switch sur la famille 3DS ?

Outre le fait que les chiffres sont un bidouillage des cessions des Mariners et de divers ajustements techniques (on va dire qu’on a obtenu un résultat dans le vert de manière légèrement artificielle) et qu’il va falloir convaincre le trimestre prochain, ce sont les questions entourant l’impact de la Switch sur les autres gammes de Nintendo qui inquiète, tout particulièrement les ventes de la 3DS et de la 2DS.
Selon Tatsumi Kimishima, les craintes des investisseurs sur la nouvelle console ne sont pas fondés :

« C'est un nouveau concept de console qui permet de jouer partout et à tout moment, la Switch a des particularités qui la différencient des 3DS, et le prix n'est pas le même ». Sans oublier, selon lui, le fait que « plus de 100 jeux étaient en cours de développement de la part de 70 entreprises ».

Ce positionnement vis-à-vis de la 3DS reste toujours à éclaircir. De nombreux jeux 3DS ont été révélés pour 2017 donc la Switch n’est clairement pas présente pour remplacer ce modèle, dont le double écran et la gestion 3D (pour la 3DS uniquement) ne sont pas présents sur la Switch.

Nous pensons qu'il existe encore une demande pour les vraies consoles de poche, a-t-il encore insisté.

C’est une petite phrase qui interroge toujours. Nintendo a-t-elle dans les cartons un plan B et un véritable successeur à la 3DS ? C’est toujours ce doute qui divise une partie de la communauté écartelée entre la déception Wii U totalement pillée de ses titres phares pour les voir portés sur 3DS et sur Switch, un line up encore léger (même si on retrouve tous les titres phares de Nintendo dès la première année sur la nouvelle console), les interrogations sur l’implication des tiers, qui prennent soin d’éviter une confrontation frontale les deux premiers mois avec The Legend of Zelda: Breath of the Wild et Mario Kart 8 Deluxe qui vont aspirer le gros des achats de jeux les premières semaines. L’E3 2017 sera le véritable mètre-étalon pour dire si le pari de la Switch est gagné, avec la révélation des nombreux titres en cours de développement.

Des prévisions de bénéfices encore revues à la baisse, une habitude Nintendo

Pour le moment, malgré les annonces positives de la firme, et la tournée VRP de Miyamoto, Aonuma et Reggie, Nintendo est obligée de revoir ses prévisions de bénéfices annuels à la baisse d’environ un tiers et nous aurons le détail final fin mars. Son bénéfice trimestriel de 265 millions d’euros, Nintendo le doit aussi par l’impact des jeux mobiles.

Pokémon est la colonne vertébrale de la santé de Nintendo

Oh ce n’est clairement pas Miitomo ou le modèle économique de Super Mario Run qui ont aidé, mais bien Pokémon GO qui a fait vendre des titres de la franchise et des consoles 2DS et 3DS. Nintendo ne doit plus son salut actuellement à Mario mais bien à Pikachu. Un Pikachu très silencieux vis-à-vis de la Switch. C’est aussi cela qui est étonnant, des rumeurs mais rien de concret de la part de The Pokémon Company vis-à-vis de la Switch. Ce serait pourtant un argument de poids pour lancer la nouvelle console.

Le porte-étendard, c’est Zelda

La franchise est l’exemple même du culte du produit abouti qui entoure Nintendo : ne pas proposer un produit mal fait et donner le temps aux développeurs pour proposer le meilleur jeu possible.

On se rappellera, comme l’indique William Audureau du journal le Monde, sur Twitter, le compte officiel japonais de Nintendo a expliqué que la date de commercialisation de The Legend of Zelda avait été reportée « afin d’améliorer sa qualité », un argument que la firme avait déjà brandi en 1995 pour justifier le report de ­Super Mario 64 et de la console ­Nintendo 64.

Le responsable du projet avait demandé deux mois de plus et je les lui ai donnés sans mettre de conditions. Mario 64 est notre porte-drapeau. Si ne serait-ce que 10 utilisateurs sur 100 n’en sont pas satisfaits, ce serait un désastre, expliquait déjà à l’époque Hiroshi Yamauchi, ­président de Nintendo jusqu’en 2002.

Nintendo n’a malheureusement plus totalement cette étiquette de produit abouti après le burn-out de ses équipes pour tenter désespérément d’alimenter la Wii U et la 3DS par des produits qui se sont révélés beaucoup plus légers que d’habitude. Et c’est là qu’on prend conscience que les équipes internes de Nintendo sont en nombre très limité par rapport aux grosses structures que sont Electronic Arts ou Ubisoft. Ils ont pourtant réussi l’exploit de proposer bien plus de jeux que ces mêmes compagnies en un laps de temps record. Cela ne suffit pas au public qui scrute le tableau des annonces des prochains titres de la firme et c’est inquiétant de découvrir que, pour le moment, les premiers jeux restent en grande partie des portages.
Zelda est le cas à part, l’exception que Nintendo met en avant pour montrer que la qualité Nintendo est toujours bien présente et ce sera du neuf. Nous l’avons évoqué, ce Zelda va marquer les esprits et sera un épisode canonique. Mais Zelda, au niveau des ventes, n’a jamais eu l’impact d’un Mario, d’un Animal Crossing et surtout d’un Pokémon.

Will you be returning to Hyrule from March 3rd in The Legend of #Zelda: Breath of the Wild?

https://t.co/PylixjfIaC pic.twitter.com/xb2OPBAvwd— Nintendo of Europe (@NintendoEurope) 31 janvier 2017