Bien des mois après cette première découverte où nous avions un peu fait la moue, on vous l’accorde, on redécouvre l’univers de No Thing avec un regard neuf. Vous êtes un coursier dans un monde didactorial retro-futuriste en 1994 et vous devez apporter une missive à la reine de glace dans un monde futuriste et totalitaire qui fait furieusement un clin d’œil au roman 1984 de Georges Orwell.
Le gameplay n’a pas changé : nous sommes face à un runner de type infini, nous poussant à avancer le plus loin possible avant le Game Over. Rien de bien compliqué au niveau du mécanisme du jeu, nos seuls possibilités de mouvement étant de tourner à 90° à gauche ou à droite, en fonction du changement d’orientation de la route qui défile devant nous.
Bref un jeu qui nécessite réflexe et concentration car dès que l’on tient le choc de la progression de la route, la vitesse accélère et il va falloir garder son self contrôle pour ne pas partir dans les décors (et devoir tout se retaper). Le jeu se montre extrêmement punitif car le moindre échec équivaut à recommencer le niveau échoué intégralement.
Visuellement, on est dans un trip halluciné, comme si le personnage s’était pris du LSD. Des couleurs et des formes qui glitchent volontairement à l’écran, des teintes pastel ou plus flashy, des visages ou des formes qui apparaissent de manière diffuse, le tout baigné dans une ambiance sonore éthérée puis de plus en plus envoûtante avec une voix synthétique qui nous parle régulièrement en anglais.
On aime ou on n’aime pas, mais on vous conseille cependant de vous accrocher et de franchir les trois premiers parcours sur les dix présents car le plaisir commence à venir à partir du troisième niveau. Mais avant d’y parvenir, vous vous serez mangés les doigts quelques fois.
Si au départ la route est plane, très vite elle va varier sur plusieurs hauteurs. Toute chute est mortelle (avec un joli affichage de verre brisé) sauf sur le second niveau où vous pouvez parfois retomber sur la route en contrebas. Autant l’avouer, ce type de jeu dans les transports n’est pas une bonne chose : il nécessite tellement de concentration lorsque la vitesse s’accélère que c’est le meilleur moyen de louper sa correspondance.
Il faut apprendre à doser la montée d'adrénaline suite à l’accélération du mouvement au cours du niveau sinon vous allez droit dans le vide. Par contre, vigilance au niveau de la vue, l’ambiance visuelle est fatigante à la longue, et avec la concentration que réclame ce titre dès que l’on commence à avancer sérieusement, cela risque de picoter car vous allez oublier de cligner les yeux pour suivre l’action, d’autant que l’on assiste régulièrement à des changements de couleurs pour nous déstabiliser. Si une option VR du jeu existait, on est quasiment sûr d’en sortir malade.
Parmi les affichages qui nous mettent la pression, une sorte de compteur bizarre avec de nombreux chiffres nous indiquant le pourcentage de parcours réalisé. On y jette parfois un coup d’œil mais on garde surtout l’œil rivé sur les changements réguliers de direction. Alors le prix n'est pas très élevé mais la sobriété de son gameplay et l'étrangeté de son univers graphique ne plairont pas à tout le monde.
Pourtant à y regarder de plus de près, ce jeu de niche qui semble s'adresser à une catégorie réduite de gamers (on le comprend, nous nous sommes nous mêmes pas franchement bousculés pour y jouer, jusqu'à finalement se laisser séduire un soir) est très intéressant par sa structure (il a d'ailleurs été cité en exemple lors d'un colloque en Octobre 2018 à Lièges par
Thomas Morisset (Sorbonne Université / Université Paris-Ouest) lors de son intervention "Le joueur et le musicien : approche philosophique des jeux instrumentés", jetez-un coup d'oeil à cette intervention universitaire en cliquant sur le lien, la partie consacrée au jeu No Thing débutant à 8:27) : de par sa structure répétitive accélérant l'action jusqu'à atteindre un nouveau niveau et un abaissement de la vitesse lors du début de ce niveau, le jeu vous habitue à une gymnastique vue/dextérité doigt proche de l'entraînement des gammes en musique. On s'habitue effectivement à cette vitesse et on gagne en efficacité en rejouant régulièrement à ce titre (merci à mon collègue Martin pour m'avoir aider à mettre les mots sur un ressenti). Ce titre s'avère donc un excellent titre pour s'entraîner.
A jouer avec parcimonie, sa rejouabilité dépendant de votre affect vis-à-vis de ce jeu et de l'endroit atteint (on ne l'a pas fini) mais ponctuellement, pourquoi pas. Si vous voulez le compléter à 100%, il sera un challenger redoutable, si vous voulez faire de la motricité fine en développant votre capacité à gérer votre stress face aux courbes d'évolution de vitesse du jeu, c'est un excellent partenaire à conserver quelque part dans votre logithèque à ressortir en cas de besoin. Suivant votre situation et votre intérêt (il faut tout de même aimer le genre "runner"), c'est à vous de choisir si ce titre doit absolument avoir sa place au sein de de votre logithèque mais une chose est sûre, ce n'est pas une purge à bas prix comme on aurait pu avoir tendance à le croire en l'essayant deux ou trois fois. Accrochez-vous pour réussir l'ensemble des challenges !
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