Polar numérique
Autant ne pas vous faire patienter plus longtemps : Hotel Dusk est un pur chef d'oeuvre... si on aime lire. Davantage écrit et dialogué qu'un Phoenix Wright déjà bavard, Hotel Dusk s'offre le luxe d'être comparé aux grands romans policiers noir des années 20, style Dashiell Hammett ou Raymond Chandler. Ce qui risque de provoquer chez de nombreux joueurs un ennui profond voire un dégoût marqué, il n'empêche que c'est la qualité première de Hotel Dusk : une histoire tenue, complexe, à tiroirs ; des personnages aussi intéressants que construits ; une aventure différente de ce que l'on voit habituellement, un jeu hors du commun en quelques sortes.Et l'allusion à la littérature policière n'est pas sans fondement, puisque la console se tient, à la manière de Brain Age, comme un livre. Ce changement de cadre offre non seulement plus de clarté dans les déplacements mais offre au jeu un style résolument différent : on parle ici de mise en scène, à la manière d'un film de cinéma. Les personnages s'affichent sur chacun des écrans, permettant d'avoir une confrontation directe entre le héros (à gauche) et la personne avec qui il parle (à droite). Une option permet aux gauchers de profiter pleinement du jeu en inversant les écrans.
L'histoire, je l'ai résumée dans l'introduction. Ce grand type déprimé qu'est Kyle Hyde débarque dans l'hôtel et croise des hommes et des femmes qui ont des secrets, des questions, des problèmes. A vous de les résoudre puisque chaque client est connecté - je n'en dirais pas plus pour ne rien gâcher. Chaque chapitre (qui durent généralement 1 heure) se concentre sur un personnage en particulier. L'horloge reste fixe jusqu'à que le joueur débloque une certaine situation ou discute avec telle ou telle personne. Très linéaire, le jeu offre parfois quelques moments de perdition où il est difficile de savoir précisément ce qu'on doit faire et trouble quelque peu le joueur. Heureusement, ces instants se comptent sur les doigts d'une seule main.
Take on Me
Le premier choc que l'on reçoit en lançant Hotel Dusk, est visuel. Le jeu offre tout d'abord un style graphique tout simplement hallucinant et jamais vu dans un jeu vidéo, vaguement ressemblant au clip du groupe norvégien a-ha 'Take on Me'. Les personnages sont simplement crayonnés, parfois légèrement coloriés. Le rendu est assez troublant, surtout lorsqu'on le voit animé. Les contours tressautent, donnant aux personnages forcément statiques (ce sont des discussions tranquilles, pas des scènes d'action) une véritable âme.Parce que c'est vraiment là que Hotel Dusk est une réussite : l'animation. Sans cesse surprenante, elle a nécessité un studio et une quinzaine de dessinateurs. Le résultat est tout simplement bluffant : chaque personnage semble réel, vivant, existe devant nous. Comment ne pas tomber amoureux d'Iris ou de Jeff ? Comment ne pas adorer la petite Mélissa ? Les clients de l'hôtel vont vous sembler, le temps de l'aventure, réels. Il faut être honnête, Hotel Dusk est sûrement le jeu vidéo 2D le mieux animé du moment. Les mimiques, les réactions et les visages de chaque personnage de l'histoire sont hallucinantes de réalisme, collent à l'histoire et participent pleinement à l'aventure. En espérant que la traduction du jeu soit de haute qualité vu le nombre de dialogues.
La partie 3D - vue principalement sur l'écran de gauche - manque parfois de finesse, surtout lorsqu'il s'agit de mélanger 2D et 3D. Certains vont regretter la musique, très easy-listening jazzy qui peut faire crisper des mâchoires. Sans parler de musique d'ascenseur, Hotel Dusk manque d'un peu de caractère de ce côté-là.
Ange ou démon ?
Qui dit aventure... dit énigme. Hotel Dusk se concentre énormément sur les dialogues, délaissant quelques peu les casse-tête et les mini-jeux. Bien sûr, il va falloir faire des puzzles, jouer au bowling ou inspecter certains objets dans tous les sens. Mais ce sont de brefs moments, qui marquent moins que le précédent jeu de Cing : Another Code. D'ailleurs, chaque fin de chapitre sera l'occasion d'un petit brainstorming et d'un questionnaire où le joueur devra vérifier s'il a bien suivi l'histoire... Ashley n'est pas loin.Même si l'aventure semble au premier abord sans risque, il s'avère que Hotel Dusk est un jeu où le game over attend le joueur derrière chaque porte. Une phrase de travers et voilà notre héros mis à la porte. De même, il arrive qu'une certaine énigme soit limitée en 'temps' ou plutôt en tours de jeu : il vous faudra alors vous dépêcher pour ne pas finir l'aventure plus tôt que prévue. Les thèmes abordés sont principalement la vengeance, le grand banditisme, la trahison. Les anges feront partie intégrante de l'histoire, comme le fait deviner le sous-titre japonais : Angel's Memories.
Il ne vous faudra pas plus de quinze heures pour finir l'aventure - ce qui reste une belle durée de vie pour un jeu d'aventure sur console portables. Le jeu permet de sauvegarder à n'importe quel moment, un carnet de notes (un poil difficile à manipuler cela étant) qui résume toutes les discussions et les dernières actions. Ajoutez à cela trois fins différentes et surtout une aventure terriblement agréable - rien ne vous empêche, comme un bon livre, de rejouer à Hotel Dusk encore et encore.
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