Un cocktail des genres au dosage millimétré
Après une gestation pour le moins chaotique, Griflands nous arrive enfin avec un concept audacieux: faire un Roguelike basé sur un système de Deck Building mâtiné de RPG, un mélange des genres qui peut intriguer, pour ne pas dire inquiéter. Alors certes, les développeurs nous ont habitué à des titres peu orthodoxes mais nul n'est à l'abri d'une erreur.
Toutefois, après plusieurs dizaines d'heures de jeu dans le monde de Sal, force est de constater que non seulement la sauce prend mais qu'en plus chaque influence alimente les autres pour les renforcer et offrir ainsi un système à la fois riche et suffisamment polyvalent pour que chaque partie ne ressemble pas à la précédente.
Concrètement le jeu se divise en 2 phases distinctes : d'une part, les phases d'exploration qui permettent de voyager d'une zone à l'autre, interagir avec les PNJ et autres commerçants et où la narration sera prépondérante et d'autre part, les phases de combat qui passent le joueur sur une interface type RPG tour par tour classique et où le système de Deck Building sera déployé avec un certain brio.
Entre convaincre et occire, il faut choisir !
Le système de combat est, dans la forme, assez classique : vous devez au cours du jeu récupérer les meilleurs cartes possibles (chaque carte symbolisant une action offensive, défensive ou encore une altération d'état à infliger à l'ennemi) afin de constituer le deck le plus polyvalent.
Lors des affrontements vous piochez une nouvelle main à chaque tour et devrez choisir la stratégie la plus pertinente selon votre nombre d'action disponible, les intentions de l'adversaire, le tout agrémenté de certaines mécaniques propres à chaque protagonistes.
Si au début vous pourrez vous en sortir sans trop réfléchir, le jeu exigera bientôt de vous que vous maîtrisiez ses différentes mécaniques sous peine de vous retrouver rapidement KO. Mais la grande force et la grande spécificité de Griftlands c'est que le joueur ne dispose pas d'un seul mais de 2 decks : le premier qui sera utilisé lors des combats et le second qui sera dédié aux négociations et autres tentatives de manipulation.
Et ce système de négociation ne se contente pas de reprendre le système de combat standard stricto sensu, le joueur et son adversaire disposent chacun de points de détermination (assimilable à une barre de vie) et le but est de vider ceux de son ennemi avant que ce dernier n'ai réussi à en faire autant.
A cette fin, vous devrez sélectionner des actions allant de la menace à la flatterie en choisissant de cibler directement la détermination de l'adversaire ou ses arguments périphériques qu'il sera parfois plus sage de cibler afin d'éviter certains effets néfastes (renforcement de l'adversaire, dégâts supplémentaires qui seront infligés au joueur, etc).
De la même manière, le joueur sera parfois plus avisé d'employer ses points d'action afin de se renforcer en vu d'une argumentation agressive en se parant lui même d'arguments périphériques.
De fait, ces affrontement seront beaucoup plus subtiles et le joueur devra être d'autant plus patient s'il veut espérer sortir victorieux de l'échange en ayant subit le moins de dommages puisque les points de détermination (tout comme les points de vie) ne se rechargent pas facilement.
Toute chose commence par un choix
Mais là où ce système de combat s'avère particulièrement pertinent, c'est qu'il renforce un des éléments central de Griftlands : le choix.
En effet, quasiment chaque interaction que vous aurez vous proposera de choisir différentes actions allant de l'intervention musclée, l'inaction, la négociation, la trahison ou encore la fuite.
Chacune de ces actions contient ses risques, ses enjeux, ses gains et aura des conséquences directes non seulement sur votre réputation générale mais aussi sur les rapports que vous entretiendrez avec ceux qui subissent directement les effets de vos choix.
Ainsi vous pourrez vous retrouver, comme votre serviteur, dans la délicate situation où lors d'une escorte vous serez alpagué par un bandit qui vous demandera de lui livrer votre protégé (moyennant une belle récompense). Libre à vous, dès lors, de protéger votre client à grand coup d'argument ou à la force des poings, renforçant ce faisant votre réputation auprès de vos commanditaires (et a fortiori de celui dont vous venez de sauver les fesses) mais non sans quelques points de vie ou de détermination perdues, et le tout en vous mettant à dos votre assaillant et ses amis.
Mais vous pourrez également choisir de courageusement livrer votre client et récupérer la récompense en faisant fi du qu'en dira-t-on. Vous vous attirerez de ce fait les foudres de certains, et passerez pour un être dépourvu de toute forme de race.
Cette notion de choix et de conséquences se ressent également dans des aspects plus anecdotiques, ainsi prendre un verre dans le bar de Fssh vous rendra quelques points de déterminations mais vous imposera d'ajouter à votre deck de négociation des cartes malus qui encombreront vos mains lors de vos joutes verbales. Libre à vous alors de les utiliser lors de confrontations pour les détruire (sacrifiant de fait quelques précieuses actions) ou de les faire retirer de votre deck par des professionnels moyennant finances (qui s'épuisent très vite dans le jeu).
Cela n'est qu'un échantillon de tous les choix que vous propose Griftlands et qui vous permettent de totalement vous accaparer l'univers et faire de chaque run une expérience à part entière malgré un scénario scripté qui doit suivre une certaine continuité.
Live. Die. Repeat.
Avec tout cela on en oublierait presque une autre composante importante de Griftlands : le Roguelike. Le but est d'aller le plus loin à chaque partie afin de maîtriser de mieux en mieux le gameplay, et ainsi mieux recommencer la prochaine fois. Qui sait un jour, peut-être en voir le bout ?
Là où le titre fait fort, c'est que contrairement à beaucoup de Roguelikes qui laissent de côté le récit pour se focaliser sur le gameplay, Griftlands jouit au contraire d'une narration abondante, de dialogues travaillés et d'un background étonnamment développé.
Chaque personnage que vous rencontrerez aura une personnalité travaillée et cohérente qui évoluera selon vos actions sans jamais paraître forcée ou (trop) caricaturale. Le grand nombre de personnages vivant à Murder Bay permet suffisamment de variations d'une run à l'autre pour éviter la redondance.
Toutefois, on peut déplorer un certain manque d'équilibre pour le dosage de la difficulté et en particulier de l'évolution de cette dernière qui s'avère assez brutale d'un jour à l'autre de l'aventure. Un constat que l'équipe semble avouer d'elle même par l'ajout d'un mode facile. Celui-ci permet une jouer avec quelques bonus (notamment un boost sur les points de vie et de détermination) qui rendront l'aventure moins rude et gratifiante en amoindrissant notamment l'intérêt du système d'affrontement.
Par ailleurs, sans grande surprise, l'interface du jeu pensée pour le PC perds en confort et en lisibilité dans sa version Switch. Ce qui est un comble vu que le tactile aurait permis une gestion des interfaces identique à ce que propose le jeu sur ordinateur en mode docké.
Manette en main, un certain manque d'intuitivité se ressent dans les contrôles, surtout lors des combats. Il aurait été pertinent, par exemple, de permettre l'utilisation d'un curseur contrôlé par le stick droit lors des joutes pour interagir avec les différentes icônes plutôt que de passer par une combinaison de touches laborieuse. Rien qui empêche de profiter du titre évidemment mais malgré des sessions de plusieurs heures, il peut arriver de confondre les touches régulièrement, rendant les affrontement moins fluides.
Enfin, le jeu dispose d'une direction artistique marquée. Si elle ne sublime pas le titre, la faute notamment à une bande son efficace mais peu marquante, elle lui confère suffisamment de personnalité pour vous permettre de plonger en quelques minutes dans son univers poisseux et tourmenté. Préparez vous à plonger dans un monde où les aliens anthropomorphes côtoient les humains à la gueule cassée dans des environnements futuristes pleins de vie.
Attention cependant aux intéressés, le jeu est actuellement uniquement disponible en anglais sur Switch. Klei nous promet une traduction qui devrait permettre au plus grand nombre de profiter du titre prochainement mais en attendant, prudence pour les non anglophones.
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