Nintendo : un contrecoup boursier prévisible
Nintendo, en retardant la sortie de son premier jeu pour smartphone, s’attendait à la déception des investisseurs. Il reste encore un grand décalage entre ce qu'espère le milieu financier rapidement et le calendrier que Nintendo a tracé jusqu'à présent.
DossierTokyo Stock Exchange just closed for today. Nintendo's share price down 8.97%. Partner DeNA is down 14.93%.— Dr. Serkan Toto (@serkantoto) 29 Octobre 2015
Aveuglement du marché, cela avait été annoncé
Pourquoi une telle chute alors que l’annonce était prévisible ? D’ailleurs, lorsque nous avions fait le tour des rumeurs avant le discours de Monsieur Tatsumi Kimishima, le nouveau Président, nous vous avions fait part de l’analyse de Serkan Toto qui indiquait clairement les choses :1) Il ne fallait pas s’attendre à un grand événement pour le premier titre et surtout pas à l’utilisation d’une grosse IP
2) L’utilisation des grosses IP ne se ferait qu’en 2016.
Et c’est exactement ce qui s’est passé. Cela a frustré les investisseurs de ne pas voir débarquer tout de suite un titre avec un Donkey Kong ou mieux, Mario lui-même.
1) Glad all my Nintendo predictions came true ("announcement soon", surprise and underwhelming 1st app, no Mario, not only F2P apps).— Dr. Serkan Toto (@serkantoto) 29 Octobre 2015
Mais c’était pour eux mettre un peu la charrue avant les bœufs. Monsieur Tatsumi Kimishima, évoquant Miitomo indiquait : "Il existe certes déjà beaucoup d'applications de communication pour smartphone, mais c'est encore quelque chose de différent", s'est borné à assurer M. Kimishima en ne présentant que quelques images de Miitomo.
Nintendo a clairement choisi d’avancer à pas prudent
Deux raisons à cette prudence :Le calendrier
Nous arrivons en fin d’année et les offres de jeux sont déjà pléthoriques. Il n’y a aucune raison de perdre de la visibilité sur un marché neuf pour la marque quand l’offre est la plus concurrentielle. M. Tatsumi Kimishima l’a rappelé, comme le rapportent Les Échos, pour justifier le report de Miitomo et ne le proposer au grand public qu’en mars 2016 :« La fin de l’année est traditionnellement la saison la plus forte pour nos ventes », a rappelé le dirigeant, qui dit vouloir bénéficier d’une période plus calme pour mettre en place efficacement le marketing de lancement autour de ce projet
Avant les jeux, soigner l'accueil des utilisateurs et se mettre à la page des standards actuels (et pourquoi pas de demain)
L’attente étant très forte, Nintendo ne veut pas se rater sur une IP célèbre. Elle veut d’abord installer l’environnement qui fera le lien avec son univers console (d’où l’utilisation des personnages Mii) et préparer le plus efficacement possible la grande plateforme qui unifiera l’ensemble, que cela soit smartphones, console portable ou de salon, NX... en tenant compte des spécificités de tous les continents qui sont loin d’être homogènes dans l’utilisation de l’internet et des réseaux sociaux (voir notre article notamment sur Nintendo et Line, la grande plateforme japonaise).Nintendo ne veut pas faire un coup unique avec un jeu, elle veut capter une nouvelle clientèle et la fidéliser. C’est à la fois une stratégie mondiale (tous les continents) et globale (prise en compte des réseaux existants sur l’ensemble des continents) : ce point-là est capital et doit être le ciment qui accueillera ensuite les jeux, et non l’inverse comme ont pu le souhaiter un peu trop vite les investisseurs.C’est ce décalage que Nintendo avait anticipé qui entraîne la réaction actuelle. La plate-forme MyNintendo n'est pas totalement prête, il y a des aspects techniques à peaufiner, on se donne le temps nécessaire.
2) What I tweeted about the technical problems I heard about pertaining to the platform might be the cause for the delay for that one.— Dr. Serkan Toto (@serkantoto) 29 Octobre 2015
En paraphrasant Miyamoto, on pourrait dire que Nintendo a repris l'adage de son illustre employé : une plateforme retardée sera peut-être bonne un jour ; une mauvaise plateforme sortie sera toujours mauvaise (NDLR, l'adage réelle de M. Miyamoto étant : "un jeu retardé sera peut-être bon un jour ; un mauvais jeu sorti sera toujours mauvais").Les investisseurs sont donc déçus que le premier titre ne soit finalement pas bâti sur l’une des IP emblématiques du groupe, ne comprenant pas l’importance primordiale d’unifier l’interface du système au sein de l’entreprise alors que c’était une demande forte des joueurs. Qui n’a pas râlé dans la difficulté de rattacher le compte Nintendo Network lorsqu’on a plusieurs 3DS (assez courant avec deux enfants) ? Là, avec un système qui allait en plus ajouter les mobiles, cela risquait d’être le grand bazar et une véritable perte de clientèle. Nintendo veut donc d’abord consolider son système et rattraper un vrai retard à ce niveau, plutôt que d’empiler autre chose sur des bases fragiles, afin de créer de bonnes conditions pour encourager les interactions simples entre les joueurs de tout âge (ce côté « casual » qui reste la marque de fabrique de l’entreprise).Le monde de la finance voudrait peser davantage sur les orientations stratégiques des deux groupes
La baisse brutale au niveau de la bourse n’est en fait qu’une correction liée à une bulle autour de l’attente de la concrétisation de l’accord avec DeNA. Si les chiffres semblent impressionnants à la base, ce n’est rien. Comme l’indique le journal Les Échos, une action Nintendo vaut désormais, malgré le plongeon du jour, près de 21 000 yens, contre 11 200 en février. Cela relativise les choses au regard de la hausse connue par l’action Nintendo durant les derniers mois.Une réaction d'abord contre DeNA
En fait, dans cette histoire, c’est surtout DeNA qui paie son léger excès zèle en ayant répété à de nombreuses reprises que l’accord signé avec Nintendo était historique. Rappelons-nous en particulier les déclarations de Shintaro Asako, énergique PDG de DeNA West dans une interview avec Alistdaily (voir dossier DeNA la nouvelle stratégie de Nintendo partie 1) :Ce n’était pas la peine de parler des IP de Nintendo si c’était pour sortir un programme où les IP ne sont pas présentes en quelque sorte. Pire, le programme est une appli, pas un jeu.
On fait également payer à DeNA le retard de My Nintendo. Souvenez-vous lorsque nous avions évoqué les résultats de l’entreprise DeNA publié le 7 août et le jeu des questions-réponses des actionnaires.
La première question était :
Au Japon, il semble que le développement d’applications locales prenne plus de temps que dans le passé. Avez-vous observé cette tendance dans le cycle de développement de vos titres également ?La réponse donnée par le PDG avait été :
Bien que nous ayons connu de légers retards dans le développement de quelques-uns de nos titres, nos équipes au Japon peuvent fournir au moins annuellement 10 titres de première catégorie et de seconde catégorie, incluant les IP majeures.Décryptage de l'époque : DeNA rassure donc ainsi sur les capacités de ses forces vives à proposer sur le marché mobile une certaine quantité de titres annuellement pour ne pas se laisser distancer par la concurrence. Les délais seront tenus, ce qui nous intéresse dans la perspective des 5 titres que le partenariat avec Nintendo doit nous proposer.
Or, on voit que ce n’est pas le cas. Les délais pour des raisons techniques ne sont pas tenus et cela inquiète. Le travail est considérable et les investisseurs sont vite nerveux en cas de glissement de calendrier prévisionnel. Pour eux, ça commence mal cette histoire. En faisant chuter l’action de DeNA de 14,93%, c’est un moyen poli de se les sanctionner en faisant comprendre désormais aux cadres dirigeants deux points :
a) Arrêtez de nous "enfumer" avec vos perspectives économiques, on veut du concret et le concret pour nous les investisseurs c’est du jeu pour mobile avec les IP fortes de Nintendo, pas une vulgaire appli avec des Mii.
b) Tenez vos délais, au boulot, plus de paroles mais des actes.
Une pression ferme sur Nintendo pour la guider vers des rails qu'elle ne veut pas.
Nintendo a toujours été discrète sur ce sujet et n’a pas affirmé qu’elle allait mettre ses IP. La "hype" s’est faite d’elle-même sans que Nintendo s’exprime sur le sujet. Maintenant, oui elle est d’avantage ouverte et se prépare à les mettre en avant, mais en 2016. Miyamoto l’a indiqué lui-même, Nintendo en 2016 sera plus offensif sur ses IP.Mais le président Monsieur Tatsumi Kimishima ne veut pas donner pour le moment les détails, pour ne pas révéler la stratégie ou faciliter la critique si les produits à nouveau ne correspondaient aux souhaits des investisseurs. Il reste donc ferme sur les annonces initiales : le lancement de quatre titres supplémentaires, probablement payants, pour appareils mobiles avant mars 2017, sans révéler si les franchises les plus populaires du groupe seraient déclinées dans ces nouveaux jeux. Le monde financier est persuadé que le seul virage viable pour Nintendo est d’abandonner ce modèle économique qu’elle s’est construite autour de ses consoles, sans grands bénéfices, consoles qui peu à peu perdent du terrain au fil de la migration du marché du jeu vidéo vers les smartphones et les tablettes. Nintendo doit basculer beaucoup plus rapidement vers le seul marché smartphone. Nous serons réservés face à cette vision à court terme, au regard des expériences de Sega et de Konami. L’une est dans le rouge (Sega, qui partage un passé de constructeur avec Nintendo puisqu’ils furent les grands concurrents à une certaine époque), l’autre est dans une très grande santé financière (Konami) mais combien de temps cela continuera-t-il au regard de l’hémorragie interne de ses programmeurs stars (voir dossier 2016 : Vers la lente mort du jeu sur console ?).
Alors la baisse des actions de Nintendo est un moyen d’exercer une amicale pression en essayant de dire à peu près : « Ne faites pas fausse route ! ». Et au passage, on indique qu’on apprécie modérément l’indication de la veille donnée par Nintendo. En effet, mercredi, l’entreprise avait indiqué qu’elle s’attendait à une baisse de son bénéfice net de 16,4%, à 35 milliards de yens (265 millions d’euros), sur l’exercice fiscal allant d’avril 2015 à mars 2016, malgré une hausse probable de 3,7% de son chiffre d’affaires à 570 milliards de yens porté notamment par les solides ventes de sa console 2DS.
Iwata se méfiait de ce monde financier qu’il ne voulait pas voir venir interférer dans les décisions stratégiques de la société. Il avait pris certaines précautions en faisant racheter des actions de l’entreprise pour limiter les risques. Cela se montre aujourd'hui bien utile. Et dans cette lutte face au marché financier, il fallait bien placer à la tête de l'entreprise quelqu'un connaissant parfaitement les mécanismes, quelqu'un venant du milieu de la finance lui-même. Il y avait bien une personne dans le giron de Nintendo répondant immédiatement à ce besoin à court terme pour mettre en place les nouvelles orientations stratégiques de Nintendo : M. Tatsumi Kimishima, l'actuel président de Nintendo, qui aura bien besoin d'avoir les épaules larges et solides.
Sources : Sarkan Toto, news.4399.com, les Échos, BFMTV et nos propres dossiers.
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Je croyais que ce milieu n'était que 3ème dans ce domaine avec en second la politique et en premier les forums de JV.
Dans les forums de JV il y a surtout des psychopathes "secondaires" : plus impulsifs, moins "futés" ^^
Beauf et sexiste, 2 clichés de forumeur en une ligne : JACKPOT
En tant que fan officiel de petites culottes japonaises, je le proclame haut et fort, vos propos sont sexistes.