The Raven Remastered : un Poirot suisse pour coincer un corbeau
Un titre qui rend hommage aux œuvres d'Agatha Christie et nous propose un point'n click policier de facture très classique, avec une histoire globalement de qualité, entachée cependant par quelques défauts ergonomiques pénibles.
TestUne histoire truffée de références
Le Corbeau est un célèbre cambrioleur qui a organisé dans le passé quelques coups mémorables ayant fait vibrer les tabloïds du monde entier. Une course poursuite avec la police qui s'est arrêtée brutalement lors d'une opération menée par le jeune inspecteur français Legrand, ayant conduit à la mort du Corbeau. Ce succès a propulsé la carrière de Legrand mais ce dernier a toujours conservé un doute sur cette fin tragique.Cinq ans plus tard, le vol d'un précieux rubis à Londres relance les interrogations. Le voleur a signé son forfait à la manière du Corbeau mais son mode opératoire a changé : lui qui était d'ordinaire fin stratège agissant sans violence a cette fois usé d'explosifs ayant entraîné de terribles dégâts et blessé des agents.
Est-ce le retour d'un légende vivante ou une nouvelle personne se faisant passer pour lui (peut-être par hommage) ? L'homme se montre terriblement dangereux et Legrand est donc remis dans le circuit pour tenter de l'arrêter une fois pour toute. Le joyaux dérobé a un petit frère, et les deux pierres devaient être exceptionnellement réunies lors d'une grande exposition au Caire.
Devant être transportée en train jusqu'à Venise, la pierre doit ensuite être acheminée par bateau jusqu'au Caire pour rejoindre une salle dédiée sous très haute protection. L'histoire se focalise sur ce jeu du chat et de la souris où Legrand doit tout faire pour tenter d'empêcher le Corbeau de voler la seconde pierre. Beaucoup de pression repose sur Legrand, qui va voir débarquer dans son enquête le rondouillard agent Zellner, à l'esprit de déduction bien affûté.
Si le scénario reste classique et les événements globalement prévisibles, l'univers de The Raven reproduit l'univers suranné de la célèbre romancière anglaise Agatha Christie et nous projette au début des années 60. Orient Express, Egypte, un petit monde en huis-clos, un meurtre, une vieille romancière qui n'est que le double virtuelle de Mme Christie (Lady Westmacott étant le pseudo d'Agatha), on est en terrain connu, le point d'orgue étant l'agent Zellner, un policier suisse et non belge pour cette histoire, copie visuelle fidèle du personnage d'Hercule Poirot joué par l'acteur David Suchet dans la désormais célèbre série télévisée.
Zellner est un agent dépêché par son gouvernement lors de la traversée des Alpes suisses par le train. Fin observateur, cette mission est pour ce quinquagénaire cardiaque (comme Poirot) l'occasion de peut-être réussir quelque chose de fort dans sa carrière jusqu'à présent sans relief. Sceptique sur les capacités réelles de Zellner, Legrand accepte cependant qu'il aille farfouiller à sa guise, à condition de ne pas compromettre son propre travail et le piège que le français a mis au point pour arrêter le Corbeau.
Une interface et un gameplay très classiques
L'histoire se décompose en 3 chapitres, chacun séparé en plusieurs épisodes. L'action pas trop difficile vous prendra entre 8 à 10 heures avant d'admirer sa conclusion finale. Vous allez pendant une grande partie de l'aventure gérer les actions de l'agent Zellner mais, petite surprise, au moment où cela va sentir le roussi pour lui, vous allez être amené à diriger successivement d'autres personnages qui vont apporter de nouveaux éclairages sur certains passages de cette enquête.Classiquement, vous déambulez dans chaque pièce en scrutant tout ce qui peut l'être (une loupe apparaît sur un objet apportant un élément narratif, une main indique une interaction possible), vous pouvez ramasser certains objets pour vous en servir par la suite (ou les associer entre eux, tout ceci logiquement, pas de lien tiré par les cheveux dans ce jeu), et bien évidemment vous allez devoir discuter avec l'ensemble des personnages croisés, certaines options narratives vous permettant d'orienter le débat et obtenir un peu plus de votre interlocuteur. Il ne faut donc pas hésiter à parler avec tout le monde et ce parfois plusieurs fois pour épuiser toutes les possibilités de dialogues qui vous permettront d'avancer dans l'histoire et débloquer certaines situations.
Les informations utiles sont automatiquement consignées dans votre porte-feuille, consultable en permanence par la touche - de votre Joy-Con gauche, puis en appuyant sur ZL et ZR pour passer en revue les différentes rubriques : vos notes sur chaque personnage, les indices récoltés.
Chaque avancée vous apporte des points et si vous êtes bloqué, la relecture de votre carnet pourra mettre en évidence certaines pistes pour avancer, ce qui grèvera légèrement votre score. Moins vous recourez aux indices, plus votre score sera élevé.
Bon cela reste peu important car tout est logique et vous verrez très vite que lorsque vous êtes bloqué, c'est que vous avez oublié de scruter quelque chose ou qu'un problème ergonomique du jeu vous a empêché de voir une action réalisable la première fois. Nous reviendrons sur cet aspect un peu plus tard.
La touche + vous permet d'entrer dans les options (gestion des sauvegardes en particulier), choix de la langue parlée (uniquement anglais ou allemand) et des sous-titres (ouf le français est disponible), le casting vocal est globalement convaincant dans ses intonations. Vous pourrez aussi accéder à divers bonus, comme des informations autour des recherches pour modéliser les personnages, des croquis, les musiques, la cinématique d'ouverture, bref une petite valeur ajoutée pour justifier la mention remastered.
Les actions sont à valider avec la touche A, l'ouverture de l'inventaire avec la touche Y. Attention cependant à d'abord cliquer sur un objet puis d'ouvrir l'inventaire pour utiliser une de vos possessions et interagir. Cela nécessite un petit coup de main sur certains passages.
Pour varier l'aventure, vous serez parfois amené à résoudre un casse-tête : déformer une tige de fer pour crocheter le mécanisme d'une serrure d'un important bureau, tourner un mécanisme ancien pour ouvrir une porte secrète ou comparer deux douilles au microscope pour vérifier qu'elles proviennent de la même arme en sont quelques exemples.
Si vous manquez votre action, vous pourrez recommencer à l'endroit où vous avez échoué sans tout refaire.
Une ergonomie en berne et un visuel tristounet
Malheureusement, si le jeu possède un potentiel très intéressant, la réalisation technique décevante plombe un peu l'ensemble alors que nous sommes face à une version remasterisée.La première réserve concerne la modélisation des personnages. Usant de textures pas franchement fines et parfois d'éclairage sur la peau très artificiel, on a l'impression d'être revenu plus de dix ans en arrière. Un titre PC comme l’île noyée de Benoit Sokal datant de 2007 est bien plus beau. Ici les personnages sont raides dans leurs déplacements, mention spéciale à notre agent Zellner qui semble avoir une gros souci pour marcher droit, sa physionomie rondouillarde n'excusant pas tout, cela fait une impression désagréable pour un remaster de 2019, on ne boxe clairement pas dans la même catégorie qu'un Assassin's Creed ou tout simplement un Syberia voire même d'un Secret Files : Tungunska.
Une franche déception pour cette ambiance graphique rétro et paresseuse (ok c'est Poirot mais quand même) au regard des compétences de l'éditeur THQ Nordic capable de nous en mettre plein les yeux avec des titres comme Darksiders.
Mais si on peut faire fi de cela au regard de la qualité du pitch de départ, d'autres détails dérangent. Des personnages croisés bien caricaturaux (et encore une fois les Français ne sont clairement pas mis à l'honneur) qui font que l'on ne tisse guère de sympathie pour eux au cours de l'histoire, hormis Zellner.
Un étrange découpage en chapitres de l'histoire (on aurait pu penser que le chapitre 1 se termine à la fin de l'action sur le train mais non), une aventure qui se devine assez vite (faut pas être très perspicace pour comprendre qui est le Corbeau même si l'histoire tente quelques fausses pistes), une musique rétro qui correspond à l'ambiance mais peu variée. Cela peut déjà suffire à faire quitter le navire certains joueurs, mais la plus grosse déception reste la gestion ergonomique.
Alors que le jeu a mis à profit les quelques mois de sortie pour recevoir quelques mises à jour ayant corrigé de nombreux bugs de jeunesse (il reste quelques bizarreries graphiques dans la chambre de l'inspecteur), on peste parfois sur la gestion des objets particulièrement brouillonne dans certaines scènes (mention spéciale à un triple casier à fouiller dans la soute du navire, pas évident de prendre du premier coup celui le plus à droite contenant de précieux objets pour la suite). La scène où l'on doit faire correspondre les deux douilles est un exemple de raté, on a fait la manœuvre un moment avant de voir le succès de l'opération à l'écran, sans comprendre réellement pourquoi c'était bon cette fois-ci).
Autre aspect potentiellement rédhibitoire, la lenteur de passage d'une pièce à une autre, avec apparition d'un compteur pendant plusieurs dizaines de secondes : clairement injustifiée, cela nous renvoie à l'époque de certains jeux PC de Sierra dans les années 90 alors que les machines étaient clairement moins puissantes.
Le compteur que vous allez apprendre à détester...
Parfois il faudra orienter correctement le personnage pour voir apparaître la possibilité de changer de pièce (cela gâche un peu le plaisir quand c'est juste poursuivre la marche dans un couloir du train ou avancer dans une autre partie d'une pièce du musée). Cette approximation est clairement préjudiciable au plaisir que l'on prend à jouer à ce jeu et le titre étant sorti depuis plusieurs mois désormais, on n'espère plus de correctif à ce niveau. Un travail d'optimisation bien insuffisant, qui à priori ne touche pas seulement la version Switch.
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