Nous sommes dans la cité de Nova Polemos, en 2066. Une ville partagée en six districts, le 1er renfermant les principaux centres d’intérêts et le Parlement, totalement quadrillée par les forces spéciales de police, les autres districts renfermant le reste de la population avec des conditions sociales qui se dégradent.
Pourtant nous ne sommes pas dans une Gotham avec une forte criminalité, au contraire, la population est totalement verrouillée et contrôlée par d’importantes forces de police. Le taux de criminalité est donc faible grâce à ces mesures de sécurité. Dans cet univers sécuritaire, nous suivons la destinée de Mordred Foley, un privé qui a fait envoyer par ses enquêtes plusieurs personnalités sur la chaise électrique et qui s’est attiré pas mal d’ennuis dans le passé.
Une histoire ancienne lui a valu d’être suspecté d’être mouillé à une sombre histoire et faute de preuves suffisantes, il a été acquitté mais reste coupable dans l’opinion populaire. Autant dire que les affaires sont dures pour son petit bureau d’enquête, l’argent manque.
Sa vie, il la partage avec Hera, une jeune femme d’origine grecque qui a émigré à Nova Polemos quand elle avait cinq ans. Une histoire en déliquescence, marquée par le traumatisme d’un tueur en série dont nous apprendrons des morceaux d’histoire peu à peu.
Hera est plongée dans son piano, l’un et l’autre ne vibrent plus, bref une vie ratée qui colle souvent à la peau des privés dans les séries policières. On a un petit côté Blade Runner avec une ville que l’on découvre essentiellement de nuit, avec une pluie régulière. Ciel plombé, vie plombée, carrière plombée, ambiance clairement de série noire.
Pour corser le tout, le chef d'un parti populiste est dans une communication extrémiste très anti-migrant, proche d’un ordre prônant le retour aux valeurs traditionnels et à une certaine pureté. Ce Richard Baker brigue le mandat de la mairie et semble bien placé pour le remporter. Il est une incarnation de toutes les critiques des partis extrémistes de nos sociétés occidentales et on peut lire entre certaines lignes des critiques contre Donal Trump.
Il est accusé d’entretenir des liens avec des brigades qui ont agit avec violence contre des migrants, entraînant la mort de centaines d’entre eux lors de diverses exactions dont a souffert Hera elle-même et sa famille. Foley ne porte clairement pas dans son cœur ce Richard Baker, mais pour lui, tout est business car tous les partis sont pourris.
Aussi, Mordred Foley se retrouve dans une situation très compliquée à gérer lorsque son premier client depuis longtemps vient lui proposer une affaire. Cette personne se trouve être Julie Ward, l’assistante personnelle de Richard Baker, qui lui demande de venir innocenter son patron mêlé à un crime sordide.
Selon elle, Baker est innocent et on veut lui nuire pour l’empêcher d’être élu. S’il accepte, Baker a suffisamment d’influence en haut lieu pour faire disparaître tous les dossiers et charges qui pèsent sur Foley, lui redonnant une quiétude complète.
S’il refuse, le parti politique de Baker, en cas de perte de l’élection, pourrait chercher à se venger des personnalités responsables de cet échec, et Foley pourrait en subir les conséquences…ainsi qu’Héra, dont le statut d’anciennes migrantes pourrait lui causer de nombreux torts.
Refuser est donc risqué pour lui et pour Héra, accepter c’est permettre à un beau salopard de rester à la tête de la mairie de Nova Polemos et de laisser continuer ses exactions autoritaires contre les migrants, chose impossible à accepter pour Héra. Ce sera votre premier choix à faire et régulièrement dans l’aventure, vous serez amené à ces embranchements qui influeront sur la suite des événements et sur vos relations avec certains personnages.
Ajoutons à ce dilemme que l’enquête va très rapidement s’orienter vers le passé de Foley, le crime sur lequel on lui propose d’enquêter a de troublantes similitudes avec le tueur en série qui a profondément remué Foley il y a quelques années. Ce tueur est-il de retour ou est-ce un imitateur ?
Nous voilà lancés dans ce thriller d’investigation, qui propose plus de 150 fils narratifs et trois fins selon le cumul de vos choix, soit une bonne quinzaine d’heures minimum de jeu et de la rejouabilité pour avoir envie de découvrir les implications de choix différents.
Le titre vous propose dix slots de sauvegarde pour jongler dans cette aventure (attention pas une de plus, il faudra écraser d'anciennes sauvegardes pour continuer à enregistrer la suite de votre progression) et ainsi pouvoir sécuriser votre avancée, garder le contrôle en cas d’embranchements et vous permettre de revenir en arrière pour tester autre chose. En cas d’échec, on vous demande juste si vous voulez recommencer depuis votre dernier point de sauvegarde ou si vous voulez stopper.
Régulièrement le détective Foley va être face à des dilemmes moraux : sauver la vie d’une personne en laissant le serial Killer s’échapper et lui permettre de faire de nouvelles victimes ou bien l’abattre quand il en a la possibilité en subissant les conséquences de ce geste.
Le scénario, sans être réellement novateur, pioche dans les classiques de la littérature et du cinéma de genre et n’hésite pas à évoquer différentes thématiques qui posent effectivement question : racisme, sexisme, extrémisme politique, immigration, pouvoir des élites avec un nationalisme exacerbé où le peuple se laisse séduire par un populisme et accepte un état fédéral policier omniprésent.
Quelques poncifs et des personnages un peu caricaturaux, mais le dosage reste équilibré. A chaque fin de chapitre, vous avez le droit à un récapitulatif de vos choix ayant entraîné telle conséquences scénaristiques.
Anglais de bon niveau conseillé
On entre ici dans la difficulté première du jeu. C’est un visuel novel, nous avons donc de nombreux dialogues et l’anglais utilisé est de bon niveau. Pour être sûr de bien comprendre certains passages (chaque détail compte), on s’est parfois installé devant le PC avec un traducteur pour être sûr de ne pas avoir mal interprété.
Donc si vous ne maîtrisez pas l’anglais avec un niveau minimum, ce titre n’est pas fait pour vous. Beaucoup d’informations nous permettent de comprendre le sens général tout de même, vous ne serez pas complètement largué.
L’histoire est partagée en plusieurs chapitres, qui dépendent de vos actions passées. Chaque chapitre vous fera rencontrer de nouveaux personnages, vous donnera accès à de nouveaux lieux sur une carte.
Vos discussions sont consignées dans un carnet, intégré dans une application gouvernementale nommée AquaOS, possédée par chaque habitant de la ville qui reçoit ainsi l’ensemble des informations approuvées par l’état. AquaOS est donc votre interface qui vous donne accès à votre inventaire, la fiche d’information sur chaque personnage rencontré, la liste des lieux accessibles, les différents épisodes rencontrés et pour chacun d’eux la liste des objectifs à remplir pour les clôturer.
Chaque échange avec un personnage se fait via une liste de choix multiples. Ne perdez pas de temps, soyez rapide pour obtenir toutes les réponses avant qu’un événement ne vous empêche par exemple d’obtenir l’intégralité, vous pourrez toujours relire tous les dialogues que vous avez passé en accéléré dans votre carnet, ils sont intégralement consignés (et cela vous laisse ainsi le temps de chercher dans le dico un ou deux mots).
Conseil important pour ne pas être bloqué !
Parfois, lors d’un interrogatoire, vous verrez des mots en surbrillance de couleur sur lequel il faudra appuyer pour déclencher un questionnement plus précis. En général il y en a deux par phrase. Après avoir visualisé toutes les phrases de dialogue complémentaire, on a l’impression d’être bloqué, de ne plus pouvoir avancer.
Il faut en fait passer par répertoire et vos indices (inventaire, fiche des personnages) pour voir que la suite de l’interrogatoire est activée, avec une nouvelle phrase et de nouveaux mots mis en surbrillance. Bugs ou volonté de faire réfléchir, la question est ouverte, on a un peu pataugé pendant quelques minutes avant d’observer que l’on débloquait la situation ainsi.
Régulièrement durant vos dialogues avec votre coéquipière Hera ou un informateur important, vous serez amené à pointer un élément d’un lieu (en général une scène de crime) pour débloquer une phrase vous apportant une nouvelle information. Si ce que vous pointez n’est pas exact, vous recommencerez le petit dialogue pour un nouvel essai. Avec un peu de jugeote, on arrive à cerner assez vite les éléments utiles.
Une enquête très cyberpunk grâce à AquaOS
Lors de votre arrivée sur une scène de crime, vous allez devoir activer dans votre inventaire votre AquaOS personnel, une sorte de bracelet qui scannera toutes les données et vous permettra de voir en représentation holographique la scène de crime telle que trouvée par la police (du moins suivant les accréditations qui vous seront données). Vous pouvez aussi communiquer à distance avec Héra qui pourra vous suggérer certains choix.
En cliquant sur inspecter, vous allez pouvoir mettre en surbrillance automatique différentes zones du lieu que vous souhaitez étudier, en cliquant sur chaque endroit vous obtiendrez différentes informations et parfois vous trouverez des indices utiles pour la suite.
Le scénario commence fort, avec des crimes monstrueux et un serial Killer très connaisseur des différentes histoires mythologiques grecques, chacun de ses crimes faisant référence directe à l’une de ces histoires, ce qui fera réviser vos classiques.
Ce Pandora va vous donner bien du fil à retordre et l’étude des affaires passées et de certains flashbacks vous apporteront de nombreuses informations pour arriver à le coincer.
Le « Living Nightmare »
Foley a une compétence particulière lors d’un interrogatoire, il sent si quelqu’un lui ment. A chaque fois que le visage d’un personnage se couvrira d’un masque monstrueux ou animal, c’est que son interlocuteur lui ment. A vous de tourner la discussion pour fendre la cuirasse de l’autre personne, le déstabiliser et obtenir de lui soit la vérité soit la possibilité de continuer à enquêter tranquillement.
A certains moments, ce système « Living Nightmare » se montre fondamental pour poursuivre l’aventure. Ainsi, vous aurez trois possibilités pour trouver la faille dans les propos de votre interlocuteur sinon vous échouez dans votre enquête et il faudra recommencer l’interrogatoire depuis le début. Vous avez trois yeux au-dessus de votre tête qui se ferment l’un après l’autre en cas d’échec.
Si vous réussissez à trouver la bonne solution, le masque monstrueux de mensonge de votre interlocuteur se délite peu à peu, jusqu’à lui redonner son visage humain, signe qu’il va enfin vous dire toute la vérité. Des passages pas toujours simples à gérer en anglais, mais comme il y a relativement peu d’options possibles, vous y arriverez toujours, la compréhension de l’anglais vous aidant fortement à faire les bons choix.
C'est réussi ! La vérité va éclater !
Quelques mini-jeux pour se changer les idées
Parfois, l’obtention d’une information prend un peu plus de temps et on vous invitera à tester une petite application jeu. Vous aurez ainsi des pièces à orienter de manière à reconstituer un assemblage qui s’emboite parfaitement. Pas compliqué et pas désagréable pour se changer les idées (on est cependant obligé de se les faire, certains regretteront cette distraction obligatoire).
On sent que les développeurs ont dû voir Jigsaw, car le machiavélisme de Pandora en est fortement inspiré. Vous êtes forcés à résoudre des énigmes pour parfois sauver la vie d’un personnage, des phrases vous permettant par exemple de reconstituer un code qui vous donnera accès à une clé salutaire.
Héra vous aidera parfois à faire le point entre les différentes affaires, via un autre petit jeu permettant de cocher les caractéristiques de chaque événement.
Quelques défauts
Un visual novel est typiquement le genre de jeu que l’on emmène avec soi, le côté nomade de la console en fait donc une plateforme de choix. Cependant certains textes sont écrits un peu petits, cela nous a un peu dérangé pour rentrer dans l’histoire au départ.
L’enchaînement des rencontres engendrant les dialogues font que l’on voit un peu toujours les personnages selon les mêmes attitudes. On aurait souhaité voir l’inspecteur Fry (dont nous vous laissons le soin de faire connaissance), la jeune Hera ou le détective Foley avec un peu plus de variation dans les postures.
Le graphisme est peu coloré, on reste dans les tonalités sombres. On sent que les développeurs ont un peu cherché à comment affiner les traits de chaque personnage. Quelques images grands formats mettent en avant les relations entre les personnages, des personnages que l’on ne reconnait pas toujours bien ensuite quand on les retrouve dans notre navigation quotidienne. Ainsi, Hera semble plus voluptueuse lors de ces plans alors que le reste du temps elle se montre comme une jeune femme fragile que le détective couve de peur de la mettre en danger alors qu’elle veut être considérée comme son alter-ego et véritable partenaire.
Mais c’est le détective Mordred Foley qui se montre le plus inconstant dans ses représentations. Parfois décalque de l’acteur ben Affleck la plupart du temps, sa représentation est différente et plus âgée lors de nombreux gros plans. Un petit côté approximatif du chara-design qui n’est pas gênant mais un poil étonnant. Globalement, les développeurs auraient pu pousser un peu plus loin la découverte de chaque personnage, pour nous les rendre un peu plus attachants. Mordred Foley, tout ténébreux qu’il soit, n’arrive pas à la cheville d’un Tex Murphy sur un titre comme Under A Killing Moon, titre ancien culte sur PC.
A noter que nous avons joué au jeu dans sa version 2.0 et qu'hormis le flottement relevé plus tôt dans un interrogatoire avec des mots surlignés, nous n'avons pas constaté de bugs.
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