Dossier Wii U (WiiU)
Nintendo et les besoins du développement en HD
Un certain regard sur la nouvelle donne technique, près de 3 ans après l’arrivée de la haute définition sur consoles Nintendo. Quelles sont les implications de graphismes HD quand on est développeur chez Nintendo ?
Dossier
Lors d’une interview parue dans la revue britannique Edge, Monsieur Katsuya Eguchi, bien connu pour être le créateur de la célèbre franchise Animal Crossing, a apporté certaines précisions sur le travail des équipes actuelles au sein de la firme.
La complexité grandissante du travail
Reprécisons d’abord le poste occupé par Katsuya Eguchi afin de recentrer au mieux les propos qui vont suivre. Game designer, directeur et producteur japonais de jeu vidéo, il dirige le Groupe de Développement nᵒ2 de la division Nintendo Entertainment Analysis and Development. C’est donc sous cette casquette qu’il a bien voulu évoquer la mutation de son travail avec l’arrivée de la HD au sein de la firme.La HD fut un véritable challenge pour tous les développeurs, et réaliser un jeu avec les nouvelles possibilités techniques offertes par la Wii U a nécessité une réflexion approfondie sur le recrutement interne.
En effet, le développement d’un projet HD a tendance à demander plus de personnel en raison de la complexité du travail. Le travail plus pointu de modélisation, les besoins en ressources qui ont tendance à partir de manière exponentielle, tout cela concourt à un travail de supervision plus important.
Rien ne sert d’augmenter le nombre d’employés pour concevoir un nouveau jeu si le contrôle qualité derrière ne suit pas. Par exemple, si vous augmentez le nombre d’employés, il y aura une plus grande différence dans les niveaux de compétence de chacun ; tout le talent pour le producteur ou le directeur du jeu va être de s’appuyer sur les qualités propres de chacun sans créer d’interférences, de travail inutile ou contre-productif.
C’est donc un vrai travail de meneur d’hommes désormais, afin de permettre de faire mûrir en amont les diverses propositions et d’éviter au maximum de perdre du temps à refaire ce qui aurait été mal fait
L’exemple du prochain Zelda Wii U
Prenons un exemple concret : le prochain Zelda avec son monde immense ouvert en cours de création. Shigeru Miyamoto en décembre 2014 s’exprimait sur ce jeu tant attendu via une vidéo de la youtubeuse iJustine, répondant à une question sur son approche du gameplay et de l’histoire dans ce monde véritablement immense.Avec les jeux Zelda, ce que nous avons toujours fait, c’est essayer de faire en sorte que lorsque l’on entre dans ce grand monde d’Hyrule, il y ait beaucoup à explorer et à découvrir, mais à cause des limitations matérielles, ce que nous avons eu à faire, c’est segmenter chaque zone et de faire en sorte que tous ces segments soient réunis de façon à ce que cela ressemble à un vaste monde. Maintenant, avec les capacités matérielles de la Wii U, nous avons commencé le développement en nous disant que nous pouvions prendre tout un monde de la taille du monde de Twilight Princess, et l’inclure en tant que l’une des zones du jeu.Cette liberté nouvelle a permis une profusion d’idées qui auparavant étaient techniquement impossibles à réaliser. Aussi l’excitation était palpable lors des présentations des premières scènes de jeu, où l’on voyait notre cher Link sur son fidèle destrier galoper dans un monde vaste et beau. Mais, au-delà de cette claque visuelle, des retours inquiets sont revenus assez rapidement aux oreilles des équipes en charge du développement : le jeu présenté est une belle coquille un peu vide en l’état, à développer pour le rendre pleinement vivant et intéressant au niveau du gameplay.
Une réponse toute trouvée serait de dire : OK, on a du boulot à abattre pour tenir les délais, on redirige d’autres équipes pour soutenir l’effort créatif du jeu. On double par ici le nombre de personnes travaillant sur l’aspect sonore, on multiplie par cinq les graphistes... Pourtant cela ne garantit pas que le travail aille réellement plus vite. Pourquoi ? Parce que si une ligne directrice n’est pas clairement définie, chacun ira de sa petite partition de propositions et finalement il y aura beaucoup de travail non retenu, car ne collant pas à ce que l’on souhaite après test, ce sera de la perte de temps, de la frustration pour certains membres et de l’argent mal utilisé.
L’intérêt du sang neuf des nouvelles générations
Pour Katsuya Eguchi, être en mesure de juger de ce qui doit être fait est la clé du management d’équipe, pour faire en sorte que le personnel et le temps de développement ne soient pas gaspillés inutilement. Cela implique de prendre les bonnes décisions sur les fonctions spécifiques du jeu après que le développement a commencé, mais aussi de partir sur un bon point de départ lui-même.Dans notre news Des infos sur le développement de Splatoon, JohanPN rapportait bien les propos de Miyamoto lorsqu’il a découvert le concept de Splatoon:
« Je ne comprends pas. Qu'est-ce que vous souhaitez faire ? Il n'y a pas d'attrait dans ce jeu »Ce type de question, un poil lapidaire, montre les questions fondamentales que posent les personnes au sommet de l’organisation, avec leur expérience du jeu et leur réussite. La ligne directrice doit être claire pour orienter correctement le projet sinon celui-ci peut entièrement tomber à l’eau, et rien n’est pire que d’abandonner ce qui a commencé à être fait.
Les anciens de Nintendo ne sont pas là pour freiner les nouveaux projets, mais pour les mettre sur une voie qui peut fonctionner. Leur avis compte donc beaucoup. Cependant, Nintendo est une société de divertissement, et de bonnes idées pour le divertissement peuvent venir de n’importe où… Les jeunes sont également plus sensibles aux nouvelles tendances, développements et technologies qui apparaissent et les responsables se doivent d’utiliser les avis de cette jeune génération.
Splatoon est le parfait exemple de cet apport neuf, avec une équipe dont la moyenne d’âge est de 30 ans qui apporte avec elle un style graphique particulier. Pour Zelda, le report évoque également cette ouverture interne avec de nouvelles idées apportées par ces jeunes équipes qu’il faut donc prendre le temps d’implémenter, pour permettre ainsi la sortie d’un nouvel opus vraiment très intéressant.
Cette difficulté est aujourd’hui partagée par l’ensemble des grands studios. Une sortie ratée et c’est tout un département qui peut se retrouver en danger. Il suffit de regarder les réorganisations internes au sein des studios possédés par Microsoft ou Sony (Evolution Studio) pour se rendre compte des difficultés de suivi des gros projets. Certains groupes comme Ubisoft ont segmenté le développement de leur produit dans de multiples filiales un peu partout sur la planète, pour travailler en parallèle et tenir le rythme de sortie de leurs grosses licences (Assassin’s Creed par exemple). Mais la gestion tentaculaire devenant tellement complexe s’est heurtée récemment à des sorties pleine de cafouillages (bugs multiples nécessitant des correctifs parfois monstrueux en taille).
Les éléments de l’interview exploités dans le cadre de cet article proviennent du compte-rendu disponible sur Nintendo Insider.
Nintendo, qui poursuit un véritable effort d’édition en interne, doit faire face également à ces contraintes : nous voulons tous plus de jeux pour la Wii U, des jeux de qualité, plus beau, toujours fun, avec un rythme de sorties plus régulier. Pas de miracle, cela coince ! Entre sortir des jeux bogués et laisser le temps nécessaire aux équipes de finaliser la petite touche qui fera la différence, Big N a choisi depuis longtemps. Cela ne met pas la compagnie à l’abri de bugs, comme le montre l’exemple récent du DLC MewTwo pour Super Smash Bros. Mais l’image de Nintendo reste associée néanmoins à des produits de qualité, bien finis. C’est tout à son honneur.
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C’est fluide, ouvert et les analyses sont intéressantes; laissant deviner une certaine sensibilité et logique vis-à-vis du domaine industriel, des contraintes et de ce que cela implique dans la gestion interne des entreprises. Peut-être pourrais-tu confirmer cela et approfondir sans risque?
Encore un peu de temps et de rodage, mais c'est prometteur. La plupart des autres dossiers manquent de potentiel.
Par contre, le contenu s'ouvre beaucoup trop vite à d'autre sujet, le problème semble venir du titre qui n'est pas très adapté. Ici, c'est finalement une bonne chose: il y a d'avantage d’élément à se mettre sous la dent ^^.
Prends-bien soin du titre, il ne faut pas le négliger. J’attends le prochain dossier!
Je prends note de la remarque concernant le titre