Monsieur Coup-de-Pied
Ce qui frappe d’emblée en mettant les mains sur le titre, c’est son aspect visuel. Les traits simplistes et les formes colorées rappellent les livres de la petite enfance, tandis que les animations dénotent une attention toute particulière du studio à rendre l’environnement vivant et ludique : des ballons traînent et n’attendent qu’un pied pour valser à l'autre bout de l'écran, les fleurs frémissent à notre passage, les PNJ se laissent marcher dessus et pousser, avant de se remettre à leur place, parfois en se plaignant du traitement qui leur a été réservé.
En effet, ils ne tarderont pas à recevoir des coups de pieds, tout simplement parce qu’il s’agit d’une des rares actions que le joueur peut faire avec cet avatar si étrange. Nommé Piku, ce personnage d’un rouge vif, composé d’une tête ovale et de deux jambes élastiques, semble sorti tout droit des dessins de votre petit cousin.
Pourtant, malgré son air bonhomme et fort attachant – que vient renforcer son impression de panique lors des chutes un peu hautes –, ce personnage est absolument terrifiant pour les premiers personnages que nous rencontrons. Sorti d’une grotte servant de tutoriel dans laquelle il a été réveillé par un fantôme, notre personnage est considéré comme un monstre par les habitants du village d’à côté qui l’enferment dans une cage avant de le libérer, trouvant qu’il ne fait pas si peur.
Puzzle et missions
C’est là que vous êtes libre de vos mouvements et que l’aventure peut commencer. Il vous faudra rendre service aux habitants du village pour trouver un nouveau chapeau qui vous permettra d’accéder à de nouvelles zones. Le chapeau arrosoir, par exemple, permet de faire pousser des fleurs et ainsi de les transformer en plateformes. À part les missions principales, vous pourrez trouver des zones où vous attendent des énigmes, des défis à relever, afin de gagner des trophées ou des objets.
Le jeu réussit à se renouveler dans sa formule en proposant aussi bien des environnements différents que des défis variés : énigmes à base d’explosifs, de boutons à actionner dans un certain ordre, jeux d’adresse où il faut se balancer d’un crochet à l’autre avec ses jambes, éviter des pièges, faire un concours de danse avec un robot dans un jeu de rythme minimaliste…
Au détour d’une mini-séquence où il vous faut creuser pour retrouver une clé, vous voilà transporté dans un jeu NES, comme en attestent les graphismes huit bits et le cheaptune d’époque. Même si le jeu est court, il sait donc renouveler votre intérêt par des phases aussi agréables que rafraîchissantes.
L’histoire principale se finit assez vite (4-5 heures) mais des quêtes annexes ainsi que différents secrets viendront étendre l’expérience de jeu, tout comme qu’un mode coop qui testera vos compétences logiques au cours d’énigmes à résoudre à deux. C’est là qu’intervient le deuxième personnage, Niku, qui viendra prêter main forte à Piku. Un plus appréciable qui, à la suite de Snipperclips, vous plonge à deux dans un univers halluciné fait de puzzles colorés.
Drôle et intelligent
Mais c’est aussi par son écriture que Pikuniku se distingue. Doté d’un humour entre nonsense et pince-sans-rire, chargé de préoccupations et de thèmes actuels (le travail, l’environnement), le jeu ne sonne jamais faux dans ses dialogues bourrés d’ironie. Un robot qui se plaint de ses conditions de travail, une feuille qui se rappelle d’une chenille qu’elle a fréquentée… Vous rencontrerez de nombreuses situations qui vous arracheront un sourire.
Le tout emballé dans une histoire efficace : les habitants d’une île se sont tous mis à travailler pour Sunshine Inc., une entreprise qui promet de l’« argent gratuit » en échange de toutes les choses dont ils veulent bien se débarrasser : leurs récoltes, leurs arbres, leur eau… Des robots viennent collecter ces objets avant de faire pleuvoir des pièces, mais les habitants des différentes villes se rendront vite compte qu’ils ne peuvent rien faire de cet argent, et que ce qu’ils vendent leur serait plus utile. C’est autour de ce constat que s’organise une sorte de résistance.
Le souci du détail
Au-delà de l’histoire, bien menée sans être invasive, c’est l’ensemble du jeu qui dénote chez le studio un souci de bien faire. Comme dit plus haut, le monde donne l’impression d’être cohérent : chaque objet réagit à la gravité, aux collisions, et peut être manipulé assez facilement du moment qu’on prend le coup de main ; le sound design est très agréable, chaque mouvement ayant son bruitage qui vient vous chatouiller l’oreille, et la musique, bien pêchue, oscillant entre électro et dance, rappelle étrangement, par moments, la BO de Yoshi's Island. On appréciera, sur Switch, le support des vibrations HD.
En voyant de plus près, on se rend même compte que les graphismes ne sont pas si évidents qu’au premier abord. On croirait à un jeu en 2D, mais les courbes des personnages ne le sont pas vraiment : il s’agit en réalité de formes dessinées de manière vectorielle, permettant une manipulation plus aisée, des zoom soudains sans perte de qualité et une fluidité dans les mouvements qui vient parfaire l’expérience de jeu. Tout se passe comme si on avait affaire à des assets 3D dépourvus de shaders et aux couleurs très contrastées, le tout posé sur un décors 2D. Ainsi, de là où on se trouve, on a l’impression d’un jeu en 2D. Le moment où l’on s’en rend le plus compte est la rencontre de la Maman des vers de terre (car oui, il y a une Maman des vers de terre). Mais peut-être que je me trompe. Quoi qu’il en soit, la technique employée donne au tout une fluidité qui viendra caresser la rétine du joueur.
Fluidité, cependant, pas toujours au rendez-vous. J’ai remarqué, lors de l’exploration de larges zones, de légères baisses de framerate qui semblent venir du chargement d’éléments. Rien de gênant en soi, mais ces moments font sortir un peu du trip dans lequel Sectordub et Devolver Digital ont bien voulu nous entraîner.
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