Test de Youtubers Life 2 : ET ÇA TOURNE MAL !
« Le jeu Youtubers Life premier du nom a une suite… ET ÇA TOURNE MAL ! » Voilà le titre racoleur qu’on retrouverait typiquement dans ce nouveau jeu qui entend surfer sur l’engouement autour du métier de Youtubeur. Décryptage !
TestVis ma vie de célébrité en devenir
Le succès des jeux de simulation n’est plus à démontrer, ceux-ci existent aujourd’hui sur tous les sujets possibles et il est assez logique que la sphère des vidéastes-influenceurs bénéficie aussi de son propre jeu. L’aventure commence ainsi avec la création de notre avatar. La personnalisation des traits physiques n’est pas très poussée mais offre, grâce aux graphismes colorés et plaisants du jeu, reconnaissons-lui cela, de se forger un personnage haut en couleurs.C’est ensuite que les choses se gâtent, on se retrouve en effet projeté dans une ville divisée en trois quartiers qui n’est pas sans rappeler l’atmosphère des Sims. Le jeu créé par Maxis revient en effet fréquemment à l’esprit car il convient là aussi de faire évoluer notre personnage dans l’agglomération peuplée de personnages au caractère bien trempé (nous y reviendrons), tout en veillant à s’occuper de ses besoins.
Là-dessus n’attendez toutefois rien de bien développé, une simple barre d’énergie est à surveiller. Pour autant, aussi rudimentaire ce système soit-il, il s’avère totalement omniprésent et participe à alourdir un jeu qui ne distingue pas par son ergonomie.
Une fois arrivé en ville, on se retrouve pris en charge par notre agent Xavier qui nous trouve une maison dans un des trois quartiers et nous somme prier de commencer à produire du contenu vidéo pour alimenter une chaine NewTube fraichement créée (mais pourquoi nous au fait ?
Parce que nous avons été remarqués en finissant le premier Youtubers life, manière de féliciter les fans de la franchise). Accompagné d’un petit robot/drone assistant pour compagnon, nous voilà lâché avec notre téléphone portable et comme seule limite notre imagination pour tenter de devenir le « youtuber » le plus populaire de la ville.
NewTubeCity s’avère concentrer un nombre d’influenceurs au mètre carré impressionnant, les meilleurs (classement omniprésent dans le jeu oblige) totalisant plusieurs dizaines de dizaines de milliers de vues et d’abonnés. La concurrence s’annonce féroce et on s’attend alors à pouvoir faire marcher notre imagination et proposer des idées originales, du contenu qui sort de l’ordinaire pour se démarquer.
Sauf que la voie choisie par Youtubers Life 2 est toute autre. Il ne s’agit en rien d’un jeu incubateur de talent, accompagnant l’aspirant vidéaste pour tester ses idées et s’entrainer à l’enregistrement et au montage de ses créations, pour plus tard rejoindre le vrai YouTube. Insistons sur ce point, il n’en est absolument rien mais alors rien du tout.
Si l’on s’amuse en effet au début à chercher un nom de chaîne original, il s’avère en réalité que le jeu nous prend la main de A à Z pour produire un contenu défiant le néant en termes de créativité. Au programme : #NouvelleInstallation, #Vlog, #Commentaire (on notera au passage les mauvaises traductions du jeu qui, quand il ne laisse pas passer des textes en anglais, propose des traductions qui ne veulent rien dire) et n’espérez pas ou peu davantage.
Jamais le contenu en tant que tel des vidéos n’est évoqué. On fait des vidéos où l’on s’adresse aux abonnés mais à propos de quoi ? Grand mystère. On filme des vlogs à l’extérieur ou bien effectuons des interviews mais sur quels sujets ? Là aussi à aucun moment le jeu ne nous permet de le savoir. La seule action à effectuer lors de l’enregistrement des vidéos est de choisir à plusieurs reprises quelles émotions notre personnage ressent.
Les réactions sont d’un cliché qui dépasse l’entendement et surfent sur des codes actuels de YouTube extrêmement formatés (ex : l’usage de MAJUSCULES À OUTRANCE pour attirer l’attention, les formules comme « et ça tourne mal », les fous rires, la prétention, la méchanceté gratuite…), tout pour produire un contenu excentrique et amasser le plus de vues, d’abonnés et d’argent.
Nerf de la guerre oblige, l’argent régit tout le jeu. Il nous permet d’acheter du matériel pour faire des vidéos, des accessoires pour notre apparence et de la nourriture pour remonter cette maudite barre d’énergie.
Au chapitre technique : au secours
Si au moins le titre offrait une technique irréprochable, peut-être serait-il alors plus agréable d’avancer dans cette longue aventure. La durée de vie du titre est en effet conséquente, le jeu avançant selon les jours de la semaine à travers quatre saisons, chaque jour proposant son lot de tendances, rythmées par les hashtags quotidiens.C’est là aussi une autre critique que l’on peut formuler à l’encontre du titre : notre personnage est affreusement passif et totalement dépendant des tendances : tel jeu est tendance, alors il faut faire une session de gaming dessus, tel endroit est sous le feu des projecteurs, il faut immédiatement s’y rendre et enregistrer un vlog.
À aucun moment nous ne pouvons décider de sortir des sentiers battus et proposer du contenu original au risque de ne pas rencontrer le succès et se voir remonter les bretelles par le jeu via notre robot assistant ou notre manager Xavier. Mouton tu es et mouton tu resteras.
À expérience longue on aurait au moins pu espérer une optimisation parfaite mais malheureusement il n’en est rien. Visiblement le jeu n’a pas été pensé en termes de confort pour le joueur.
Les temps de chargement y sont omniprésents : chaque entrée dans un bâtiment et chaque déplacement entre les trois quartiers imposent un temps d’attente assez long (comptez 10 à 15 secondes) et cassant l’envie parfois même d’aller à tel endroit tant on sait que cela risque d’engendrer des chargements pénibles.
Citons aussi le système de sauvegarde d’un autre âge : oubliez la possibilité de sauvegarder quand bon vous semble, le jeu n’enregistre la partie qu’après une nuit de sommeil, autant dire qu’il faut particulièrement bien calculer son coup si l’on souhaite arrêter une session et surtout prier pour que le jeu ne freeze pas, vous faisant alors perdre la totalité des activités faites dans la journée (expérience vécue).
Mentionnons enfin la gestion du temps dans le jeu, avec d’une part l’horloge interne qui fait avancer le déroulement de la journée à vitesse grand V, ne laissant que peu de temps pour faire des activités avant la tombée du jour (d’autant plus que certaines activités ne sont possibles que de jour ou selon des heures précises) et d’autre part la gestion de notre énergie. Ce point est définitivement le point le plus agaçant du titre : notre personnage perd à peu près toute énergie en enregistrant une vidéo et en l’éditant, n’espérez ensuite ne plus pouvoir faire grand-chose, sauf à se trainer jusqu’à un restaurant pour engloutir un plat couteux et faire remonter cette maudite barre d’énergie.
Bien sûr le titre s’accompagne de bugs d’affichage, d’une ergonomie discutable (quid de l’inventaire et de la gestion des objets à placer dans son intérieur) et d’une traduction passablement mauvaise.
Le jeu ne s’en tire finalement que sur le versant graphique, adoptant avec assez peu de discrétion, la direction artistique des récents Pokémon Let's Go Pikachu et Evoli et plus anciennement du jeu MySims sur Wii (auquel il emprunte d’ailleurs ses temps de chargement indigestes) mais aussi naturellement à Animal Crossing New Horizons qui semble être devenu un modèle incontournable pour beaucoup de nouveaux jeux… mais souvent en moins bien (pour trois raisons ici : l’ergonomie des menus dans la personnalisation de son domicile, les relations avec les personnages et la qualité des dialogues et plus généralement l’écriture du titre).
Une vision totalement superficielle
À qui un tel jeu se destine-t-il donc ? Évidemment à tout youtubeur qui aurait envie de prolonger son expérience au-delà du vrai YouTube. On lui recommandera alors de ne pas être allergique au contenu facile, aux réseaux sociaux omniprésents et plus généralement à un mode de vie très oisif fait de superficialité.Que dire en effet d’un avatar qui passe sa journée à courir (ou rouler à l’aide des trottinettes en libre-service disponibles un peu partout mais seulement empruntables après avoir passé son permis officiel de trottinette délivré par l’Hôtel de ville) derrière les dernières tendances, à produire des vidéos faciles avec pour seul contenu les fous rires, l’égo surdimensionné, réclamer des abonnés et enfin à alimenter sa page « Instalife » (Instagram vous avez compris) de photos et vidéos en toutes occasions ?
On s’interroge alors sérieusement sur l’intérêt que peuvent en tirer les jeunes fans en quête d’un jeu qui les rapprocherait un peu du quotidien de leurs idoles d’Internet et leur permettrait de toucher du doigt ce métier vendu ici comme facile et à l’argent rapide ? Notre avis n’a guère évolué vers le mieux au fil de nos heures de jeu, pire, on comprend que la morale distillée dans Youtubers Life 2 n’a rien de très reluisante.
Mentionnons deux points assez significatifs : le premier s’agissant du rapport à autrui et le second du modèle de vie défendu par le titre.
On ne peut qu’être atterré devant les dialogues qui s’enchainent dans le jeu. Les PNJ, présents en grand nombre en ville et dans tous les lieux que l’on visite, représentent à merveille la société individualiste et autocentrée de NewTubeCity. Pour être concret, n’espérez pas avoir de bonnes relations avec ces personnages qui, s’ils daignent vous parler, sont bien plus souvent froids pour ne pas dire peu sympathiques voire carrément insultants dès les premiers échanges.
Certes les développeurs ont prévu le fait que les relations sont censées s’améliorer, à travers un cœur qui se remplit au fur et à mesure qu’on discute et qu’on remplit des tâches mais est-ce normal de se voir asséner un beau « casse-toi » ou équivalents gratuitement lors de nos échanges ? Pour un jeu de simulation de vie, voilà que les haters tant décriés des réseaux sociaux pénètrent dans le quotidien. On ne félicite pas l’idée.
Que penser enfin de la nature même de notre personnage et du modèle de vie qu’il suit. Nous sommes en effet sérieusement en train de diriger ce qui s’apparente le plus à un jeune voire un très jeune personnage, pourtant celui-ci est projeté dans une ville où il est contraint de faire des vidéos, vivant dans une maison donnée/imposée par un agent qui dicte nos faits et gestes, nous retrouvant sans aucun argent et obligé d’effectuer des tâches de livraison fastidieuses pour se nourrir, avec pour seuls moyens les restaurants populaires du coin où prendre des plats à emporter (donnez-nous les coordonnées exactes de cette NewTubeCity pour que nous n’ayons jamais à y mettre les pieds !).
En sommes, s’agissant du modèle suivi par le jeu la déception est de mise, a fortiori car la comparaison avec le premier Youtubers Life qui, s’il ne brillait pas sur tous les points, proposait une expérience teintée d’RPG, avec des possibilités d’agir et influer sur le contenu vidéo que l’on propose plus poussé. Au contraire Youtubers Life 2 semble emprunter une voie qui le fait beaucoup ressembler à un jeu mobile où le joueur est invité à se connecter une fois par jour pour effectuer quelques tâches en étant surtout spectateur, avec bien souvent le peu de profondeur qui l’accompagne. Certainement pas donc une expérience invitant à laisser libre court à sa créativité.
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