Dossier
Depuis que le monde est monde, ou dumoins depuis que Nintendo s'est lancé dans le jeu vidéo, on vit au rythme des tops des ventes des uns et des autres. La performance de Nintendo en la matière, remarquable quand il s'agit du jeu vidéo mobile, l'est beaucoup moins quand il s'agit de s'intéresser au marché des consoles de salon. Entre production de masse à la Sony et élitisme à la Neo Geo (avec les conséquences que l'on sait), à quelle place aspire Nintendo ?
Jamais gagné d'avance !
Sortir une console de jeux vidéo, voilà une activité à laquelle Nintendo s'est pliée avec plus ou moins de succès au cours des vingt dernières années. Or, lancer un tel produit est loin d'être une chose facile, et ce qui se promet être un bijou technologique peut très bien faire un flop complet : on prendra pour exemple les déboires de machines comme la Jaguar d'Atari ou plus récemment la N-Gage de Nokia. C'est pourquoi tout fabricant de consoles doit faire en sorte de concilier trois choses : maîtrise technique (pour faciliter la tâche de développeurs toujours plus sollicités), puissance technologique (parce qu'un jeu pixellisé n'est plus acceptable en 2004 !), et un goût prononcé pour le marketing (il faut vendre le produit tant aux éditeurs qu'aux... joueurs !).Si une seule des conditions ci-dessus n'est pas remplie, les chances de succès d'une machine sont dramatiquement amoindries. C'est en partie ce qui explique le demi-succès de la Nintendo 64 qui, en son temps, était conspuée par les éditeurs qui ne voulaient plus entendre parler de support cartouche. Un désaveu en entraînant un autre, ce sont bientôt les joueurs qui renonceront à la machine qui accueillit le meilleur jeu de plate-forme 3D de tous les temps : Mario 64. Les consommateurs sont des êtres sensibles qui réagissent vite, parfois peut-être un peu trop !
La sortie du GameCube allait pour Nintendo être le moyen de revenir sur le devant de la scène. C'est tout de suite beaucoup plus difficile de réussir quand en face, on trouve une Playstation 2 qui a eu tout le temps de s'imposer dans les foyers en sortant plusieurs mois en avance par rapport aux autres machines tout en proposant une fonctionnalité alors recherchée qu'est la lecture de DVD, et une XBox soutenue par une campagne marketing virulente pro-Microsoft qui porte très vite ses fruits : la console sort du domaine du jouet pour de bon, et devient peu à peu le centre multimédia de la maison (c'est ce qu'on nous dit, pas forcément le reflet de la réelle et cruelle réalité !).
Mais les choses ne se sont pas passées comme Nintendo l'espérait, en raison d'une compétition féroce avec deux autres monstres géants aux réserves de cash quasi-infinies dans lesquelles ils ont tout à loisir de piocher pour financer leurs tentatives respectives de domination. On le sait, c'est Sony qui par KO gagne ce second round, avec cette année un grand retour de Nintendo qui selon plusieurs études est repassé en seconde position derrière Microsoft, grâce à sa baisse de prix spectaculaire d'octobre dernier dans le monde entier. Preuve que c'est une formule qui marche : Microsoft serait sur le point de faire exactement la même chose.
Ce que cache un "Nintendo number one".
La question qu'il convient alors de se poser est de savoir si on souhaite que Nintendo soit aussi puissant que Sony sur ce marché, ou bien si on peut se contenter d'une place de second, voire même de troisième, à partir du moment où Nintendo a dans son catalogue les jeux dont on a besoin pour profiter au maximum de notre machine. Il est toujours facile de dire qu'une position de leader n'est pas intéressante quand on ne l'a pas, cela permet de minimiser le fait qu'on n'est pas leader, justement.Dans le cas de Nintendo, ne pas être leader représente pour le moment pas mal d'inconvénients, le fait est qu'il y a aussi des avantages, et pas des moindres, notamment pour Nintendo, dumoins tant que la firme ne nous fera pas un coup "à la Sega" en renoncant au hardware pour se consacrer au software. C'est quelque chose qu'on ne veut pas (voilà qui nous coûterait beaucoup trop cher en équipement à PN si soudain Mario sortait partout, enfin !).
Depuis plusieurs années, chaque fabricant essaie de devenir leader absolu. C'est loin d'être facile dans la mesure où s'attirer les faveurs du public est un effort de longue haleine, sans parler du pari que représente toute campagne de communication : l'originalité ne paie pas forcément, toujours est-il qu'il vaut mieux se faire remarquer que passer inapercu !
Lorsque Sony est entré sur le marché avec la Playstation, le public a très vite été bombardé de messages du comité anti-Playstation. Des spots décalés, avec des signes de reconnaissance comme le salut du Comité, et du second degré très troisième degré : il n'en fallait pas plus pour convaincre les joueurs que la PSOne était la console à avoir absolument !
Second point fort de Sony : le fait que Nintendo et Sega, alors les deux seuls en lice, aient plus ou moins la même stratégie et demandent aux éditeurs d'allonger des sommes folles pour avoir le droit de publier sur leurs machines. Sony arrive comme un chien dans un jeu de quilles, et assomme Nintendo tout en blessant presque mortellement Sega.
Il reste un troisième élément : la marque. Nintendo a toujours voulu jouer sur la notion de jouet pour ses machines, afin de ne pas repousser son principal marché, les jeunes joueurs. Si c'est exactement ce dont Nintendo avait besoin en 1986, c'est loin d'être vrai en 1996. et encore moins en 2004. Sony, créateur du walkman, du mini-disc, est synonyme d'innovation, tandis que Nintendo se retrouve cantonné à un rôle de marchand de jouets.
Cela n'aide pas à devenir Numéro Un. Ce n'est en fait pas vraiment l'objectif que Nintendo devrait rechercher absolument. Il existe en effet un juste milieu entre la domination écrasante d'une Sony Playstation 2 et le flop regrettable d'une Sega Dreamcast ! Il ne fait aucun doute que la vie d'un site comme PN serait différente si son lectorat avait le gabarit du marché de Sony, mais ce n'est pas le cas et il en faudra du temps pour qu'éventuellement la part de marché de l'un rejoigne celle de l'autre.
Et on reparle de différence !
En 2002-2003, Nintendo a misé sur sa différence. Voilà un argument tentant, et pas seulement d'un point de vue marketing, même si c'est finalement ce qui compte pour séduire un maximum d'utilisateurs. Séduire, c'est vendre. Mais pour séduire, on se retrouve parfois à communiquer avec le mauvais message et à non seulement rater l'objectif, mais en plus se mettre à dos le public déjà acquis à sa cause.En misant sur sa différence, Nintendo a prouvé qu'il était possible de baser sa communication non pas sur des fonctionnalités, mais sur des jeux. Le jeu a toujours été la pierre angulaire de Big N, et ce n'est que tout récemment qu'on a saisi l'importance que pouvait revêtir le hardware dans le comportement d'achat des joueurs. Alors que sur Playstation on peut regarder des DVD, danser avec les tapis de danse de Konami, sautiller avec EyeToy, on se retrouve sur GC à se demander s'il est raisonnable d'acheter le modem haut-débit, ou s'il vaut mieux opter pour une carte mémoire officielle ou pour celle d'un sinistre fabricant asiatique. Ce n'est pas très glorieux !
Mais les temps changent, et la mode est à la conquête de marchés de niche: qui d'autres que les musiciens loufoques ou fans invétérés peuvent craquer pour un jeu comme Donkey Konga ? Et d'après les derniers propos de Nintendo, les périphériques vont se multiplier, augmentant d'autant les chances de séduire des utilisateurs qui, normalement, auraient peut-être tourné le dos à Nintendo.
Donkey Konga: quel accueil lui réserveront les Américains ?
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