Que souhaiter après la 3DS ?

On se souvient de l’émoi il y a quelques jours lorsque le président de Nintendo, M. Kimishima avec accordé un entretien à Kyoto Shinbun, déclarant que la 3DS aurait un successeur. Face au buzz, et aux craintes vis-à-vis de la 3DS et de la Switch, Nintendo a dû réagir très vite pour indiquer que les propos du Président avaient été mal interprétés. Il a simplement constaté qu'il y a une demande différente pour la 3DS et la Switch, et que pour la prochaine console portable, Nintendo continuera à prendre en compte les demandes du public. Shinya Takahashi a précisé que Nintendo réfléchit toujours à sa prochaine console portable, sans confirmer que la 3DS aura un successeur.

Just for the record: my Kyoto Shimbun translation remains 100% correct. What Kimishima said in the Q&A was quoted a bit differently there. https://t.co/GoHC1t7TlF— Dr. Serkan Toto (@serkantoto) 3 février 2017

Le Tweet de Serkan Toto suggère que la réponse du président de Nintendo a bien été retouchée dans le document de synthèse des questions & réponses.

La 3DS est une console qui se vend bien et reste une possible béquille pour Nintendo en cas d'insuccès de la Switch

Il paraît tout à fait logique que Nintendo veuille se pencher sur l’avenir de sa console qui l’a maintenue à flots pendant les années d’échec de la Wii U. Tous les bureaux de recherche et de développement prospectent vers de nouvelles possibilités lorsqu'une console sort pour avoir le temps de préparer sa suite, avec un cycle de vie tournant pour les consoles autour de 5 ans. Après 6 années de bons et loyaux services, les ventes de la console se sont érodées même si Pokémon GO et Pokémon Soleil et Lune ont considérablement atténué la baisse inexorable des ventes de la console. Il serait donc étonnant que Nintendo ne travaille pas sur un nouveau périphérique pour pouvoir un jour tourner la page de la 3DS, qui n'est déjà qu'une évolution de la DS, soit une histoire particulièrement ancienne.

La championne de la portabilité

Si aujourd’hui encore 700 000 3DS se sont vendues en France durant l’année 2016, c’est grâce au coût de cette console et sa taille, aisément transportable. Le modèle 2DS a clairement tué la concurrence des autres consoles portables (un prix imbattable de 89 € avec un des derniers jeux, parfois moins lors de promotions) et reste un accès privilégié pour nombre de familles qui veulent rester vigilantes sur les dépenses dans ce secteur.
Sa force : permettre au possesseur de la console de jouer n’importe où, de manière autonome, avec des amis en local. Pas besoin de lourds investissements, c’est idéal et cela explique en grande partie son succès.

Une grand-mère sur le marché du jeu vidéo totalement dépassée techniquement

Cependant l’érosion s’est fait sentir. Les capacités graphiques commencent sérieusement à dater et, malgré la mise à niveau de la New 3DS, on reste loin de la qualité des smartphones, dont certains modèles sont vendus quasiment au même prix voire moins chers, avec l’accès à de nombreux jeux gratuits ou relativement peu chers par rapport au tarif classique d’une cartouche. Alors oui, la console apporte des bénéfices à Nintendo mais on tire peu à peu sur la corde en attendant de voir l'accueil commerciale de la Switch.

Alors qu’attendre du successeur de la 3DS ?

Une mini Switch compagnon ?

Certains y verraient bien un compagnon de la Switch, une sorte de Switch mini, dotée d’une meilleure autonomie que le modèle actuel (permettant de jouer par exemple durant un long trajet en voiture), plus petit que la Switch (et donc plus transportable), et pourquoi pas ayant un double slots de cartouches différents pour pouvoir jouer aux jeux 3DS, DS et Switch. Le rêve de nombreux joueurs en ayant assez de jongler entre les consoles de Nintendo pour pouvoir jouer à quelques titres disponibles sur l’une des consoles ou sur l’autre.

Que dire par rapport à ce doux rêve sinon que ce n’est qu’un rêve ? Pour donner du poids à ce projet, il faudrait que la Switch soit un plein succès, ce que l’on souhaite. Pour pouvoir diminuer la taille tout en gardant une autonomie importante, une définition d'écran en 720p et un bas prix, donnons-nous 2 ans. Mais il faut que la Switch perce et, si la technologie HD Rumble est rapidement adoptée par les développeurs, cette miniaturisation risque de poser problème. Une mini-Switch 720p sans HD Rumble suffira-t-elle à donner envie ? Pas sûr, surtout face aux smartphones.
Une possibilité pourrait être un mini boîtier permettant de jouer aux jeux smartphones et servant d’accessoires pour le chat vocal, oublié sur la Switch. On est bien dans l’esprit compagnon, mais pas du tout dans une succession de la famille 3DS.
Nous imaginons mal en revanche un système tout-en-un compatible 3DS et Switch. Même si l’émulation 3DS a fait de gros progrès, on reste loin d’une émulation parfaite. Alors mettre dans un périphérique de petite taille un soft capable d’émuler aussi bien la Nex 3DS que la Switch serait bien illusoire, compliqué et pas réellement économiquement intéressant. Nintendo a gagné bien plus d’argent en segmentant son marché et ce serait maintenir inutilement une compatibilité pour un produit qui pourrait toujours être vendu (la 3DS). Non, il faut quelque chose de différent pour donner un quelconque intérêt à ce successeur de la 3DS. Et pour réduire à néant cette émulation 3DS, le gameplay des deux consoles n’a rien de commun (double écran dont un tactile avec stylet et affichage 3D pour l’une, simple écran tactile sans stylet pour l’autre et sans 3D). Bref, c’est très improbable.

Horizon 2018/2019

Si le planning reste chargé concernant la 3DS durant cette année 2017, l’année 2018 risque d’être celle du basculement. La console aura 7 ans, soit une durée de vie incroyable pour une console (pensez aux évolutions des smartphones pendant 7 années) et Nintendo devra faire le choix de se concentrer pleinement sur la Switch dont la bataille est loin d’être gagnée même si des analystes pensent que la Switch va aspirer le marché de la Vita et un peu de la 3DS au Japon et que ses ventes vont être bonnes sur l’archipel nippon. Les gros titres annoncés sont majoritairement issus de développeurs asiatiques, l’interrogation concernant les éditeurs tiers occidentaux se maintiendra jusqu’à la révélation des projets de ces studios lors de l’E3 2017.

Des équipes à bout de souffle pour continuer le combat sur tous les marchés

Difficile dans ces conditions d’imaginer Nintendo annoncer de nouveaux gros produits sur la 3DS en nombre en 2018, sauf en cas d’échec manifeste de la Switch. Et désormais, Nintendo doit alimenter les jeux sur trois plateformes différentes : 3DS, mobile et Switch. DeNA assure pour le moment le coup sur la partie mobile mais ce n’est sûrement pas pour rien que le président Kimishima a évoqué la possibilité de nouer d’autres alliances car DeNA ne pourra probablement pas assurer tous les projets (sans que Nintendo devienne trop dépendant de la société, dangereux en cas de renégociation des contrats). Il va falloir faire un choix, pas simple, car la 3DS est encore très vivace alors que la Switch et le mobile ont tout à construire.
En effet, on l’a vu avec la Wii U, les équipes de Nintendo se sont épuisées à proposer des jeux sur les deux consoles. On note actuellement un réemploi massif des efforts de développement des jeux Wii U vers la Switch ou vers la 3DS, comme si on devait donner du temps aux équipes de Nintendo de proposer du neuf, qu’ils n’ont pu préparer jusqu’à présent. Plus inquiétant, des studios comme Monolith Soft ou Platinum Games ont été mis à contribution de manière importante (pour Zelda ou pour StarFox Zero) car les équipes internes de Nintendo n’y arrivaient pas seules. Monolith et Platinum ont leurs propres projets à mettre en place, tout ceci retarde l’éclosion de nouveaux titres. Ces équipes doivent se former face à de nouveaux défis et Iwata a tout fait pour accélérer la transition en mutualisant les ressources pour permettre à chacun de piocher plus efficacement en fonction des projets pour chaque console sans avoir à tout rebâtir séparément chacun de son côté. Mais cela ne suffit pas. Soyons lucides, au regard de la taille de Nintendo, la compagnie ne peut pas mener de front correctement le combat sur 3DS et sur Switch sans nuire à l’un ou l’autre des marchés.

Une seule solution, inconfortable, pour donner une chance à la Switch : mettre fin à la 3DS

Ceci est peut-être un peu fort, mais pour que la Switch décolle clairement, Nintendo doit faire mourir la 3DS et faire basculer rapidement les grosses productions comme Yo-Kai Watch, Pokémon ou Kirby sur la Switch. La base installée considérable de la 3DS est une contrainte et un soulagement pour Nintendo. Difficile d’imaginer un successeur qui puisse faire aussi bien lorsque toutes les consoles modernes ont tendance à faire moins bien (les disparités sont très fortes pour la PS4). Cette base lui permet d’avoir encore un soutien important des éditeurs tiers mais ceux-ci commencent à peiner à gérer cette 3DS vieillissante alors que le marché mobile explose et n’a rien à voir niveau portage.
Si la Switch ne remplace pas une grande partie du marché portable de la 3DS, elle est morte face aux smartphones, car elle va avoir du mal à convaincre les éditeurs occidentaux, beaucoup plus orientés PC et machines puissantes, qui ont déjà cette immense base installée de PS4 simple et Pro et des PC sans aucune commune mesure niveau puissance avec la Switch. Aujourd’hui, dire clairement que la Switch n’est pas la console de référence pour Nintendo et qu’elle ne va pas aspirer une grande partie du marché de la 3DS serait une erreur pour Nintendo, qui n’installerait pas suffisamment sa console. Déjà, certains attendent une version 2 plus puissante, d’autres espèrent rapidement le passage vers la VR alors que la puissance de la console sortant en mars ne lui permettra que des sensations limitées. Ce serait tuer la Switch dès maintenant, laisser une complète interrogation vis-à-vis de la 3DS qui ne suivra plus techniquement face aux moindres smartphones, bref une situation d’urgence encore plus compliquée à gérer qu’en ce début d’année 2017.

Réfléchir au segment tarifaire de la 2DS et ne rien annoncer pour le moment

Les bureaux de recherche et développement doivent donc se taire et ne rien montrer avant deux ans sous peine d’annuler tous les efforts effectués par Nintendo pour lancer la Switch, son concept, sa technologie, sa feuille de route avec Nvidia.

À la rigueur, si Nintendo devait envisager quelque chose aujourd’hui pour remplacer sa 3DS, ce serait un périphérique peu cher pour couvrir le segment 2DS. La Switch marque une rupture tarifaire pour des familles qui ne basculeront pas sur console nomade facilement. Les smartphones sont bien plus chers certes pour les modèles haut de gamme, mais ils permettent d’autres choses que le jeu.

Nous sommes dans une période de transition entre la 3DS et la Switch, c’est délicat pour Nintendo. Sa priorité doit être la Switch avec si possible la possibilité fin 2017 d’apporter la compatibilité avec ses jeux mobiles via une émulation (qui profitent d’abord à Apple et à Google gérant les stores). Après tout, on a bien un écran tactile similaire à celui des smartphones sur Switch.

Clap de fin en 2019/2020 ?

On le voit, pronostiquer et même définir un successeur à la 3DS est quelque chose de bien difficile à imaginer. Il reste beaucoup trop d'inconnues et on ne sait pas où en sera arrivée la technologie du cloud, qui pourrait bouleverser totalement le marché portable, rendant un jeu jouable sur n'importe quel périphérique. C'est aussi une interrogation qui touche Nintendo, sa capacité à proposer à l'avenir un support online de qualité puis plus tard des possibilités de cloud. La compagnie part avec un tel retard par rapport à ses concurrents directs qu'il est encore difficile d'anticiper ses avancées sur ce délicat sujet. Elle devra faire le ménage sur ses ressources serveurs pour ce qui lui est de moins en moins utile. La fin du jeu en ligne sur 3DS se posera alors inévitablement et il sera alors peut-être le temps fin 2019/début 2020 d'y mettre fin, en coupant dans le même temps celui de la Wii U.
2020 sera une année importante au Japon avec les regards des divers pays du monde tournés vers l'archipel pour ses jeux olympiques. Comment ne pas imaginer que si un véritable nouveau produit devait sortir, ce serait une fenêtre médiatique idéale. Nous pourrons également compter le nombre de Switch et voir si le pronostic des analystes de 40 millions de consoles vendues est atteint.