Puissance-Advance : Hidden Floor est un nouveau studio de développement français. Pouvez-vous rapidement présenter cette toute jeune société ? Pourquoi êtes-vous intéressé par la GameBoy Advance ?
Philippe Rivaillon : Il y a un peu plus de un an, au mois d'avril 2002, Kalisto déposait le bilan et fermait ses portes. Nous étions plusieurs à ne pas vouloir en rester là ! L'idée d'être dispersés aux 4 coins de la France (où du monde...) ne nous tentait que moyennement. Nous avions l'habitude de travailler ensemble et nous avions des projets communs. La seule solution pour continuer ensemble l'aventure, était de faire notre propre jeu ! Nous avions le savoir-faire, les idées... mais pas le financement. Malheureusement, le contexte actuel n'est pas très favorable aux petits studios qui cherchent un financement.
Nous nous sommes orientés vers un projet Gameboy Advance pour plusieurs raisons. La console venait de sortir et était promise à un bel avenir. De plus, les capacités techniques de cette machine permettaient de faire un projet intéressant. Les temps de développement et la taille de l'équipe nécessaire pour mener à bien le développement du jeu restaient raisonnables. Les conditions étaient réunies pour nous permettre l'autofinancement. Nous avons donc commencé l'aventure...
Le but a vite été fixé : nous voulions faire un jeu d'aventure en 3D Isométrique de bonne qualité. La technique devait être au top (beaucoup de sprites affichés, un jeu en 60 images par secondes, des éléments dynamiques intéressant, etc…) et les graphismes alléchants (grande variété, qualité des animations, effets spéciaux, etc). Bien entendu, le GamePlay était l'élément central. Il n'était pas question de faire un jeu de " techniciens ", mais un jeu pour les joueurs.
Les embûches furent nombreuses : nous ne connaissions pas la machine (plus habitués à la Dreamcast et autres Playstation), la quantité de graphismes que nous voulions produire posaient des problèmes (stockage sur la cartouche, mais aussi réalisation) et nous n'avions pas d'outils adaptés. Toutefois, nous nous sommes lancé dans la production et avons réussi à résoudre un à un les différents problèmes. Nous avons développé de bons outils, nous avons étudié la GBA (merci à la période Amiga !) et nous avons designé au mieux le projet pour que les délais soient réalistes.
Il s'en est suivi une période de développement de un an. Nous n'avons pas communiqué pendant cette période pour ne pas se disperser. C'est seulement au mois de juin 2003, que nous avons lancé la construction du site pour faire connaître Back To Stone. Le site a été mis en ligne à la fin du mois de Juillet. Aujourd'hui, le jeu est terminé (il est en phase de débuggage) et nous sommes toujours à la recherche d'un éditeur.
Puissance-Advance : Vous n'êtes pas sans savoir que le monde du jeu vidéo est en crise en ce moment en France. N'est-il pas suicidaire de se lancer dans le développement d'un jeu sans avoir un éditeur dès le départ qui vous soutienne ?
Philippe Rivaillon : Voir plus haut... Mais j'ajouterai que sur GBA les éditeurs ne financent pas de projets à partir de GameDesign. Ils peuvent confier à des studios indépendants des portages ou la production de jeux à licence. Toutefois, vous savez certainement comment ça marche : on ne fait confiance qu'aux personnes qui ont déjà fait ! En gros, nous n'avions pas le choix...
En ce qui concerne la crise du jeu vidéo en France, nous en subissons effectivement les conséquences aujourd'hui. La situation est particulièrement critique chez les petits développeurs et les petits éditeurs. Les plus gros restent pour leur part très timides. Toutefois, des associations telles que l'APOM, JIRAF ou l'AFJV se sont montées et tentent de soutenir le jeu vidéo français. Le gouvernement s'est lui même aperçu du problème et commence à prendre des mesures. Il n'y a plus qu'à espérer que cette prise de conscience porte ses fruits... sinon, nous serons bientôt obligé d'exercer notre métier passionnant à l'étranger. Ce serait dommage... on est loin de la période d'euphorie où on entendait même parler de la "French touch".
Puissance-Advance : Est-ce difficile de développer sur GBA ?
Philippe Rivaillon : Chaque support a ses spécificités. Sur GBA, les deux principales difficultés sont liées à la puissance de la machine et à la taille des données.
La GBA est une console plus à l'aise pour la 2D et sa puissance, bien que satisfaisante, reste limitée. Pour donner un ordre de grandeur, la GBA est environ 4 fois plus puissante qu'un Amiga 500, mais 100 fois moins puissante qu'une Dreamcast... et 400 fois moins puissante qu'un P4 1500Mhz. Bref, il faut savoir utiliser au mieux la puissance de la machine et ne pas hésiter à coder en assembleur, "au raz du métal" !
En ce qui concerne la taille des données, une cartouche de 8 Mo a été nécessaire pour Back To Stone... Malgré tout, il a fallu être très vigilant pour ne pas dépasser cette taille. L'utilisation d'algorithmes de compression a été nécessaire afin de rester dans les 8 Mo impartis.
Toutefois, je conclurai en disant que la véritable difficulté lors d'un développement ne vient pas réellement de la machine, mais plutôt de la manière dont on compte l'exploiter.
Puissance-Advance : Quels sont les technologies que vous avez développées pour faire Back To Stone ?
Philippe Rivaillon : Comme je l'ai précisé, nous avons développé de nombreux outils pour éditer et compiler les Map en 3D isométriques de Back To Stone (Edition du décor, placement des monstres et des objets, édition des trajectoires, placement de revêtements, etc...). Nous avons également réalisé un langage de script permettant d'éditer de manière simple le scénario du jeu, et les comportements de certains personnages.
Au niveau du moteur de jeu lui-même, nous avons développé une technique particulière d'affichage des sprites et du décors de manière à pouvoir soutenir le 60 images par secondes tout en conservant une grande qualité graphique.
Puissance-Advance : Comptez-vous par la suite travailler sur d'autres plate formes ?
Philippe Rivaillon : En fait, nous avons déjà tous développé sur d'autres plates formes (Amiga, PC, DreamCast, PSX 1 et 2). J'espère que nous aurons l'opportunité de réaliser d'autres jeux sur GBA. Toutefois, je pense que le développement d'une grosse production sur une console 3D finira bien par nous démanger à nouveau un jour !
Puissance-Advance : Que pensez-vous de la PSP ? Vous plairait-il de travailler sur cette console ?
Philippe Rivaillon : Les informations dont nous disposons concernant la PSP sont assez étonnantes ! Un développement sur une telle console pourrait effectivement être très intéressant.
Puissance-Advance : Merci beaucoup pour avoir répondu à toutes nos questions. Avez-vous quelque chose à dire à nos lecteurs ?
Philippe Rivaillon : Nous gardons la passion du développement : gardez la passion du jeu !
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