Shigeru Miyamoto évoque l’origine de Super Mario Run et du partenariat avec Apple

Le 7 septembre, l’arrivée de Super Mario Run sur l’iPhone et iOS 10 a éclipsé une partie de la keynote d’Apple alors que l’événement phare était le lancement de l’iPhone 7. A la grande surprise (et joie) de l’assemblée, Shigeru Miyamoto est monté sur scène pour annoncer Super Mario Run, un Endless Runner mettant en scène le fameux plombier et prévu aussi bien sur supports iOS (ils seront servis les premiers) que sur Android (sans date pour le moment). Miyamoto a accordé une interview à Yahoo, dévoilant les origines finalement plus anciennes de ce nouveau jeu, la raison pour laquelle il sortira d'abord sur iOS, l'audience qu'il souhaite atteindre avec, mais aussi la position de Nintendo vis-à-vis des consoles. Apprenons également à lire entre les lignes.

Pourquoi Super Mario Run maintenant ?

Selon Miyamoto, le projet est né dès l’époque où Satoru Iwata était encore vivant, un peu avant la réalisation de Miitomo.

Ça a démarré lorsque nous travaillions sur Miitomo, ou plutôt encore avant quand Mr. Iwata était encore à la compagnie. Apple l'a invité pour une conversation au sujet de la façon dont les deux compagnies pourraient travailler ensemble, puis ils ont commencé à travailler sur 'Miitomo' et cette opportunité s'est présentée.

Étrange cependant cette affirmation car nous verrons dans un dossier que travailler main dans la main avec Apple n’allait vraiment pas de soi au départ pour Iwata. Mais ce dernier avait compris que la fin justifie les moyens et trouver un partenariat gagnant entre les deux géants que tout opposait devenait acceptable. Il est intéressant de noter le virage que chaque entreprise a effectué, Apple proposant un iPhone plus économique avec iPhone 5c alors que la marque gardait (et garde encore) l’image d’une société proposant une technologie avancée au prix fort, et Nintendo mutant faire un modèle où l’iOS devient le modèle.

Si le projet semble ancien, pourquoi le sortir maintenant et surtout bien après Miitomo ?

Shigeru Miyamoto explique que Nintendo attendait simplement de voir la technologie des mobiles suffisamment évoluer pour qu'ils se sentent à l'aise avec.
Il semble omettre que lancer Super Mario Run comme premier jeu mobile pouvait paraître risqué pour Nintendo qui ne voulait pas griller sa meilleure cartouche. L’idée est de proposer un véritable Business Plan, pour attirer de la clientèle, et on ne va pas lâcher au premier coup l’exclusivité Nintendo que tout le monde veut s’arracher. Nintendo a signé un partenariat avec DeNA, il faut mettre à l’épreuve ce choix car la priorité est la modification de la relation client entre Nintendo et ses utilisateurs et la fidélisation de la clientèle et non lâcher un jeu qui risque de ne pas faire venir les autres clients sur ses plateformes. Il faut tester un lancement de produit, la charge des serveurs, c’est beaucoup trop dangereux de lancer Mario à ce moment. Mais comme le lancement de Miitomo s’est bien déroulé, son partenaire DeNA montrant sa fiabilité, Nintendo peut poursuivre la suite du projet et mettre enfin en place son projet mobile interne : Super Mario Run.

Sur le marché mobile, un jeu fait en général le buzz trois mois. Miitomo lancé en mars 2016 a donc pu occuper l’espace médiatique jusqu’en mai, date où les informations autour de Pokémon Go se sont multipliées. L’énorme succès de Pokémon Go va permettre de gagner du temps. Lancé en juillet, le produit va donc décliner en septembre (c’est le cas) et on peut commencer à parler d’un nouveau projet. Comme Miitomo n’est pas vraiment un jeu, Pokémon Go est un produit Niantic/Pokémon Company, Fire Emblem ou Animal Crossing mobile sont des produits Nintendo/DeNA, la marque Nintendo semble suffisamment visible à nouveau pour lancer d’abord un produit 100% Nintendo pour capter la dynamique actuelle. Le lancement de Super Mario Run doit se comprendre ainsi : un timing serré pour garder un maximum de visibilité de la marque tous les trois mois. Le jeu devant sortir en décembre, on rajoute 3 mois et on tombe dans la période du lancement de la NX.
Alors même si Miyamoto préfère indiquer qu’ils ont attendu que la technologie mobile soit suffisamment évoluée (ce qui est en partie vrai et fera toujours plaisir à Apple de se voir reconnaître l’excellence de leur technologie), il y a d’abord le business plan qui a conditionné la sortie du jeu pour décembre 2016.

Pourquoi Super Mario Run sortira en priorité sur iOS avant d'atteindre les supports Android ?

Une des raisons ayant fait que nous nous sommes d'abord concentrés sur l'iPhone est la stabilité de cette plateforme et le fait de pouvoir obtenir un niveau de réactivité que l'on souhaite pour nos jeux. Ce n'est pas pour dire que les appareils Android n'ont pas le même niveau de réactivité. Mais il y a tellement d’appareils Android que faire en sorte que le titre fonctionne sur tous nécessite beaucoup de temps.

C’est un constat valable, il y a moins d’évolution d’iOS et le nombre de smartphone est sur un marché beaucoup plus contrôlé. Cela facilite le travail. Mais on peut imaginer que des accords d’exclusivité ont été signés moyennant rémunérations secrètes. Apple a besoin de mettre en avant son iPhone 7 et son iOS 10 et l’absence de fiche jack ne plait déjà pas à tout le monde. Avoir un Mario sur ses portables peut tout de même donner l’envie d’acheter son nouveau fleuron technologique qui coûte très cher.

Enfin, Apple a enfin mis une puce Felica dans son smartphone. Cette puce, développée par Sony, est devenue un indispensable au Japon, puisqu’elle permet de payer des transactions en quelques dixièmes de seconde, le système étant massivement utilisé partout dans l’archipel nippon pour les transports en commun, les machines à café et désormais certaines boutiques. Nous avions présenté ce système dans notre nouvelle présentant le dernier projet de jeu de Capcom se basant sur ce système. Apple avait clairement du retard avec son iPhone sur ses concurrents Android, le lancement d’un iPhone enfin à niveau sur cette puce couplé d’une exclusivité Super Mario Run pendant quelques mois devrait lui permettre de pénétrer plus facilement le marché japonais.

On est clairement dans l’aspect qui a intéressé Apple pour faire un accord coûte que coûte avec Nintendo. Avoir Mario, c’est avoir le symbole japonais (regardez la cérémonie de clôture des JO de Rio). Sony n’a pas ce symbole.

Quelle audience est visée par Super Mario Run ?

Selon Miyamoto, le jeu devrait lui permettre de toucher davantage de monde grâce à son format :

Je me sens vraiment chanceux, car il y a beaucoup de gens au Japon qui créent des personnages et des jeux qui deviennent très populaires au Japon. Je me sens chanceux car je vais pouvoir offrir Mario à une audience du monde entier. Et désormais, avec la portée des appareils intelligents, nous pouvons proposer Mario à toute une génération d'enfants et, je l'espère, être capable de recapturer ces anciens joueurs qui jouaient quand ils étaient jeune pour leur rappeler à quel point il est fun de jouer à un jeu Nintendo.

Même si on ne peut assurer le même succès commercial pour Super Mario Run que Pokémon Go (les principes sont très différents et il n’y a pas toute la partie de e-commerce que permet Pokémon Go et ses accords commerciaux avec diverses chaînes de distribution), Super Mario Run est néanmoins assuré d’un gros démarrage, ne serait-ce que par curiosité vis-à-vis du titre qui aura une part gratuite et des aspects payants pour obtenir l’intégralité du jeu. Il n’est clairement pas orienté pour le public Nintendo qui peut déjà jouer à Mario avec un gameplay beaucoup plus profond, mais en revanche, il est une lanterne qui doit permettre de montrer que c’est « cool » de jouer à Mario et que si on en veut plus, il faut venir jouer sur les consoles Nintendo (qui coûtent bien moins cher qu’un smartphone nécessaire pour ce type de jeu).
Mais c’est aussi un certain aveu d’avoir perdu une partie de son public ancien. Si Nintendo s'est lancé sur le marché du mobile, c'est d’abord pour reconquérir une grande partie du public qu'il a perdu tout au long de ces années et notamment les plus anciens, qui ne jouaient plus vraiment aux consoles Nintendo et qui pourtant ont été de très grands fans à une époque (ou durant leur enfance). On rejoint les propos de Reggie Fils-Aimé : ramener le cercle familial à évoquer entre générations la passion pour les jeux anciens de la marque et l’envie de poursuivre avec les nouvelles déclinaisons.

Cette stratégie a très bien fonctionné avec Pokémon Go qui a relancé la franchise auprès de toutes les couches de la population et la Mini NES va relancer la nostalgie de l’âge d’or de Nintendo.

Nintendo n’oublie pas les consoles traditionnelles.

Chez Nintendo, nous accordons encore beaucoup d'importance au fait de s’asseoir et de jouer face à face.

C’est vrai avec la 3DS, la futur NES Mini et il y a le système NX qui arrive. Nintendo reste sur ses terres mais a désormais les pieds posés de manière beaucoup plus sereine sur le marché qui fait de l’argent actuellement : le marché mobile.

Source : NintendoEverything