Test : SMT : Devil Survivor 2 Record Breaker
En attendant Fire Emblem Fates, les tacticiens vont avoir du pain sur la planche... En effet, avec Shin Megami Tensei : Devil Survivor 2 Record Breaker, on tient là une aventure qui vous scotchera à votre 3DS pour près de 40 heures !
TestTokyo terre d'asile
Puisqu'on devra y venir tôt ou tard,autant mettre immédiatement les choses au clair : si on devait réadapter la série Evangelion en remplaçant les méchas par des démons effarouchés, on obtiendrait sans aucun doute tout le scénar' de Devil Survivor 2. C'est assez surprenant, inattendu, mais cet épisode est peut être le plus troublant de tous les MegaTen tant ses sources d'inspirations sont flagrantes et assumées.Devil Survivor 2 commence tout de même sur les chapeaux de roues en accomplissant dès ses premières minutes un rêve d'enfant : une fin du monde anticipée entre un contrôle de maths et un cours d'Anglais, et un regroupement de survie avec la plus belle fille du lycée. La suite est évidemment un peu moins sympa et synonyme d'extraterrestres géants aux motivations inconnues qui tentent de détruire les restes d'un Tokyo déchiré par l'apparition de monstres mythologiques errant dans les rues. Heureusement pour les héros, leur salut vient d'une application mystérieuse installée sur leur portable qui leur permet à la fois d'invoquer des démons pour se défendre mais aussi devoir en avance les circonstances de la mort de leurs proches. Un point de départ qui en vaut bien un autre pour commencer la chasse au xénomorphe.Production jap' oblige : quand le monde approche de la destruction, la valeur des Hommes restants se mesure au swag de leur tignasse et de leur sape. Belles ondulations par-ci, décoloration par là,trench en cuir, hoodie lapinesque (?)... En toute légitimité, Devil Survivor 2 propose un character design soigné si on accroche au style coquet mais un peu académique de Suzuhito Yasuda, tout en finesse pour les mecs, tout en nibards démesurés pour les nanas. Du grand classique en somme. Côté démons, rien de choquant pour les amateurs, on passe encore et toujours du bonhomme de neige déguisé en bouffon aux dieux indus quadrumanes, sans oublier tout un registre d'anges en armures et de dragons flippants.
C'est plutôt niveau aliens, puisque c'est tout de même de leur invasion qu'il est question, qu'Atlus s'est démené pour casser avec son registre habituel. Et autant certains laissent carrément de marbre (le cornet de glace ?), autant d'autres comme Alioth font tout de suite mouche. En tous cas, personne ne niera qu'il s'agit là d'une certaine prise de risque de la part de l'équipe de développement, pour une fois ailleurs que dans sa zone de confort ; fait assez rare pour être signalé.
Meilleur pote en alternance
Le plus surprenant pour un jeu qui repose en grande partie sur ses dialogues, c'est que le traitement accordé aux personnages fait clairement dans le conventionnel. On retrouve donc au pif : un mastermind ambitieux de 17 piges qui sourit trop pour être net, un meilleur pote plaintif et aussi charismatique qu'un légume, un binoclard qui cache son mal-être derrière des blagues nazes et une insouciance simulée... Et côté féminin, tous les -dere du monde doivent sans doute y passer.C'est pas si déplaisant pour autant, mais entre ses personnages édulcorés de shonen et son pitch Evangelion / Bokurano soft et sans mecha, Devil Survivor 2 synthétise l'âme de l'anime nippon de façon un poil grossière. En conséquence, peut-être est-ce la faute à une écriture un peu maladroite, ou à des développements prévisibles, mais même en poussant ses relations sociales à fond, on est rarement surpris, et encore moins touché, par les lourds secrets du cœur de nos équipiers. Mais eh ! Au moins, ils filent des bonus et débloquent de nouveaux démons à fusionner ! Pragmatisme quand tu nous tiens...De toutes les façons, le casting joue davantage sur la quantité de personnages rencontrés que sur leur originalité. C'est simple, je ne crois pas qu'un seul SMT ait proposé la moitié des personnages jouables de Devil Survivor 2.
De mémoire il sont près d'une quinzaine à rejoindre les rangs du héros, ce qui est tout de même énorme si on veut s'intéresser à chacun d'entre eux. Sans compter qu'ils ne sont pas tous toujours disponibles en même temps et sont ballottés de gauche à droite selon les caprices du scénario. C'est le genre de détail qui peut avoir son importance quand on se rend soudain compte face à un boss qu'on n'a plus en guise de Dream Team que les quatre péons qu'on avait fini par oublier dans les bas-fonds de son armée...
À l'image d'un Persona, le schéma de l'aventure suit donc une routine relativement décousue avec d'un côté des passages de dialogues purs où l'on cherche à améliorer nos liens avec nos compagnons d'infortune, et de l'autre, des combats généralement indiqués au préalable sur le menu de sélection de mission (je ne suis pas sûr de pouvoir appeler ça une « carte »). La formule avait déjà fait ses preuves et elle fonctionne encore plutôt pas mal même si, à moins d'être un Napoléon Bonaparte en puissance, il faudra forcément passer par la case leveling à intervalles réguliers.
Les ronchons diront que pour le rythme d'une quête marathon censée se dérouler en moins de dix jours, c'est pas forcément l'idéal, et ils auront raison. Sans compter que le bashing de monstres peut vite devenir chronophage à moins d'investir une poignée d'euros supplémentaire dans les maps cheat-codes, décidément toujours aussi plaisantes à voir arriver en DLC le même jour que le jeu... Pour autant, il faut avouer que le système de combat est sacrément bien rodé.
Monstres contre Aliens
L'originalité des Devil Survivor, c'est de greffer une grosse pincée de stratégie au tour par tour à la formule RPG / Visual Novel, chère aux spin-offs de SMT. Un mélange encore plus bâtard donc mais étonnamment bien huilé. Du coup, si chaque rencontre avec un ennemi donne lieu aux indémodables batailles façon Press Turn Battle, avec encore de lourds bonus quand on frappe dansles faiblesses, le gros de la réflexion se joue sur le champ de bataille en vue de dessus. Dans la plus pure tradition des Fire Emblem ou FF Tactics, il faut donc principalement faire gaffe au placement des démons, des alliés, à leur possibilités de mouvements, leur portée...Bref, l'ensemble ne décontenancera pas les habitués du genre même si quelques subtilités (notamment l'ordre des tours qui fonctionne de façon passablement anarchique) mettront sans doute un peu plus de temps avant d'être complètement maîtrisées. En outre, les boss stellaires sont souvent d'une difficulté assez rude et demandent de soigneusement préparer un plan d'attaque avant de se lancer tête baissée dans la bataille. Pour pimenter le tout, les nouvelles capacités ne s’apprennent qu'en les volant à ses ennemis à l'aide d'une manœuvre pas toujours évidente : le skill crack. L'idée est de choisir, pour chacun des personnages de son équipe, une capacité à copier chez l'ennemi en l'abattant froidement. Et la difficulté, c'est qu'il sera le seul à pouvoir le faire. En clair, inutile d'espérer chopper avec un autre personnage un Mabufu si celui avec qui vous aviez prévu de craquer le sort s'est fait descendre. De quoi rajouter encore une bonne couche de prise de tête aux joutes.
Pas forcément évident au premier abord, malgré la présence d'un mode « facile », Devil Survivor 2 s'apprivoise petit à petit pour peu qu'on ait quelques bases de tactical-RPG et surtout, qu'on n'ait pas réparti n'importe comment ses points de caractéristiques. Comme le savent les initiés : la clef de la survie, c'est la spécialisation (force ou magie, les deux étant très viables pour une fois) ; un conseil qu'on aurait aimé pouvoir donner à certains alliés qui semblent tirer leur stat préférée à pile ou face à chaque level up.
Dans le fond, qu'importe, puisque de toutes façons la majorité de votre armée sera composée de démons à exploiter à coups de fouet et à faire fusionner sans états d'âme une fois leur obsolescence pressentie. Comme à l'accoutumée, Devil Survivor 2 propose un large choix de monstres à collectionner pour remplir son compendium et faire les yeux doux à tous les amateurs de 100% ainsi qu'aux Grosbill qui ne jurent que par Lucifer ou Satan.
Ceux qui au contraire refusent de planifier l'avenir de leur partie en se référant sans cesse au pedigree de leurs petits protégés seront bien content de voir qu'on peut directement négocier les démons rencontrés aux enchères, sans passer par de laborieuses et incompréhensibles phases de négociations. Devil Survivor 2 est résolument moderne : on n'y achète ni armure en cuir, ni épée en fer. Juste des démons sur eBay, tels des cartes Pokémon.
Garanti sans botox
Remake d'un jeu DS déjà vilain pour l'époque, cette version Record Breaker fait carrément honte aux capacités, pourtant modestes, de la 3DS : les sprites de personnages sont hideux, les démons sont pixélisés comme jamais, les maps ont toutes la même tronche et visuellement, les combats sont mous... Comme dans le jeu original, en somme. Même constat pour la bande-son : si on a enfin le plaisir d'avoir droit à un doublage – sans folie – des dialogues, la tracklist fait de la peine à entendre. Les musiques sont beaucoup trop peu nombreuses, et pas toutes inspirées.Tout n'est pas à jeter, bien sûr, mais l'ensemble manque encore trop de variété, en particulier quand les mêmes thèmes reviennent incessamment pendant tout le jeu. L'occasion était pourtant toute trouvée pour redonner un coup de jeune à un soft qui en avait grand besoin. Ce sera visiblement pour la prochaine fois... Une cinématique d'intro de grande classe, des dialogues à base d'artworks sommaires et des graphismes d'un autre âge : est-ce là le destin tragique de tous les remakes d'Atlus ? Il faut croire.C'est qu'en réalité, Atlus a accordé à ce remake largement plus d'intérêt au fond qu'à la forme. Et si les ajouts sont plutôt chiches en mode Septentriones, Record Breaker offre aux joueurs un second scénario totalement inédit : Triangulum. Mine de rien, l'aventure est longue comme pratiquement la moitié du jeu original et comporte ses propres sorts inédits, ses propres boss, etc. C'est plus que correct et même sans comparaison possible avec le peu de travail qui avait été fourni pour le remake du premier Devil Survivor. Sans compter que les développeurs ont eu la bonne idée de ne pas faire redémarrer notre équipe au niveau 1 ! Alors, non, tout n'est pas parfait bien entendu mais quand, enfin, quelques génies pensent à inclure un bonus digne de ce nom dans un remake, on applaudit des deux mains.
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