La dématérialisation est en marche

Quelle avancée réelle donc à travers la suppression du support physique ? La baisse du prix ? Après tout, de nombreux intermédiaires vont être supprimés. L'éditeur pourra en fait vendre directement son produit au consommateur. Sans compter la baisse des coûts de transport, la disparition des coûts de fabrication (assez faibles toutefois). Pour l'instant, force est de reconnaître que cette avancée ne s'est pas concrétisée ! Les jeux disponibles à la fois en téléchargement et en support physique sont dans l'immense majorité des cas proposés à un tarif identique (par exemple, GTA IV sur Xbox Live est vendu 30 euros).

Pourquoi donc ? Plusieurs raisons à cela probablement. L'éditeur, d'une part, compte bien augmenter sa marge ! De la même façon que la baisse de la TVA dans la restauration ne s'est pas répercutée mathématiquement sur les additions, la baisse des coûts ne se répercutera pas sur le prix des jeux ! Pas totalement en tout cas, cela ne fait guère de doute. L'autre raison, mais susceptible de disparaître, c'est la volonté de ne pas se mettre à dos les distributeurs, les magasins, qui après tout doivent continuer à vendre la console ! Pas de console vendue, pas de jeux vendus ! Il faut donc une certaine visibilité, cette fois bien physique, dans les magasins.

Certains d'entre vous ont peut-être lu des articles sur les négociations, en coulisse, entre les distributeurs et Sony, à l'occasion de la sortie de la PSP Go. Un compromis, bâtard, qui a débouché sur une console chère, avec des meilleures marges pour les vendeurs (qui rappelons-le font actuellement l'essentiel de leurs marges sur les jeux. Un vendeur ne gagne que quelques euros, voire parfois moins, lors de la vente d'une console !). Sony s'était par ailleurs engagé à vendre des cartes avec des codes à gratter pour télécharger le jeu. De quoi contenter les vendeurs, et accessoirement permettre d'offrir des jeux, et à ceux ne possédant pas de carte de crédit (indispensable pour acheter en ligne)... d'acheter les jeux !

En réalité, on peut même voir un inconvénient financier à la dématérialisation : le contrôle total, pour ne pas dire despotique, de l'éditeur sur le prix du jeu. Pour le meilleur disent certains. A moins que ce ne soit pour le pire. Qu'est ce qui pousse principalement aujourd'hui les éditeurs à baisser le prix des jeux, et à créer des gammes budget ? Le souci de rentabiliser au maximum des jeux qui ne sont plus en tête de gondole, oui, mais aussi la volonté de lutter contre le fléau de l'occasion ! Rien de pire pour l'éditeur que ce marché parallèle, sur lequel il ne gagne absolument rien ! Et pourtant rien de mieux pour le joueur économe ou non nanti ! Combien de joueurs n'achètent qu'en occasion ? Tout le monde ne conçoit pas de mettre 70 Euros, parfois moins c'est vrai, dans un jeu bouclé au bout de quelques heures.

Il est encore plus difficilement concevable de payer ce prix pour un jeu, si on ne ne peut même pas décider de le revendre. D'un 'simple' point de vue juridique, le droit de propriété (latin) se décompose en 3 éléments : l''usus', c'est-à-dire le droit d'utiliser, de jouer au jeu, le 'fructus', ici sans objet qui pourrait consister à louer le jeu (mais c'est interdit, sauf licence particulière), et enfin l''abusus', pas des moindres, le droit de disposer, c'est-à-dire de vendre son jeu. En principe, un propriétaire peut faire ce qu'il veut de ses biens. Avec la dématérialisation, ce serait la fin. Impossible de prêter un jeu à un ami (à moins bien sûr de lui prêter la console avec...), d'amener un jeu chez un ami, de revendre un jeu que finalement on n'a pas apprécié ! Comment peut-on se satisfaire d'une telle situation ? Depuis quand n'aurait-t-on pas le droit de faire ce qu'on veut de ce qu'on a ?

Une évolution lente, douloureuse, mais inéluctable

Tant que ces questions, fondamentales, ne seront pas résolues, beaucoup, et y compris votre serviteur, ne franchiront pas le pas de la dématérialisation. Enfin pas sans y être contraint. On peut aujourd'hui ne pas être un intégriste du tout physique et acheter quelques petits jeux Xbox Live ou console virtuelle. Pourquoi pas acheter de petits jeux peu chers, vite joués, vite oubliés. Comme par exemple sur l'AppStore d'Apple, qui alimente l'iPhone et l'iPod Touch. Mais un jeu à plusieurs dizaines d'euros, c'est une toute autre affaire. Il faut des garanties. Des garanties de possibilité de prêt, de revente. Des garanties en cas de panne de la console.


L'échec annoncé et concrétisé de la PSP Go illustre cette frilosité des consommateurs. Au Japon par exemple, durant la seconde semaine de janvier, il s'est vendu 1 773 PSP Go contre près de 53 000 PSP 3000 (Chiffres Media Create). Alors même que la PSP Go est un nouveau modèle censé relancer les ventes déclinantes de la portable de Sony, à l'instar de la DSi LL qui dépasse déjà les ventes de DSi classiques (24 059 DSi LL contre 20 373 DSi). Sony a probablement fait de nombreux choix autres que le tout dématérialisé qui ont causé l'échec de la console (comme la négation des propriétaires d'UMD), mais il s'agit indéniablement d'un facteur déterminant. Les consommateurs ne sont pas prêts.