Relance de la 3DS : Analyse et perspectives

Ne pas décevoir les fans

Mais un fabricant de consoles plus que tout autre acteur du monde du divertissement doit faire très attention quand il décide, ainsi, de sacrifier le prix de sa console sur l'autel de la popularité : car pour le coup, ce sont les 710 000 acquéreurs de 3DS du trimestre qui l'ont mauvaise, sans compter les 3,61 millions d'acheteurs de la consoles en février/mars, à la sortie de la machine. Ces 4,32 millions de clients avaient toutes les raisons de se montrer insatisfaits. Fort heureusement, Nintendo a pensé à tout.

En effet, la firme a imaginé un programme de dédommagement sous forme de jeux gratuits en téléchargement pour dédommager ceux qui auraient payé leur console au prix fort : le programme Ambassadeur Nintendo 3DS permet en effet de télécharger gratuitement vingt jeux sur console virtuelle NES et GBA, deux nouveaux rayons de l'eShop de la console. Pour en profiter, il suffira de connecter sa console à l'eShop avant 23:59 le 11 août 2011, soit jusqu'à la dernière minute avant la baisse de prix effective et officielle de la console.
Ce programme va ainsi permettre aux joueurs de récupérer deux dizaines de jeux : la première sur console virtuelle NES, avec des jeux comme Super Mario Bros., Donkey Kong Jr., Balloon Fight, Ice Climber et The Legend of Zelda, la seconde sur console virtuelle GBA, avec des jeux tels que Super Mario Advance 4 : Super Mario Bros. 3, Mario Kart: Super Circuit, Metroid Fusion, WarioWare, Inc.: Minigame Mania et Mario vs. Donkey Kong.

Nintendo précise que les jeux NES seront proposés à compter du premier septembre, et que les jeux GBA seront quant à eux disponibles d'ici la fin de l'année, sans autre précision pour le moment. Il n'est pas certain que les joueurs auraient acheté ces 20 jeux, mais toujours est-il que l'offre, aussi symbolique soit-elle, est appréciable. Après tout, rien n'oblige Nintendo à dédommager ses clients, si ce n'est sa volonté de plaire à son principal public : les core gamers qui ont craqué pour la console au premier jour !

Quelles leçons pour l'avenir ?

Avec l'accouchement difficile que fut le lancement de la 3DS - il semblerait d'ailleurs que ce ne soit pas tout-à-fait terminé, dans la mesure où on va en quelque sorte assisté à un relancement de la console dans les prochaines semaines, il est certain que Nintendo a énormément appris. Proposer sa console de jeux vidéo à 249 €, voilà qui était en tout cas bien orgueilleux. On aurait pu croire que Nintendo avait savamment pris la mesure de chaque argument, mais il n'en fut rien : convaincu de l'attrait de la 3D seule, Nintendo pensait faire un carton avec nouvelle console. Echaudé par le cinéma en 3D qui n'est pas toujours à la hauteur de la promesse faite aux spectateurs, la 3DS n'a pas réussi à convaincre avec ce seul argument.

De plus, la 3DS n'est finalement rien d'autre qu'une console : à 250 €, le jouet devient un peu cher pour le commun des mortels qui, par les temps qui courent, préfère mieux choisir ses investissements. Oui, un iPhone ou un iPod coûtent en moyenne deux fois plus chers, mais quelles possibilités à côté de la pâlotte console de Nintendo : elle ne fait que console de jeux, elle ! Et d'ailleurs, où sont-ils, les jeux ?

Si Nintendo avait eu des jeux, la situation aurait été toute autre. Or, les jeux, Nintendo ne les avait pas pour le lancement. A notre avis déjà à l'origine du report initial de la console qui, on le pensait, sortirait à l'automne 2010, le manque de jeux a finalement précipité la crise au sein de l'état major de la firme, qui se retrouve du jour au lendemain à jouer les sapeurs pompiers pour essayer de sauver les meubles. Les développeurs de Nintendo EAD sont aujourd'hui contraints aux heures supplémentaires pour permettre à Nintendo de lancer de gros titres d'ici la fin de l'année.

Cet effort demandé aux développeurs de Nintendo, nous le paierons l'année prochaine, quand Nintendo devra compter sur les productions des éditeurs-tiers pour maintenir l'intérêt des joueurs pour la console. Or, à l'heure actuelle, les studios extérieurs se montrent au contraire de plus en plus réticents à poursuivre leurs investissements sur 3DS, en raison du parc installé de consoles qui a du mal à décoller. 2012 pourrait donc être une année très délicate pour la 3DS, car une fois les deux Mario lâchés dans la nature, Nintendo aura besoin d'un nouveau cycle de développement pour nous proposer de nouveaux jeux, c'est-à-dire entre 12 et 18 mois au minimum. Tout danger n'est donc pas, pour l'heure, écarté, et il faudra plus que des mots rassurants d'un PDG pour nous faire croire que Nintendo est capable de fournir un flux régulier de jeux pour sa console.

Ne pas faire de pêché d'orgueil et proposer de nouveaux jeux régulièrement et rapidement après la sortie de la console sont deux leçons que Nintendo devra retenir pour que, l'année prochaine, la sortie de la Wii U ne souffre pas des mêmes maux. Mais on peut être inquiet, dans la mesure où l'un des principaux reproches faits à la Wii - son manque de puissance graphique, est déjà un reproche que l'on fait à la 3DS. Cette réflexion incite à la prudence : Nintendo doit absolument apprendre ses ennemis pour être en mesure d'apporter une réponse satisfaisante au marché, et donc prendre conscience du potentiel non seulement de la PS Vita, mais aussi de ces tablettes tactiles qui, pour l'heure, n'ont pas encore embrassé l'ère de la 3D sans lunettes.

Mais déjà… Une sacrée leçon de marketing !

On se souviendra longtemps de cet épisode de l'histoire de Nintendo où la console voit son prix slashé de 30 à 40% moins de six mois après sa sortie : d'un prix de vente estimé élevé par tous, on est passé à un sentiment de décision pris à la va-vite par la direction de Nintendo, qui fait comme elle peut pour colmater les fuites de son bateau habitué à voguer sur les eaux tranquilles d'un Océan Bleu ! Le cyclone aura pris le Capitaine Iwata de court, et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il va en falloir des bouées pour sauver tous les passagers tombés à la mer, à coups de cadeaux et de remises en tous genres. Plus sérieusement, une baisse de prix intervient généralement en phase de croissance et de mâturité dans le cycle de vie du produit, pas si rapidement en plein lancement d'une machine. D'aucuns y verront que Nintendo a complètement raté son lancement de console, et ils n'auront pas complètement tort : comme quoi une simple erreur sur l'aspect prix du produit peut avoir des conséquences désastreuses, et vite !

Saluons néanmoins le courage de Nintendo, qui contre toute attente, fait là le sacrifice qu'il faut pour corriger le tir. A 170 €, la 3DS devient soudain beaucoup plus séduisante qu'à 250, et la perspective d'y retrouver deux jeux Mario dans quelques mois rend la pilule moins amère ! Ajoutons à cela les cadeaux offerts en dédommagement aux premiers acquéreurs de cette sympathique console, et on obtient là une belle leçon de marketing : on parle rarement de relance quand le produit a moins de 6 mois, alors donnons à Nintendo le bénéfice du doute et considérons que la 3DS est encore en phase de lancement, ou plutôt de relancement.
Les semaines qui viennent nous permettront de voir que Nintendo va appliquer à la lettre une recette éprouvée dans bon nombre de manuels de marketing : en phase de lancement, la société doit faire des dépenses importantes pour faire connaître son produit et l'inciter à acheter la console. Elle doit aussi inciter à l'achat avec un prix défini de façon raisonnable : le prix va définir la catégorie à laquelle le produit va appartenir (valeur fiduciaire contre valeur perçue), mais pas seulement. Avec un prix trop élevé, le risque était grand de tomber dans une catégorie à laquelle on ne veut pourtant pas rattacher la 3DS. A 169,99 €, tout le monde se détend et on peut commencer à discuter ! On notera que Nintendo avait d'autres options comme la création d'un bundle offrant des jeux avec la console, l'ajout d'une carte de points à dépenser sur l'eShop… Au final, Nintendo a opté pour l'argument financier, et doit avoir ses raisons.