Test de Epic Chef : ça sent le brûlé, dommage ça avait l’air bon
Le pétard mouillé ou plutôt la grenouille voulant se faire plus grosse que le bœuf, c’est un peu le destin d’Epic Chef, souhaitant investir astucieusement de nombreux genres mais avec un rythme affreusement orchestré et un style affreux tout court.
TestUn jeu riche en gameplay…
Le jeu s’ouvre dans un contexte assez obscur dans lequel le personnage que l’on incarne est rejeté du bateau qui le transportait comme passager clandestin sur une île habitée de locaux peu hospitaliers, contents de nous reléguer à l’extérieur de la cité, dans une vallée présumée hantée pour vivre dans un manoir délabré. C’est perplexe que l’on entame cette aventure, frappé par des choix artistiques pour le moins singuliers sur lesquels nous reviendrons, avec un personnage pas franchement agréable à manier, d’autant plus que l’univers inhospitalier que l’on investit n’est pas des plus réjouissants.Très vite on comprend de quoi il retourne, cette île aux pirates est certes le théâtre des querelles et des règlements de compte traditionnels de flibustiers mais les affrontements n’en passent pas ici par les coups de sabre mais plutôt les coups de planches à découper, de casseroles et d’assaisonnements. C’est en effet dans le domaine culinaire que l’aventure d’Epic Chef nous plonge, nous amenant à améliorer le quotidien de notre personnage Zest, partant d’une vie misérable pour aller vers la conquête du titre de meilleur chef cuisinier, à la tête de notre propre restaurant.
Au préalable le jeu nous invite à aménager notre ferme afin d’y faire pousser et cultiver les ingrédients futurs servant lors des affrontements culinaires mais aussi pour répondre aux quêtes données par les habitants de la ville. Carottes, pommes de terre, tomates constituent ainsi la base de notre panier garni à utiliser pour préparer une multitude de recettes, toutes plus variées les unes que les autres. Des ingrédients originaux révèlent bien vite que l’on se trouve dans un jeu d’aventure où la magie est omniprésente, permettant de concocter des plats originaux.
La cuisine est le fil rouge de cette aventure. Comment fonctionne-t-elle ? On touche sans doute à ce qui fait la force du titre. Si la culture des légumes, l’élevage des animaux et autres activités agricoles sont simples voire même trop simples et apportent plus de lenteur au titre qu’autre chose, en revanche la préparation des plats et les combats sont quant à eux plus aboutis et redorent le blason du jeu.
Chaque préparation de plat nous place au-dessus de notre poêle, avec les ingrédients à sélectionner. Un plat se compose de trois ingrédients, sachant qu’une sauce peut également s’ajouter à notre préparation. L’intérêt du titre n’est pas de choisir des ingrédients au hasard mais de se servir des trois critères d’évaluation permettant de juger la qualité de notre travail : la puissance (rouge), le caractère (bleu) et le raffinement (jaune). Plus un plat comporte des trois, plus élevé sera notre score et si celui-ci dépasse au cumulé après trois manches celui de notre adversaire, on remporte le duel.
Pour maximiser la qualité des plats, il convient de réfléchir et d’analyser les goûts du juge chargé de gouter les plats. Celui-ci dispose de goûts spécifiques qu’il convient de respecter. De plus, il s’agit de choisir avec soin les combinaisons d’aliments à associer, certaines permettant de maximiser notre score. Ces choix qui font la part belle à la logique, ainsi que la folie contagieuse des personnages lors de ces affrontements, donnent son sel au titre édité par le studio créateur des excellents Overcooked, dont on reste pourtant très loin ne vous y trompez pas.
…gâté par une technique et une mise en œuvre laborieuses
On se trouve en effet bien loin du style très arcade des jeux Overcooked car le plaisir est loin d’être immédiat et instantané comme dans ces derniers : les affrontements culinaires ne constituent en effet qu’une toute petite partie du temps passer à jouer. La très grande partie du temps vous occupe à préparer les affrontements à venir, faisant prospérer votre ferme mais surtout répondant aux sollicitations des nombreux PNJ afin de faire avancer l’histoire.La dimension aventure du titre est omniprésente, le jeu ne manquant pas de dévoiler peu à peu, à force de confiance gagnée auprès de nos voisins, un récit parsemé de transformations en tous genres qui bouleversent même la géographie des lieux. Nous ne vous dévoilerons pas ce qui se trame, sachez seulement que nos rencontres et notre ambition nous permettent de nous forger une place au sein de la communauté jusqu’à devenir propriétaire de notre propre restaurant qui fait rentrer le joueur dans une nouvelle dimension.
Le restaurant introduit une nouvelle étape dans l’aventure. Le joueur ne cuisine plus seulement pour lui-même mais doit contenter des clients donnant des avis suite au passage sur place. Il convient d’alimenter la carte avec des plats à même de satisfaire tous les palais (cela passe naturellement par un équilibre à trouver entre les trois critères de notation culinaires) mais aussi de décorer l’intérieur pour satisfaire des clients exigeants et faire monter la note globale. De quoi donc occuper longuement le joueur mais celui-ci en a-t-il vraiment envie vu la somme de défauts qu’embarque le jeu ?
Quel chemin semé d’embuches en effet jusque-là. Le jeu ne ménage pas ses efforts pour nous faire poser la manette devant tant de lourdeurs, de maladresses et autres bugs fréquents qui peuvent au final totalement réduire notre envie de poursuivre l’aventure. On ne peut en cela décemment encourager le plus grand nombre à essayer le titre au risque de créer chez beaucoup une déception découlant des nombreux ratés que le titre enchaine. Les dialogues par exemple, certes parfaitement localisés en français (on ne peut qu’être admiratif d’ailleurs devant le temps qu’aura demandé ce travail tant les jeux de mots et autres répliques cinglantes et humoristiques fusent), sont si nombreux qu’ils en deviennent incessants, le tout couplé à des bulles de dialogue mal réglées, nous faisant à plusieurs reprises faire des choix de réponse involontaires du fait d’un affichage manuel de la bulle et d’un choix de réponse qui se sélectionne quasi instantanément.
Au chapitre des défauts listons aussi les inventaires très peu ergonomiques, le cycle du temps (le jeu étant un monde régi par un écoulement linéaire heure par heure) beaucoup trop rapide qui ne nous permet d’accomplir qu’un nombre de choses très limité en une journée, sachant que beaucoup d’activités sont aussi sujettes à des horaires précis. Le système d’expérience qui fait lorgner le jeu vers encore un nouveau genre, le RPG (en avait-il seulement besoin ?), est peu inspiré car tout passe par des micro-tâches quotidiennes (faire bronzette, jouer au golf, nager dans la mer…) qui nous octroient des points dans les trois catégories de cuisine (puissance caractère et raffinement), points servant ensuite à multiplier les valeurs du plat que l’on ingurgite… Vous n’avez pas compris ? C’est normal, on a rarement vu aussi complexe pour pas grand-chose, même si on finit par s’en accommoder.
En revanche ce à quoi on ne s’habitue pas c’est définitivement les temps de chargement entre les deux grandes zones du monde : d’un côté la vallée où se trouvent notamment notre ferme et notre maison et de l’autre la ville portuaire. Un tunnel relie les deux et le temps de chargement certes raisonnable (environ 10 secondes) devient vite très pénible en cas d’aller-retour. Citons pour finir le système de sauvegarde d’un autre âge qui nous oblige à attendre la nuit pour nous coucher afin d’enregistrer notre progression. Autant vous dire que vous risquez de pester plus d’une fois en souhaitant interrompre votre session, vous sentant esclave de ce système tout sauf souple.
Reconnaissons que certains points tendent à s’améliorer au fil du temps, notamment les déplacements qui se font plus rapides grâce à l’acquisition d’une monture, très chocobo dans son aspect, permettant de foncer aux quatre coins des environs, pour peu qu’on lui offre de temps à autre des plats cuisinés. De même on finit par prendre le pli des activités et à réguler naturellement le nombre de choses faisables en une journée, accentuant toutefois de manière très artificielle la durée de vie du titre qui s’étire dans une lenteur particulièrement agaçante pour parvenir ne serait-ce qu’à l’étape de l’autonomie à la tête de notre restaurant (n’espérez pas y parvenir avant la quasi 10e heure de jeu).
Un ton original indéniable autant qu’une direction artistique indigeste
Les nombreux défauts listés précédemment font ainsi de ce jeu, au demeurant sympathique, malicieusement écrit, qui témoigne d’un souci d’originalité et d’une certaine folie assez manga dans l’esprit, un vrai acte manqué que la direction artistique ne vient pas rattraper, et c’est le moins que l’on puisse dire. Que penser en effet du charadesign de personnages tous plus indigestes les uns que les autres ? Certes les goûts et les couleurs feront sûrement trouver à certains rares joueurs du charme à ces individus, pour autant on ne peut que déplorer des choix très douteux de personnages assez hideux, sortes de pantins cubiques inquiétants dans leur déplacement, avec des traits grossiers, ainsi que des textures pauvres en détails et très brouillonnes même dans leur exécution. Du clipping et des ralentissements sont aussi occasionnellement de la partie.Ajoutez à cela des bugs à répétition qui témoignent non seulement que le jeu a été mal fini (car voir un personnage marchand flotter dans les airs et être inaccessible et le jour d’après le retrouver avec le derrière à moitié planté dans le sol c’est quand même du bug de compétition) mais aussi sûrement qu’il est trop ambitieux pour ce qu’il est. Les quêtes sont en effet nombreuses, beaucoup entrainant des changements dans l’environnement, avec une certaine liberté offerte au joueur pour l’ordre dans lequel les résoudre, toutefois les développeurs n’ont sûrement pas été en mesure d’envisager tous ces ordres auxquels pouvaient se prêter les joueurs, entraînant les exemples de problèmes mentionnés.
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